Post Numéro: 83 de Murdock 31 Aoû 2007, 23:28
Voilà une réponse au très intéressant développement fait par Nicolas
Sur le plan du réarmement français, entre 1918 et 1939, les dépenses militaires françaises représentent un pourcentage du PNB plus important que n’importe quel autre grande puissance. En 1938, les dépenses militaires représentent même deux fois et demie celle de 1913. En outre, les « coupes budgétaires » des années 1930 sont plus d’apparence que réelle car compenser par des fonds spéciaux.
En constituant le Conseil Supérieur de la Défense Nationale et le Collège des Hautes Etudes de Défense Nationale, politiciens et militaires français se préparent de façon active à la guerre qu’ils jugent fortement probable. Par exemple, le CHEDN envisagea l’établissement de l’enseignement de la stratégie de sécurité nationale, enseignement qui n’apparaitra aux USA qu’en 1947.
Sur le plan de la doctrine militaire, l’armée française n’était certainement pas en retard d’une guerre. L’une des bases de la doctrine française était que la puissance de feu était importante, cela étant souligné par l’expression « le feu tue ». D’ailleurs, l’exactitude de ce point de vue est souligné par l’armée américaine qui disposera en 1945 autant de bataillons d’infanterie que d’artillerie.
En ce qui concerne la ligne Maginot, celle-ci n’avait pas, contrairement à l’idée courante, qu’une vocation défensive. Mais elle prenait également en compte les points suivants :
• la plus grande partie de l’industrie lourde française se situe dans le triangle Verdun – Strasbourg – Metz avec notamment également les réserves de charbon et de fer. Cela rendait la perte de ces régions non envisageable dans le cadre d’une guerre qui serait longue et nécessiterait la mobilisation complète de la nation.
• Basant l’armée sur une armée nationale et sachant que l’armée allemande s’orientée vers une formation d’élite capable d’attaque brusque, la ligne Maginot était conçue comme un moyen d’économiser des forces destiné à faciliter les éventuelles opérations offensives au nord des Ardennes.
Lors de la Première Guerre Mondiale, l’armée française excella dans l’utilisation « du levier de la manœuvre au lieu du marteau de l’attaque de front. » sur les plans opérationnels et tactiques. En outre, l’analyse de ce conflit mondial a amené les militaires français de croire que l’issue opérationnelle d’une action dépendait de trois facteurs : la capacité à concentrer et à modifier rapidement le feu de l’artillerie, l’aptitude de l’infanterie à manœuvre de façon efficace face à des systèmes défensifs modernes (cela nécessitant mortiers, artillerie légères et chars) ; le dernier étant la montée rapidement des renforts et des munitions sur les positions avancées (soit la gestion de la logistique). Cette analyse est, il me semble, des plus pertinentes.
Les généraux français avaient prévus, comme hypothèse peu probable, une attaque par une armée motorisée à travers les Ardennes, au printemps 1938, en direction de Sedan. L’exercice montra que les Ardennes pouvaient être franchi en 60 heures (les allemands mettront 58 heures en mai 1940), cela n’eut pas l’impact suffisant pour que la stratégie alliée soit revu. Il faut noter également que l’état major allemand, en février 1940, estimait que leur force ne pouvaient pas traverser la Meuse par le moyen d’une attaque coordonné avant le 9ième ou le 10ième jour de l’offensive, fait qui sera modifié par la suite de l’adoption de la variante Manstein du plan allemand.
La campagne de Pologne permit, contrairement à ce que l’on pense habituellement, au Haut Commandement Français de parfaitement analyser la tactique de guerre allemande ainsi que des raisons de la défaite polonaise, notamment grâce aux rapports précis et complets des généraux Musse, Faury et Armengeaud.
Parmi les éléments ces analyses, les Français notèrent en premier lieu l’efficacité des armes antichars polonaises contre les panzers I et II. Ensuite, ils relèvent que les polonais disposaient d’une division pour 30 à 40 km de front alors qu’en France, il y avait une division pour 10km, soit un réseau défensif plus dense. Ainsi, dès le 9 septembre 1939, Gamelin préconise au commandant du théâtre d’opérations nord est d’établir des obstacles antichars sur une ligne mais aussi en profondeur. Le 14 septembre 1939, il souligne le rôle essentiel de la luftwaffe dans la campagne polonaise en ordonnant de faire en sorte que la défense anti aérienne soit capable de répondre aux assauts aériens allemands, dès leurs premières tentatives.
Lors de la conférence stratégique du 6 octobre 1939, les alliés étaient arrivés à la conclusion suivante : « la principale leçon à retenir de la campagne de Pologne était la puissance de pénétration des formations blindées allemandes, à la fois rapides et dotées d’une forte puissance de frappe, ainsi que l’étroite coopération de leur force aérienne ».
Toutefois, la doctrine française de « bataille conduite » ou « bataille méthodique » se révéla lors de la campagne impossible à mettre en place.
Maintenant sur le plan de la campagne en elle-même, il faut également reconnaître que les allemands ont bénéficiés d’avantages de circonstances des plus importants.
Premièrement, la capture des plans alliés par la Wehrmacht lors d’un crash aérien providentiel, conduisant à la modification du plan initial allemand, a été un facteur non négligeable dans la réussite de l’opération allemande.
