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La mort de Himmler reste à éclaircir

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 11  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 03 Jan 2008, 11:23

St Ex a écrit:
François Delpla a écrit:Bonjour et bonnes fêtes à tous



1) Le gouvernement britannique, fermement tenu en mais par Winston Churchill, s'oppose jusqu'au début de mai 1945 à la tenue d'un grand procès international des dirigeants nazis -contrairement aux Etats-Unis, à l'URSS et à la France.

Ah bon!!!
L'URSS ne voulait pas initialement de procès mais fusiller directo les dirigeants nazis (pour les raisons que l'on sait: 1°) pas besoin de parler de l'alliance NS/Communistes et ce depuis 1927, et 2°) évitons de poser une règlementation sur les crimes contre l'humanité pour les raisons que vous imaginez!!!).



faux ! C'est l'URSS qui, la première, a parlé d'un procès.

Extrait de mon livre sur Nuremberg :
Il est un autre point qu’on ne remarque pas assez : si
les Soviétiques apparaissent fort gourmands en termes
numériques, ils sont en revanche, à ce moment, les plus
modérés quant à la façon de prononcer les peines. Ils
veulent un procès régulier et ont été les premiers à le
dire, par l’intermédiaire d’Ivan Maisky, leur ambassadeur
à Londres. Le 12 novembre 1942, il avait écrit à Eden, le
ministre britannique des Affaires étrangères, pour suggérer
la création d’un « tribunal international pour juger les
grands criminels ». Non seulement Churchill et Roosevelt
n’avaient pas été pionniers en la matière, mais le premier
nommé avait, avec son obstination coutumière quand il
s’agissait d’écraser le nazisme, milité ouvertement pour
une solution expéditive, et devait le faire jusqu’au dernier
moment. Il consacre ainsi les deux tiers de l’année 1944
à faire dresser par le cabinet britannique, le Foreign
Office et les délégués britanniques à la commission des
Nations unies une liste des principaux dignitaires allemands
à fusiller sans jugement. Le membre de l’establishment
britannique qui l’épaule le plus dans cette affaire est
le Lord Chancellor John Simon, dont l’attitude contraste
singulièrement avec sa patience devant les transgressions
des traités par Hitler dix ans plus tôt, lorsqu’il était ministre
des Affaires étrangères. Mais des dirigeants de toutes
nuances politiques participent joyeusement à l’exercice,
ainsi Attlee, le leader travailliste, deuxième personnage
du cabinet, qui s’emploie à faire ajouter sur la liste des
banquiers et des industriels1

1. Cf. Taylor (Telford), The Anatomy of the Nuremberg Trials, New
York, Knopf, 1992, tr. fr. Procureur à Nuremberg, Paris, Seuil, 1995,
p. 42.

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Nouveau message Post Numéro: 12  Nouveau message de Audie Murphy  Nouveau message 03 Jan 2008, 20:00

Reste à savoir ce que représentait pour les dirigeants soviétiques un procès régulier.


 

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 13  Nouveau message de carlo  Nouveau message 03 Jan 2008, 20:06

St Ex a écrit:L'URSS ne voulait pas initialement de procès mais fusiller directo les dirigeants nazis (pour les raisons que l'on sait: 1°) pas besoin de parler de l'alliance NS/Communistes et ce depuis 1927, et 2°) évitons de poser une règlementation sur les crimes contre l'humanité pour les raisons que vous imaginez!!!).

Autre éclairage dont vous ne parlez pas: les Alliés soupçonnaient Himmler de se rallier éventuellement au communisme.



Nazis et communistes alliés depuis 1927?
Himmler rallié aux communistes en 1945?
Pourrait-on avoir plus de renseignements?

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 14  Nouveau message de Daniel Laurent  Nouveau message 04 Jan 2008, 07:20

carlo a écrit:Nazis et communistes alliés depuis 1927?

Allemagne alliee de l'URSS aurait ete une meilleure formule...

Des 1927, la Republique de Weimar demarre un mini-rearmement clandestin et utilise ses bonnes relations commerciales avec l'URSS pour convaincre ces derniers de laisser la "Reichswehr clandestine" utiliser des zones peu peuplees de l'Ukraine comme terrain de jeu et obtenir des achats de produits strategiques, le tout de memoire et j'oublie peut-etre quelque chose.


