Post Numéro: 8 de LENEVETTE Roger 27 Juil 2009, 22:39
Vous trouverez ci dessous un résumé que je baptiserais " Kadervern - Avant, Pendant et Après " que j'ai réalisé à partir du livre " Les Maquisards " de Roger Le Hyaric.
Bonne lecture à tous
Roger
Kervernen (Avant, Pendant et Après)
A propos de la bataille de Kervernen, pour ceux qui ne le sauraient pas, le commandant "Pierre" n'est autre que Roger Le Hyaric lui-même.
Le 18 juin 1944, c'était l'échec prévisible de Saint-Marcel, le courage des hommes ne parvenant pas toujours à compenser l'incapacité des chefs à comprendre la situation.
L'erreur militaire avait cette fois une formidable conclusion positive, le grand E.M. allié reconnaissait la valeur de la tactique des petits maquis F.T.P. et acceptait leur armement, sans exclusive. Une phase nouvelle commençait qui portait la guérilla à un niveau supérieur.
Le maquis de Saffré en Loire Inférieure a été pareillement anéanti le 28 juin suivant.
L'E.M. Allié commétait l'imprudence de vouloir organiser ces maquis mobilisateurs départementaux.
Mais ces défaites imputables à une incompréhension totale de la tactique de guérilla chez les militaires de carrière n'a pas trop entamé le mordant des F.F.I. – F.T.P.
C'est tout à fait par hasard qu'un jour "Pierre" est tombé sur le major anglais Smith. Ce matin là le maquisard entendit parler d'un parachutage de quelques hommes seulement, tombés dans une lande pas trop loin de Malvoisin. Intrigué, il était parti se rendre compte, et à un moment pour se réchauffer, car l'aube était humide et fraîche, il était entré dans la pièce commune d'une toute petite ferme, sur la terre batue de laquelle s'agitait un grand diable d'Anglais. L'Anglais ne l'ayant pas remarqué, le F.T.P. n'avait rien dit se contentant d'obser ver cet olibrius qui voulait se faire cuire des œufs.
La présence de ce gars là faisait se poser bien des questions à notre chef F.T.P. qui en reçut les réponses en début d'après midi. Le Major était reçu à bras ouvert, logé même à Kérustène au P.C. de Libé-Nord et ce devait être le responsable pour les parachutages pour la Bretagne. Alors "Pierre" fonça pour l'inviter au nom des F.T.P. et Smith lui répondit :
- " Ce soir, je viens avec vous "
Il devait rester avec les FTP jusqu'au 13 juillet à Hénon dans les Côtes du Nord.
L'orientation générale du F.N. était : toujours s'unir le plus largement possible pour sans cesse agir, pour cela, s'armer encore, toujours et mieux pour pourchasser le boche jusqu'à l'hallali. Pour cela les patriotes maquisards F.T.P. n'avaient pas besoin de longs discours pour prendre des initiatives.
La décision prise était que l'E.M. régional se transforme pour être apte sur place à recevoir le plus d'armes possibles, pour ensuite veiller à étendre leur répartition afin d'améliorer les possibilités combatives au maximum d'unités de maquis sachant conserver leur dispersion.
"Thierry" était donc confirmé comme principal responsable, c'est-à-dire C.E., tandis que "Pierre" assumerait les fonctions de C.O. (Chef aux Opérations), le C.T. "Gérard" ayant aussi la tâche particulière de pouvoir joindre Courtois, nommé Chef Régional, mais avec qui la prise de contact n'était pas si facile. "Max" conservait la fonction d'adjoint au C.M.I.R. (Comité Militaire Inter Régional), de plus, "Thierry" était subdivisionnaire F.F.I. adjoint, c'est-à-dire qu'ils avaient en principe la charge de régler les problèmes des E.M.F.F.I. des quatre départements, ce qu'ils ne firent qu'imparfaitement, le commandement des F.T.P., à l'offensive sur toute la Bretagne, suffisant à leur bonheur.
Accompagné du Major Anglais, l'E.M. régional des F.T.P. décrochait de nuit de Malvoisin pour rejoindre Coët-Bigot en Saint-Tucdual, à une vingtaine de kilomètres à travers champ. Une telle distance de nuit, à travers l'infinie succession des landes bretonnes, dans l'écheveau des chemins creux, équivaut à une pérégrination nocturne des plus dangereuses pour qui sait que l'ennemi est aux aguets aux quatre coins de l'horizon.