La percée de Sedan a été en partie facilité par un événement plutôt méconnu : « la panique de Bulson ». Une erreur dans la transmission d’un rapport d’un observateur d’artillerie français annonce que les blindés allemands ont franchi la Meuse et aurait atteint Bulson, désorganisant ainsi la défense française du secteur alors que les premiers blindés allemands ne franchiront la Meuse que 12 heures plus tard. Sans combattre, les chars allemands avaient percés la défense française !!!
En outre, le 14 mai, Guderian, dans l’euphorie de la victoire de Sedan, jette les ordres de ces supérieurs à la poubelle et fonce vers l’ouest alors que les ordres lui enjoignaient de stopper à Sedan pour permettre à l’infanterie allemande de passer la Meuse et s’assurer des flancs de l’assaut blindé.
Ensuite, pour expliquer la défaite française, il serait bon également de méditer sur la phrase de Pétain « Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés. ».
Commençons par le dernier, « trop peu d’alliés ».
En 1940, la France n’est alliée qu’à la Grande Bretagne et ensuite la Belgique lorsque les allemands attaqueront. En outre, les forces britanniques sont dérisoires si l’on compare les forces alliées sur le front français fin 1918. A cette date, les alliés alignent 85 divisions britanniques (et 58 italiennes et 42 américaines) contre seulement 10 en 1940.
La réponse de Pétain à Churchill lorsque ce dernier lui rappelle le rétablissement des britanniques à la suite des offensives allemandes sur la Somme en mars 1918 est encore plus significative : « Oui, le front fut rétabli. Vous, les Anglais, étiez enfoncés. Mais moi, je vous ai envoyé 40 divisions pour vous tirer d’affaire. Aujourd’hui c’est nous qui sommes mis en pièces. Où sont vos 40 divisions ? ».
Mais, au niveau des alliés, lorsque l’on compare à la situation de 1914, la grande différence avec la situation de 1940 est l’absence des russes dans le conflit. En 1914, les russes, en attaquant dès 1914 à Tannenberg, avaient obligés les allemands à retirer trois corps d’armées à l’armée de pointe allemande, concourant ainsi au rétablissement allié sur la Marne. En 1940, on ne pouvait pas compter sur cette division des forces allemandes.
Ainsi, tant qu’il n’y eut pas de nécessité, ni les britanniques, les ni américains ni les soviétiques ne rejoignirent la France dans son combat contre l’Allemagne.
Le premier point, « trop peu d’enfants », quant à lui, ne tient pas lorsque l’on regarde les faits. La 55ième division d’infanterie française subit bien l’assaut de trois panzerdivisions à Sedan mais les renforts français arriveront relativement rapidement et en quantité qui auraient pu permettre le rétablissement de la situation. Toutefois, c’est leur engagement de manière décousue (au coup par coup) qui ne permit pas de stopper les allemands.
Pour le second point, l’avis est plus partagé. Sur le plan des blindés, les chars alliés sont équivalents ou meilleurs que les chars allemands dans leurs ensembles sauf en ce qui concernent les communications et le rayon d’action. En 1940, le Somua S35 était le meilleur char sur le champ de bataille et les Renault R35, Hotchkiss H35 et H39 soutenaient la comparaison avec les panzer I, II et III.. Les réels déficiences françaises concernent les communications et l’aviation. Par contre, dans le domaine de l’artillerie antichar, les français disposaient d’un matériel d’excellente qualité. Non, en réalité, la victoire allemande découle d’un emploi plus efficace des armes et non de la possession d’armes supérieures.
Pour en revenir à nos amis britanniques, Churchill semble croire la défaite française possible dès le 17 mai 1940. Dès ce jour là, Lord Hankey a dressé une liste des choses à faire lorsque la France sera mise hors jeu (s’assurer de la flotte française, des stocks d’armes et de munitions mais aussi de l’or français et de la destruction de l’essence et des ports et récupérer les atomistes français avec leur stock d’eau lourde.) Bref, les britanniques envisagent avec un pragmatismes certains la défaite française dès le 17 mai et cela eut des conséquences non négligeable sur le terrain des affrontements.
Ainsi, alors qu’en 1914, French s’accorde avec les généraux français pour se rabattre sur la Marne et lutter pour rétablir la situation, Gort, en 1940, a l’ordre de sauver autant que possible le BEF en se dirigeant vers les ports de la Manche.
En ce qui concerne les actions de la RAF, les bombardiers lourds se révèlent tellement imprécis que leur bombardement n’ont aucun effet significatif. L’échec des bombardiers légers britanniques sur les ponts de la Meuse le 14 mai (40 des 71 Battle et Blenheims sont perdus) ne sont pas productifs et poussent la RAF à ne plus les utiliser de jours.
Reste, la chasse de la RAF. Là les français réclament un soutien plus important de la part des britanniques qui ne viendra pas, malgré le soutien des commandants britanniques en France. Par exemple, le 12 mai 1940, le général Pownall, chef de l’état major du maréchal Gort, demande 4 escadrons supplémentaires et n’en obtient qu’un. D’ailleurs il notera dans son journal les propos suivant : « Nous conservons 34 escadrons à la maison où nous ne subissons pas d’attaque. Pourtant c’est ici que doit être menée la bataille finale. » La chasse britannique perdra toutefois lors de la campagne 457 chasseurs et joua son rôle.