 

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Nouveau message Post Numéro: 15  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 04 Jan 2008, 07:53

Audie Murphy a écrit:Reste à savoir ce que représentait pour les dirigeants soviétiques un procès régulier.


sans doute, mais sérions les problèmes !

L'anticommunisme à la barbare ne fait pas dans le détail. Un régime totalitaire ne peut avoir donné des leçons à la vieille Angleterre de l'habeas corpus en matière de droits de l'homme, voyons ma bonne dame si on laissait dire ça à quoi n'encouragerait-on pas les cheminots français en 2008 ?

Je ne dis pas que tu le dis, ô Audie, mais Satan à cela et gare à l'enfer qui est pavé des meilleures intentions !

L'anticommunisme à la barbare, donc, nous sommes ici pour y parer. Et c'est très salutaire, pour la compréhension même des faits. Autant Staline est capable d'assassinats expéditifs, autant il a, quand faire se peut, le souci d'une couverture judiciaire qui prend racine dans la prise de la Bastille, laquelle fait partie des références favorites des révolutionnaires d'Octobre et explique mieux que tout, à l'autre bout, l'effondrement en douceur du régime en 1991.

Je dirais même plus. C'est sans doute dur à démontrer mais Staline est mû probablement, lorsqu'il réclame pour les nazis un procès "régulier" quelque trois ans avant Roosevelt pour ne rien dire de Churchill, par une motivation assez impure : il aimerait faire avaliser ses propres et moscoutaires procédures.

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 16  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 04 Jan 2008, 08:04

Daniel Laurent a écrit:
carlo a écrit:Nazis et communistes alliés depuis 1927?

Allemagne alliee de l'URSS aurait ete une meilleure formule...


Meilleure peut-être, bonne sûrement pas !
Le fait de traiter d'alliance le pacte germano-soviétique de 1939 est déjà un tic fâcheux, alors que dire des coopérations des années 20 et suivantes consécutives au rapprochement de Rapallo ?

Rappelons le sens précis du mot "alliance" en matière de relations internationales : un engagement à se soutenir mutuellement, et militairement, en cas de guerre. A aucun moment, entre 1917 et 1941, une telle convention entre l'Allemagne et la Russie n'a été signée ni même, semble-t-il, envisagée.

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 17  Nouveau message de St Ex  Nouveau message 04 Jan 2008, 13:13

carlo a écrit:
St Ex a écrit:L'URSS ne voulait pas initialement de procès mais fusiller directo les dirigeants nazis (pour les raisons que l'on sait: 1°) pas besoin de parler de l'alliance NS/Communistes et ce depuis 1927, et 2°) évitons de poser une règlementation sur les crimes contre l'humanité pour les raisons que vous imaginez!!!).

Autre éclairage dont vous ne parlez pas: les Alliés soupçonnaient Himmler de se rallier éventuellement au communisme.



Nazis et communistes alliés depuis 1927?
Himmler rallié aux communistes en 1945?
Pourrait-on avoir plus de renseignements?


Bjr Carlo,

Sur le 1er point, François et Daniel ont répondu.

Sur Himmler et le communisme, je vais chercher les références pour te donner les infos.

St Ex


 

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Nouveau message Post Numéro: 18  Nouveau message de Audie Murphy  Nouveau message 05 Jan 2008, 01:01

François Delpla a écrit:
Audie Murphy a écrit:Reste à savoir ce que représentait pour les dirigeants soviétiques un procès régulier.


sans doute, mais sérions les problèmes !

L'anticommunisme à la barbare ne fait pas dans le détail. Un régime totalitaire ne peut avoir donné des leçons à la vieille Angleterre de l'habeas corpus en matière de droits de l'homme, voyons ma bonne dame si on laissait dire ça à quoi n'encouragerait-on pas les cheminots français en 2008 ?

Je ne dis pas que tu le dis, ô Audie, mais Satan à cela et gare à l'enfer qui est pavé des meilleures intentions !