Il faut s'imaginer ce que pouvaient être le déplacement de l'E.M. Précédé d'un guide.
"Thierry" et "Pierre" suivaient, accompagnés de "Chantale" et "Christiane" avec Smith qui ne les quittait pas d'une semelle. Les deux agentes de liaison étaient accompagnées de leur vélo pour revenir le lendemain.
A quelle date nos quatre hommes et les deux filles avec toute une cargaison arrivèrent-ils à Ty-Glass ? Faute de carnet de route qui ne pouvait être tenu dans une guerre clandestine, on peut supposer que c'est le 23 juin puisque c'est après leur arrivée que les maquisards apprennent la tragédie de du combat de Guilfosse en Plouray. C'est le 21 juin que les allemands arriveront à cette ferme, mais ce n'est que le 24 qu'ils pilleront le village et ne revinrent que le lendemain 25 pour tout incendier.
Le Front National s'étant déclaré d'accord avec la perspective développée par les jeunes chefs de son organisation militaire, tous ses militants : hommes, femmes, jeunes se dévouaient sans compter pour la réussite de ce plan.
Partout sur le terrain, des hommes du Morbihan, des Côtes du Nord, du Finistère, d'Ille et Vilaine ainsi que de toute la France, n'attendaient que l'armement pour entrer en action.
Une première réponse leur parvint alors qu'ils se trouvaient toujours sur Glomel. Trois parachutages importants leur était accordés à Sainte-Tréphine, Saint-Nicodème et Lamiscat avec pour chacun d'eux, une lettre indicative transmise au poste de radio.
Le problème posé simple dans son énoncé était complexe pour sa solution. Ces trois lieus étaient distants chacun d'un nombre assez important de kilomètres et du moment où les avions vont se faire entendre ils doivent recevoir une réponse avant de lâcher leurs chargements. En chaque endroit de nombreux jeunes encadrés devaient être présents pour s'en occuper.
Dans la nuit du 12 au 13 juillet un télégramme réceptionné dans la nuit disait : "Planquez les armes. Cessez Guérilla". C'est tout au moins ce que prétendaient des officiers français des missions parachutées qui se préparaient à exécuter l'ordre reçu. Déjà dans les premières unités contactées, le doute et l(incompréhension semaient le désarroi. Des responsables s'insurgeaient, d'autres s'inquiétaient, mais tous s'interrogeaient. L'attitude du major Smith restait dubitative.
Une très grande majorité de chefs F.T.P. ne comprenaient pas ce télégramme et décidèrent de ne pas en tenir compte, décision à laquelle "Pierre" se rallia également.
La deuxième réflexion inspirée par la bataille de Kervernen, est des plus amères car elle est la confirmation que les E.M. alliés ont modifié leur attitude par rapport aux maquis du Front National et n'envisage plus du tout de les soutenir. Il semble bien qu'en Bretagne, le moment semblait venu pour freiner l'élan des maquis, comme tentait de le démontrer le télégramme du 12 juillet, ainsi que les réflexions et l'attitude des plus réservées des missions alliées, avec leurs nouvelles tentatives de débaucher les cadres maquisards et leur inertie devant les attaques subies par l'armée du Front National comme "Pierre" en eut la preuve ce 14 juillet 1944.
Après avoir évité de justesse le barrage de Saint-Hilaire, le chef maquisard avait foncé au plus pressé pour obtenir la contre-attaque des maquis les plus proches, l'occupation des passerelles sur le Blavet et des campagnes alentour. La bataille va faire rage toute la journée et par trois fois, l'ennemi devra appeler du renfort. La première fois dès 8 H du matin où des fusées vertes d'appel au secours furent aperçues de loin dans le ciel. Dès lors il fut possible de voir de longues colonnes de camions souvent non bâchés, surchargés de soldats grimpant lentement les longues pentes du Blavet. A cette vue, le responsable maquisard n'eut alors qu'une idée : l'aviation.
Si elle intervenait comme elle l'avait fait deux jours plus tôt dans les Côtes du Nord, elle pouvait faire des dégâts considérables, stopper les renforts, apportant ainsi une aide inestimable aux encerclés.
Sans plus attendre une agente de liaison l'avait conduit sur la commune de Guern joindre le lieutenant de paras D… planqué en rase campagne, à plusieurs kilomètres du bourg, bien protégé par des maquis sur cette région.
