Daniel Laurent a écrit:Vous m'amusez beaucoup, mon cher Nicolas.
A vot'bon coeur, m'sieurs dames...
On sent dans votre ton et votre tendance a la longueur quasi illisible sur un forum que je vous agace prodigieusement.
Daniel, à ce rythme, on croirait vraiment que vous le faites exprès...
Nicolas Bernard a écrit:Abolir le servage sur la papier ne revient pas a l'abolir dans les faits, dans la vie quotidienne, dans les pratiques de tous les jours.
1) Vous avez écrit qu'en 1917, la Russie était encore à l'ère du servage, ce qui est historiquement faux, la loi de 1861 ayant aboli ce système. N'essayez donc pas de jouer sur les mots.
2) Vous ignorez manifestement les éléments constitutifs du monde paysan en 1917 - n'y voyez pas là un reproche, mais un constat. Un peu d'Histoire s'impose, donc.
Le servage a été aboli en 1861. En d'autres termes, les serfs ont gagné leur liberté et les paysans d'Etat ont été déliés de la plupart de leurs obligations envers celui-ci.
Effectivement, la réforme connut des phases de transition. Les serfs gagnaient leur liberté et la terre, mais dans l'ensemble, se posait le problème de la répartition de celle-ci :
- 13 % des anciens serfs ont été pourvus généreusement ;
- 45 % ont reçu des lots suffisants pour faire vivre leur famille et gérer une exploitation viable ;
- 42 % ont reçu des lots insuffisants. En cette hypothèse, et ce dans la majorité des provinces de l'Empire des Tsars (à l'exception de l'Ukraine), la terre a été attribuée à des communautés paysannes (
mir), qui la partageait entre ses membres.
Les difficultés du monde paysan russe découlent principalement de cette conséquence de l'abolition. Les communautés étaient par trop archaïques pour assurer la croissance du niveau de vie, et même la croissance de la production. Cette véritable sclérose institutionnelle, qui ne présente aucune espèce de rapport avec le servage, est la source du malaise, aggravée par la pression fiscale. D'où un cercle vicieux, où le prix des terres augmente, leurs rendements stagnent, et les revenus paysans baissent, ce qui aboutit à multiplier le nombre d'agriculteurs dépourvus de lots suffisants (28 % dans les années 1860, 52 % en 1900), donc à augmenter la taille ou le nombre des communautés paysannes, ce qui aggrave à nouveau la crise et déchaîne les violences.
Au début du XXe siècle, le gouvernement Stolypine prendra conscience de ces lacunes majeures. Il entreprendra une série de réformes censées permettre aux agriculteurs d'avoir enfin libre accès à la terre : politique de remembrement, assistance bancaire, émigration vers les "terres vierges" de Sibérie... De cette manière, le nombre de paysans indépendants augmente sensiblement, de sorte qu'ils constitueront plus de la moitié du total des agriculteurs.
Mais la réforme était incomplète, inachevée, accordait encore trop de concessions à la noblesse, et surtout, par la création d'une classe de propriétaires indépendants, accentuait les décalages sociaux au sein du monde rural. D'où des dissensions profondes, dont sauront se servir les bolcheviks avec une belle hypocrisie.
Elle est là, la réalité : rien à voir avec le servage, aboli légalement et concrètement. Les problèmes du milieu paysan étaient
ailleurs.
Tiens, cela me rappelle l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis et le reve "I had a dream" de Martin Luther King, cette histoire.
La ségrégation, ce n'est pas
exactement l'esclavage. Veillez ne pas confondre ces deux notions, vous risqueriez de sombrer dans l'anachronisme. Au passage, et afin de vous éviter de déformer mes propos : oui, l'un et l'autre sont absolument infects.
Poncifier "enormite doublee d'un poncif" ne donne aucune autorite a votre "argument".
A ceci près que j'apportais des précisions qui justifiaient mon observation. Votre remarque manque donc en fait.
Par contre, il confirme votre facheuse tendance a legiferer par decret.
Remarque personnelle à forte connotation agressive, hors Charte.
Ah bon ? Dans ce cas, pourquoi les sbires de l'Okhrana Russe on invente, a Paris, les "Protocoles des Sages de Sion", faux manifeste destine a convaincre les elites russes de l'imminence d'un complot capitaliste mondial, juif accessoirement, destine a miner la position du Ministre Witte qui, lui, pronait un developpement industriel qui ne plaisiat pas a tout le monde. C'etait en 1905-1907.
Vous mélangez tout.
D'abord, les Protocoles ont été pondus vers
1900-1901, commencent à circuler à Petersbourg en novembre 1901 (Pierre-André Taguieff,
Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux, Berg, 2004, p. 57 et p. 295). S'ils visent effectivement à saper le gouvernement Witte, la situation n'est plus la même en 1905-1907, puisque ledit gouvernement est tombé... en 1903. Je vous suggère d'être un peu moins approximatif dans la chronologie.
Ensuite, je causais, moi, de la situation de la Russie à la veille de 1917 - voire à veille de la guerre. Or, l'évolution de ce pays acquiert, au début du siècle, un certain dynamisme qui sera brisé par le conflit et l'effondrement du tsarisme.
Enfin, que la Russie ait comporté son lot de fossiles conservateurs est indéniable. Mais le progrès socio-économique est, malgré leur opposition, tout aussi indéniable, quoique contrasté. Je vous renvoie au dossier spécial d'Historia cité plus haut. Ou même à n'importe quel bouquin sur l'Histoire de la Russie.
L'industrie russe balbutiait et certaines elites etaient contre. Les "pleines mutations' ne sont pas allees loin en 10 ans...
Ah oui ? Dans les années 1890, la croissance industrielle russe est de 8 % l'an. Les voies ferrées ont doublé entre 1895 et 1905. Le ministère Witte a laissé s'opérer des investissements considérables, intérieurs et étrangers. Huit régions industrielles importantes s'étaient mises sur pied (Moscou, Petersbourg, Pologne, Ukraine, Oural, Bakou, Transcaucasie, Sud-Ouest).
Une récession se produit en 1900, liée à l'inadaptation paysanne. Mais la croissance reprend après la guerre russo-japonaise. Entre 1909 et 1913, la production de fonte passera ainsi de 175 millions de
poudy (= 16,38 kg) à 283, celle de fer et d'acier de 163 à 246, celle de cuivre de 1,3 à 2, celle de houille de 1591 à 2214.
Et vous osez nier la réalité de ces mutations ?
Le bilan doit toutefois être nuancé. Aux côtés des industries modernes demeurent des secteurs considérablement retardataires. Si les salaires ouvriers ont augmenté, si la législation sociale s'est améliorée, la misère des "prolétaires" restait du domaine établi... mais s'aggravera sous le communisme.
Au train ou vous y allez, vous aller bientot nous dire que les sales bolcheviques on detruit un magnifique paradis tsariste...
Vous déformez mes propos. Ce que j'écris, ce que tous les historiens écrivent, c'est que la Russie, pour difficiles qu'aient pu être les conditions de vie de la population à la veille de la guerre et du putsch d'Octobre 1917, était en phase de croissance économique. Elle n'avait rien - mais alors rien - à voir avec l'image que la propagande soviétique a tambouriné dans la tête des peuples du monde, à savoir un pays arriéré, pourri sur place. Ce n'était pas le Paradis, mais ce n'était pas non plus l'enfer dépeint par Lenine et Staline.