L'anticommunisme à la barbare, donc, nous sommes ici pour y parer. Et c'est très salutaire, pour la compréhension même des faits. Autant Staline est capable d'assassinats expéditifs, autant il a, quand faire se peut, le souci d'une couverture judiciaire qui prend racine dans la prise de la Bastille, laquelle fait partie des références favorites des révolutionnaires d'Octobre et explique mieux que tout, à l'autre bout, l'effondrement en douceur du régime en 1991.

Je dirais même plus. C'est sans doute dur à démontrer mais Staline est mû probablement, lorsqu'il réclame pour les nazis un procès "régulier" quelque trois ans avant Roosevelt pour ne rien dire de Churchill, par une motivation assez impure : il aimerait faire avaliser ses propres et moscoutaires procédures.


Je vous suis très bien là-dessus.


 

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Re: La mort de Himmler reste à éclaircir

Nouveau message Post Numéro: 19  Nouveau message de carlo  Nouveau message 05 Jan 2008, 09:01

St Ex a écrit:
Bjr Carlo,

Sur le 1er point, François et Daniel ont répondu.

Sur Himmler et le communisme, je vais chercher les références pour te donner les infos.

St Ex


Ben oui, confondre Nazis (NS) et république de Weimar, c'est plus qu'une confusion , c'est du confusionisme.
Quand à Himmler et le communisme, j'attends de voir, mais je ne suis pas certain qu'un tel "éclairage" soit très convaincant. J'ai plutôt le souvenir que vers 1945, c'est vers l'ouest que ce tournait les Nazis qui voulaient sauver leurs peaux. Qu'auraient fait les Soviétiques avec Himmler? A part le pendre, je ne vois vraiment pas quoi. Et Himmler le savait très bien.

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Nouveau message Post Numéro: 20  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 08 Jan 2008, 01:31

Audie Murphy a écrit:Reste à savoir ce que représentait pour les dirigeants soviétiques un procès régulier.


A dire vrai, la chose s'explique. Il est dans la pratique du régime stalinien de donner une apparence de légalité aux purges politiques par le biais des procès dans lesquels les accusés avouent publiquement leurs crimes.

Dans l'optique soviétique, les procès visaient plusieurs finalités, toujours "pédagogiques" (Annie Kriegel, Les grands procès dans les systèmes communistes. La pédagogie infernale, Gallimard, 1972). Les tristement célèbres "grands procès de Moscou" devaient ainsi permettre aux masses d'identifier l'ennemi de l'heure, outre d'expliquer les échecs politiques, économiques et sociaux du système par le biais d'une rhétorique dite du "complot" presque exclusivement fomenté par Trotski (Nicolas Werth, Les procès de Moscou, Complexe, 1987 et 2006 ; Pierre Broué, Les procès de Moscou, Julliard, 1964). Quant aux "petits procès" de ces mêmes années trente, bien plus nombreux, ils avaient pour fonction d'illustrer la sollicitude de Staline envers "le petit peuple" par la mise au pilori de fonctionnaires locaux du Parti, mis en examen pour de menus larçins (Nicolas Werth, "Les "petits procès exemplaires" en U.R.S.S. durant la "Grande Terreur" 1937-1938", La terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin, 2007, p. 300-329).

Dans ces circonstances, il n'y a rien de surprenant à ce que le Kremlin ait envisagé une "solution judiciaire" au sort des criminels de guerre nazis. Aux yeux de Staline et de ses séides, un procès ne peut que réhabiliter l'Union soviétique tout en accablant les nazis, qui, non contents d'avoir perdu la guerre, se verront condamnés pour leurs crimes. La responsabilité du Second Désastre Mondial devra ainsi être attribuée aux nazis, Staline espérant faire oublier le pacte germano-soviétique... tout en cherchant à attribuer le massacre de Katyn aux Allemands. Dans l'ensemble, les ambitions du dictateur sont globalement satisfaites par le fait qu'effectivement le III. Reich a multiplié les atrocités. A condition de contrôler les audiences, le procès se transformera en une belle page de propagande (en réalité, il n'en sera rien, et le procès de Nuremberg sera au contraire une belle réussite juridique).