Le patriote eut une surprise, le para partageait sa planque avec un capitaine anglais, Fay, dont il apprenait seulement la présence. En réponse à sa demande, l'officier français s'abritait derrière l'autorité de l'Anglais dont le refus était catégorique. Le maquisard insistait, donnait l'exemple précédent avec Smith, mais à chaque argument, le capitaine de renseignement britannique cherchait une échappatoire, se dérobait, prétextant principalement que ce n'était pas son heure de vacation et qu'il était dans l'impossibilité absolue d'entrer en liaison avec Londres. Ce qui était absolument faux comme de nombreux exemples l'avaient démontré.
Le plus triste, c'était la lamentable attitude de l'officier para français qui ne faisait absolument rien pour aider son compatriote, conservant une passivité qui renforçait l'Anglais dans sa position. Le F.T.P. dut donc revenir bredouille alors que ses troupes se battaient magnifiquement, encerclant à leur tour les assiégeants, les obligeant trois fois à demander du renfort, pour finalement dégager leurs camarades survivants vers 16 heures.
Au total, tués au combat ou fusillés peu après, 69 patriotes devaient succomber à Kervernen. Il est possible d'estimer que quelques uns auraient pu être sauvés si l'aviation était intervenue, ce qui souligne la responsabilité de ceux là qui, par calcul politique et par peur du peuple auto-libéré, acceptaient froidement la perspective de nouveaux sacrifices.
Ils pensaient être venus pour apporter une libération qui leur apporterait éternelle reconnaissance et soumission et non pas pour assister à une levée en masse de gens retrouvant conjointement dignité et fierté nationale. Mais à ce stade du combat, l'élan était tel qu'il se déjouait de tous les mauvais calculs, bousculant tous les pièges, arrachant tous les verrous pour approcher irrésistiblement l'insurrection libératrice.
Avant d'arriver à cette exaltante conclusion, il reste encore plus d'une vingtaine de jours qui connaîtront une intense activité absolument indescriptible dans son ensemble, la grandeur du peuple en colère, laissant chacun pantois et le ramenant à n'être plus qu'une minuscule unité consciente de l'utilité de son rapport dans le gigantesque mouvement de force qui s'ébranle. Ici chacun ne peut donc apporter qu'un bien modeste témoignage personnel, respectueux autant que possible de la vérité historique.
Donc ne pas faire comme ce lieutenant de para D… qui plus d'un quart de siècle plus tard écrira un livre sur la libération du Morbihan. Pour commencer, il se nommera capitaune, ce qu'il est peut-être devenu après, mais il avait été parachuté comme lieutenant. Alors, pourquoi ce petit mensonge d'une anodine fatuité ? Peut être pour se permettre un deuxième bien plus gros, celui de prétendre avoir commandé les quatre bataillons F.T.P. de l'Arcoät du Morbihan ? Un peu gros, lorsque l'on sait qu'il n'avait ni le grade, ni le titre, ni le droit, ni sans doute la capacité de le faire.
En réalité, il avait dû se contenter de la protection au milieu de leur dispositif dans sa planque de Guern, ce qui ne l'empêche pas de se faire appeler le "Libérateur de Pontivy" alors qu'il n'est sans doute entré dans la ville que deux ou trois jours après les premiers éléments libérateurs des F.T.P. et de l'A.S. Tout cela peut paraître ridiculement mesquin, mais n'est mentionné que parce qu'il marque dès les premières heures de la libération, ce qui ne cessera de se poursuivre en se développant sous des formes multiples sous des formes sans cesse renouvelées : la tentative d'usurpation et de falsification de la résistance populaire.
Rapidement, dans les instances populaires se mettant en place, les officiers para d'active ou ceux venant d'Afrique, se sentiront par leur formation et leurs préjugés de classe, plus proches des cadres inactifs de l'ex armée d'armistice vichyste que de ces va-nu-pieds de 1944 surgissant hirsutes des halliers, pour, sans eux et même malgré eux, remporter un indéniable succès militaire salué de façon presque Dithyrambique par "Radio Londres".
Leur apport à la victoire commune sera donc rapidement minimisé, l'inexpérience de leur jeunesse sera utilisée pour leur inculquer comme un complexe d'infériorité pour faire admettre leur dégradation maximum au profit des sages anciens donneurs de conseils qui avaient fait une guerre du "café du commerce".
