Gaël Eismann évalue à environ 3.100 le nombre de condamnés à mort et fusillés après jugement des tribunaux militaires allemands - voir Gaël Eismann, "L'escalade d'une répression à visage légal. Les pratiques judiciaires des tribunaux deu
Militärbefehlshaber in Frankreich 1940-1944",
in Gaël Eismann & Stefan Martens,
Occupation et répression militaire allemandes 1939-1945. La politique de "maintien de l'ordre" en Europe occupée, Autrement, 2007, p. 129. Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, dans
Les fusillés. Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Ed. de l'Atelier, 2006, déterminent un total de 4.540 fusillés, dont près de 500 "exécutions sauvages" en 1944.
La grande majorité des 814 otages fusillés sur ordre des autorités allemandes est issue des milieux communistes - mais non nécessairement résistants, car des communistes faisaient l'objet de mesures de détention préventive - voir François Marcot, "Bilan de la répression",
in François Marcot (
dir.),
Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, coll. "Bouquins", 2006, p. 774.
Il faut également tenir compte des exécutions massives. La guerre contre-insurrectionnelle menée par les Allemands a tué 12.000 Résistants environ, au combat ou après capture (assassinat, torture), ainsi que 3.000 civils (
ibid.). Le bilan mortuaire de la Milice et des organes répressifs de l'Etat français reste inconnu : au moins 12 fusillés après condamnation à mort par les Sections spéciales, 200 fusillés après condamnation à mort par les cours martiales instaurées par la loi du 20 janvier 1944...
Que le P.C.F. ait repris à son compte la légende des
"75.000 fusillés" mériterait une petite recherche sur les origines de ce choix médiatique. De toute évidence, en dépit de l'indéniable exagération planquinquennalesque du bilan mortuaire de la répression (inconnu en 1944-1945), les communistes ont effectivement fourni le gros du contingent des condamnés à mort, près de 70 % d'entre eux.
C'est en février 1944 que le P.C.F. s'autoproclame le
"Parti des fusillés", et c'est en octobre de la même année que Maurice Thorez lance pour la première fois, à Moscou, le fameux chiffre des 75.000. Un an auparavant, De Gaulle avait évoqué ces
"55.000 tués aux pelotons d’exécution et les 100.000 morts dans les camps et les prisons de l’ennemi ". Le mythe a prospéré sur ces approximations.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que le P.C.F. s'est intronisé
"Parti des fusillés", et non
"Parti des déportés", alors que c'est la déportation qui au final caractérisera encore le mieux la répression nazie, et la politique génocidaire du III.
Reich. Comme le note pertinemment Jean-Paul Scot dans
L'Humanité (
12 décembre 2006), "
le « fusillé » est vite devenu la figure syncrétique de toutes les victimes".