C'est pourquoi ce sont les Soviétiques qui ont organisé le premier procès de criminels nazis, à Kharkov, en décembre 1943. Trois officiers de la Gestapo et de la Wehrmacht avaient été capturés au cours de l'avance de l'Armée rouge, à savoir Hans Ritz, Wilhelm Langheld et Reinhard Retzlaff et seront amenés à comparaître, en compagnie d'un quatrième larron - un collaborateur d'origine russe - devant le Tribunal militaire du 4e Front d'Ukraine. Fait à signaler, l'un des chefs d'accusation (entre autres tortures et massacres de prisonniers de guerre) traitait de l'utilisation de camions à gaz, mais le procès ne fera aucune allusion à la religion juive des victimes (Nazi Crimes in Ukraine 1941-1944. Documents and Materials, publié par l'Institut de l'Etat et du Droit de l'Académie des Sciences de la République socialiste d'Ukraine, 1987, p. 279-283, extraits reproduits ici).

Les pressions soviétiques sur la tenue d'un grand procès des criminels de guerre révèlent également quelques arrière-pensées liées aux habituelles frictions de la "Grande Alliance". C'est ainsi que le 12 novembre 1942, l'ambassadeur soviétique à Londres, Ivan Maiski, transmet une note au Foreign Office dans laquelle il suggère la création d'un tribunal international pour juger les "grands criminels de guerre (Telford Taylor, Procureur à Nuremberg, Seuil, 1995, p. 41). A cette date, une telle proposition vise moins à préparer un après-guerre encore très éloigné et à tout le moins en suspens (la 6. Armee occupe encore Stalingrad) qu'à tester l'alliance britannique. Le seul grand criminel nazi aux mains des Alliés, à cette date, n'est autre que Rudolf Hess, sous bonne garde depuis sa tentative de paix de mai 1941, et un procès international de ce hiérarque qui en sait long sur l'existence d'un clan "pacifiste" au sein des cercles dirigeants de Grande-Bretagne serait de nature à gêner Churchill, soucieux de donner une image unie de l'Angleterre en guerre. Moscou, pour sa part, n'a pas digéré l'équipée du "dauphin" de Hitler, et suspecte Londres de le garder en vie pour l'utiliser comme gage dans d'éventuelles négociations de paix. En ce sens, la proposition de l'ambassadeur Maiski trahit les angoisses de Staline vis-à-vis de la fiabilité de ses alliés.

De son côté, le gouvernement britannique, s'il tolère l'idée d'un procès pour les seconds couteaux du régime nazi, refuse catégoriquement d'étendre cette solution aux gros poissons (Hitler, Goebbels, Göring, Himmler...). A supposer que la manoeuvre soit sincère, on ne peut exclure une part de conjoncture dans le raisonnement de Churchill. Si ce dernier se ralliait au concept d'un procès en temps de guerre, il lui serait difficile d'éviter de remettre Rudolf Hess sur le devant de la scène. Churchill se souvient également du catastrophique précédent constitué par les procès de Leipzig de 1921 : une poignée d'obscurs et de sans-grades de l'armée allemande avaient été traduits en justice, sur demande alliée, par des tribunaux allemands, pour crimes commis pendant la Grande Guerre, et avaient été, pour les uns acquittés, pour les autres condamnés à des peines si légères qu'elles en étaient inexistantes. Ces procès avaient contribué à affaiblir la République de Weimar, coupable d'avoir cédé aux Occidentaux, mais incapable de contenir la vague nationaliste, outre de constituer un fiasco judiciaire et historique remarquable (voir Jean-Jacques Becker, "Les procès de Leipzig", in Annette Wievorka, dir., Les procès de Nuremberg et de Tokyo, Complexe, 1996, p. 51-60).