Le moment approche mais n'est pas encore venu de donner des exemples de la duplicité de ces gens là en ce 14 juillet 1944. Seuls ce jour là, comme précédemment, si l'on accepte quelques soldats paras isolés qui combattent comme eux, avec eux, les maquis F.T.P. se battent bien, et pas un seul instant, malgré la cruauté du combat, ils ne seront effleurés par l'idée du renoncement.
Pour en, terminer avec Kervernen, disons que les pertes allemandes sont estimées à 130 morts. Toute la journée et les jours qui suivirent, la région fut parcourue par un grand nombre de chevaux de "cosaques" sans cavalier, errant pour retrouver leurs écuries, parfois interceptés par des paysans pour leur plus grand bonheur. Les pertes de l'ennemi, importantes pour un seul lieu en un seul jour, sont bien moindres que celles qu'il a déjà subies, ou qu'il va devoir subir encore davantage avec la multiplication des petites escarmouches.
Un exemple parmi tant d'autres : une patrouille de soldats montés, ayant commis l'imprudence de s'aventurer dans un chemin creux, un maquisard surgit sur un des talus, fusil mitrailleur à la hanche et balaie à bout portant les sept cavaliers dont les torses offrent une cible idéale. Cette fois là encore, il n'y avait pas de survivants, quand aux chevaux, l'histoire ne dit pas s'ils furent récupérés ou réexpédiés vers leurs écuries pour saper un peu plus le moral de l'occupant.
La bataille de Kervernen avait été une épreuve très dure pour les F.T.P. et l'ensemble de la résistance de l'Argoät du Morbihan. Pour avoir renouvelé l'erreur de concentration de Saint-Marcel, certes bien moins importante et moins longue, mais erreur quand même, les unités du 1er bataillon devaient subir des pertes qui auraient pu être encore plus sévères si elles n'avaient bénéficié d'un environnement de maquis actifs, contrariant le développement de l'avancée allemande par des attaques de diversion et la dispersion des renforts.
Cette même densité de maquisards fut, par la suite, un empêchement pour les hordes hitlériennes, à se venger sur la population civile comme elle l'avait fait à Saint-Marcel. Bien sûr, elles incendièrent la ferme, mais ne purent aller plus loin, bien trop préoccupée de se défendre et de retourner à leur cantonnement, ce qui fait que malgré les pertes, la bataille, par sa longueur dans le temps, son ampleur dans l'espace, son intensité dans les attaques de diversion et son succès final contre l'encerclement, fut considérée comme une victoire. Dès lors, pas question de vider les lieux en rentrant à la maison, quand au fameux télégramme à "ranger les armes – cessez guérilla", son existence même était oubliée et les combats continuaient comme s'il n'avait jamais existé. Mieux même, les pertes étaient compensées au décuple par les jeunes enthousiasmés par l'exemple de leurs "anciens", désormais dotés d'un armement suffisant pour les encadrer et les instruire à grande vitesse.
Un soir de début du mois d'août, "Pierre" terminait sa randonnée en arrivant à Gouarec dans les Côtes du Nord, sur le canal de Nantes à Brest, où il savait retrouver l'E.M. inter-régional. Cette fois encore il avait évité le bourg de Silfiac qui, depuis longtemps était déconseillé aux militants du F.N. Il était arrivé assez tard au rendez vous où seulement les deux filles : Chantale et Christiane attendaient. C'est alors que Christiane lui annonça qu'il était officiellement nommé par le F.N. Inter Régional aux Opérations des F.TP. de Bretagne, ce qui s'ajoutait à son titre de subdivisionnaire-adjoint des F.F.I. La reconnaissance de ses camarades ne lui déplaisait pas, mais quelle importance, lorsque la fin approchait …
Il en était là de ses réflexions, discutant tranquillement dans le noir avec les deux filles, attendant l'autre inter, lorsque sur la route, là haut sur la côte dominant le canal, se fit entendre le crissement des chenilles des chars s'avançant sans crainte sur la chaussée surveillée par les patriotes, dégagée de toute possibilité d'embuscade, entièrement libérée très loin alentour et déminée lorsqu'il en était besoin.
Au même instant, un peu plus loin, commençait un parachutage prévu pour un complément d'armement dans la région. Alors ce fut du délire ….