Bonjour à toutes et à tous.
Loin de moi l'intention de défendre la politique d'asile de la Suisse durant la SGM. Cependant, ce n'est pas parce qu'elle a été placée sous les feux de projecteurs internationaux il y a quelques années, que cette politique fut forcément pire que celles restées un peu plus discrètes médiatiquement. Je souhaite donc apporter quelques éléments nuançant la position d'Yves.
Yves a écrit:mmouais... La Suisse rentre dans cette catégorie. Mais les suédois se sont pas mal mouillés alors qu'ils étaient bien pris en tenailles également... On pense aussi aux Danois qui bien qu'occupés ont été assez actifs dans la protection des juifs mais je te l'accorde on s'écarte des pays neutres.
Je ne suis malheureusement pas un expert en matière de politique du refuge pratiquée par la Suède durant la SGM. Par chance, le travail de comparaison a été effectué par la "Commission Bergier" dans son rapport final.
Rapport Bergier a écrit:La Suède, que l’on prend volontiers pour terme de comparaison, constitue un cas singulier. Jusqu’en automne 1942, sa politique compta parmi les plus restrictives, comme celle de la Suisse; à cette différence près que les Juifs étaient moins tentés de gagner la Suède en raison de sa situation géographique. Après la déportation des Juifs de Norvège, la Suède fit volte-face, à la fin de 1942. Plus de la moitié des Juifs qui séjournaient en Norvège ont été admis en Suède; la plupart de ceux qui se trouvaient au Danemark ont été sauvés de la déportation grâce à une opération d’évacuation secrète menée en automne 1943. Jusqu’à la fin de la guerre, la Suède poursuivra une politique d’aide active; sans grand succès toutefois, mise à part l’initiative du diplomate Raoul Wallenberg qui sauva beaucoup de Juifs de Budapest en leur distribuant des passeports.
Rapport final de la Commission Indépendante d’Experts: Suisse – Seconde Guerre Mondiale, p. 155
Il est toujours délicat d'amener des chiffres (la Commission Bergier s'est bien gardée de faire des comparaisons quantitatives). Si j'en crois le site
Jewish Virtual Library, la Suède aurait accueilli environ 9'000 réfugiés juifs (Norvégiens et Danois), alors qu'on en compte environ 20'000 pour la Suisse.
Pour ce qui est de leurs positions géographiques respectives par rapport à l'Allemagne, je les trouve assez peu comparables.
En ce qui concerne le cas danois, il s'agit effectivement là d'un cas totalement différent puisqu'il s'agissait d'un pays occupé qui a refusé la déportation de sa propre population israélite, par ailleurs fort bien intégrée. On trouve notamment un intéressant exposé sur le Danemark chez Jacques Semelin.
En octobre 1942, Berlin voulut, comme partout ailleurs, introduire une législation anti-juive. Mais l'Allemagne se heurta au refus catégorique du Premier ministre, Erik Scavenius, qui menaça de démissionner avec tout son cabinet. D'une part, il s'agissait d'une nouvelle tentative de Berlin visant à s'intégrer dans les affaires intérieures du pays alors que le mémorandum allemand du 9 avril 1940 reconnaissait au gouvernement danois son autorité en matière de politique intérieure. Mais, d'autre part, les juifs, bien intégrés, étaient considérés comme des citoyens à part entière. A cet égard, on ne peut pas dire que le gouvernement danois manifesta une sorte de "prosémitisme". Son attitude se fondait davantage sur une position politique fondamentale : s'en prendre aux juifs revenait à vouloir s'attaquer à un élément essentiel de la constitution danoise, celui de l'égalité des droits entre citoyens.
Jacques Semelin, Sans armes face à Hitler, Petite Bibliothèque Payot, Payot, Paris, 1998 (1989), p. 193
Pour ce qui est de l'attitude des neutres face aux réfugiés, il me semble que la politique d'accueil des pays neutres de la péninsule ibérique est largement sous-estimée. On compte en effet environ 100'000 réfugiés juifs accueillis par l'Espagne (cf. Rapport Bergier cité ci-dessus)
Christian