Or il n'était pas davantage question de permettre aux dirigeants du Reich d'échapper aux conséquences de leurs actes. Hitler et Goebbels, notamment, étaient dangereux, et pouvaient retourner l'accusation à leur avantage par leurs talents oratoires. Dès lors, aux yeux des Britanniques, la décision ne pouvait être que politique : comme Napoléon avait jadis été expédié à Sainte-Hélène sans bénéficier d'une procédure judiciaire, les chefs nazis seraient passés par les armes sans autre forme de procès. A la même époque, le Foreign Office se révélait des plus réticents à participer à une politique stable et cohérente relative au traitement des crimes de guerre par les "Nations Unies", invoquant des arguments juridiquement spécieux, tels que l'incompétence juridique des tribunaux britanniques pour examiner le cas de meurtres perpétrés par des étrangers - les Allemands - à l'étranger - en Europe - à l'encontre d'étrangers (voir Tom Bower, Blind Eye to Murder. Britain, America and the Purging of Nazi Germany - A Pledge Betrayed, Warner Books, 1995).

Toutefois, cette position, qui résulte de considérations pour le moins conjoncturelles, n'était guère tenable à long terme. Une exécution sans procès aurait troublé bien des consciences, au moins à l'Ouest, et il est douteux que Churchill ait négligé ce détail. Ce grand amateur d'Histoire n'ignorait pas que c'est à Sainte-Hélène que Napoléon avait réussi à lentement "se dépouiller de sa peau de tyran" et forgé sa légende. Par ailleurs, le 1er mai 1945, il avait appris que les deux orateurs les plus dangereux, Hitler et Goebbels, étaient morts. Il reste qu'il lui faudra moins d'un mois, après le décès du Président Roosevelt et la venue au pouvoir d'Harry Truman, partisan bien plus motivé d'un procès, pour se rallier à l'opinion de ses alliés américain et soviétique le 3 mai suivant.

Ce revirement éclair amène à se poser des questions sur la véritable nature de la politique britannique relative aux "war crimes", et prouve à tout le moins, d'une part que Churchill n'attachait pas une telle importance à la question tant que l'allié américain faisait montre d'un prudent désintérêt, et que ce même Churchill n'avait aucunement l'intention de faire supprimer Himmler en 1945, y compris et surtout après la capitulation allemande. Il convient à ce propos de rappeler que Londres ne revendiquait une exécution sommaire des grands leaders nationaux-socialistes que dans le cadre d'un accord interallié. Il n'était évidemment pas question de supprimer discrètement ceux qui tomberaient aux mains des Britanniques sans en référer aux Américains et aux Soviétiques.

Il n'en demeure pas moins que cette rhétorique de l'exécution sommaire pourrait n'avoir été rien d'autre qu'une... rhétorique témoignant des rapports de force au sein du pouvoir anglais. Là où Churchill cherchait à gagner du temps sur le dossier Hess tout en misant sur une disparition de Hitler, le Foreign Office faisait pour sa part valoir ses hésitations quant à la gestion de l'Allemagne d'après-guerre. Comme la chose arrive parfois en politique, de motivations divergentes naîtra une politique.

Mais l'impréparation britannique en la matière ne sera pas sans conséquences sur la question des crimes de guerre dont héritera l'Angleterre dans sa propre zone d'occupation et s'agissant de ses propres prisonniers, qui - à l'exception notable des S.S. du camp de Bergen-Belsen - auront à bénéficier d'une certaine clémence de la part des autorités de Sa Majesté. Et l'on songe notamment à Erich von Manstein, Heinz Lammerding, Walter Schellenberg...

La mauvaise volonté du gouvernement londonien aboutira en effet à une totale improvisation judiciaire. Au printemps 1945, les Britanniques n'avaient constitué aucun mécanisme digne de ce nom chargé de la poursuite des criminels de guerre ! L'armée, la Justice et les Affaires étrangères alignaient objections sur objections, y compris lors de la libération de Belsen en avril de la même année. Comme l'écrira un historien (Anthony Kemp, "Poursuite des criminels de guerre dans la zone d'occupation britannique", Les procès de Nuremberg et de Tokyo, op. cit., p. 236) :

Rétrospectivement, il paraît incroyable qu'une nation civilisée, prétendant mener ce qui était indubitablement une guerre juste, ait pu se rendre coupable d'un tel laxisme dans la poursuite des coupables, responsables de millions de morts.


Résultat, en effet : des milliers de criminels échapperont aux poursuites, ce d'autant que la Guerre Froide naissante conduira Londres à davantage de retenue - si tant est que cela soit possible - dans sa politique d'"épuration".
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).

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