Post Numéro: 1 de Tom 14 Fév 2008, 15:25
Je suis en train de lire avec grand plaisir et intérêt l’excellente étude historique de l’historien universitaire anglais Paul Abrahams La Haute-Savoie contre elle-même, 1939-1945 (Editions La Salévienne, 2006), qui est la traduction française de l’essentiel de sa thèse de doctorat soutenue à l’université de Cambridge en 1991 et dont j’avais vainement commandé une copie à l’époque.
Une telle étude, sérieuse et documentée, fondée principalement sur les archives disponibles à la fin des années quatre-vingt, nous change radicalement des ouvrages habituels basés uniquement sur les témoignages, avec des dialogues fictifs, sans références précises, sans analyse critique des sources et seulement préoccupés de perpétuer les mythes unanimistes et héroïques auxquels le grand public reste attaché (il est regrettable que ce soit ce type d'ouvrages qui garnisse exclusivement les rayons des librairies).
Deux observations m’ont, pour l’instant, frappé au cours de la lecture des premières pages.
1) En France, de 1938 à 1946, le taux de mortalité a (avec de très grandes variations régionales, entre villes et campagnes, entre catégories sociales…) paradoxalement DIMINUE, passant de 20,29 décès pour 1000 habitants en 1938 à 16,70 en 1946 (de 20,25 en 1939 à 19,99 en 1945)…
En Haute-Savoie, il est passé de 16,19 en 1938 à 16,04 en 1945… Dans l’ensemble, l’état de santé de la population ne s’est pas dégradé…
2) En effet, en Haute-Savoie, grâce à d’excellentes récoltes (notamment celle de 1943), le ravitaillement en produits alimentaires était TRES abondant et cette profusion entraîna, à cause du marché noir et de la mauvaise gestion de plus en plus étatiste du gouvernement de Vichy, une profonde division du peuple, non entre résistants et collaborateurs, mais entre riches et pauvres, en particulier entre ouvriers/petits employés des villes et «bourgeois» (autochtones et aussi touristes qui venaient en grand nombre pour acheter !) ainsi que paysans, lesquels profitèrent, dans l’ensemble, énormément des marchés parallèles (même en 1944 !), avec, en prime, la bonne conscience de nuire aux Allemands alors qu’ils affamaient les plus démunis de leurs compatriotes (les plus à plaindre étant les ouvriers immigrés qui n’avaient vraiment aucune relation à la campagne, comme c’était le cas dans la famille de ma mère d’origine italienne et implantée à Annecy après la guerre de 14). Cette situation explique, beaucoup plus que des raisons purement idéologiques, le développement des idées communistes parmi les ouvriers des vallées et des centres industriels de la Savoie du Nord…
N.B. Ma mère, parce qu'elle était d'origine italienne (quoique venue en France à l'âge de trois ans), avait été requise en priorité par les autorités françaises pour soigner les soldats allemands blessés (en provenance de tous les fronts) au lycée Berthollet d'Annecy transformé en hôpital de campagne. Elle m'a raconté que certains soldats trop mal en point pour manger, la voyant si maigre et affamée, lui donnaient leurs rations (à base de patates et de margarine !)... Pendant ce temps, mon père se battait dans la Résistance et, sauf dans les derniers temps du maquis des Glières, était sans doute davantage, sinon mieux, nourri...
A SUIVRE...
Dernière édition par
Tom le 14 Fév 2008, 18:04, édité 3 fois.