YOL
Yol est divisé en quatre camps numérotés 25, 26, 27 et 28. Chacun est divisé en cinq sous-camps comprenant une dizaine de baraquements. Les prisonniers de guerre italiens proviennent des champs de bataille d'Afrique du Nord, d'Erythrée, ou capturés lors des différents affrontements navals opposant la Regia Marina à la Royal Navy. Malgré la captivité, la vie à Yol est moins dure que dans les autres camps. Les prisonniers disposent d’un terrain de football, pratiquent le tennis et assistent à des séances cinématographiques de plein air. Il existe même un alambic clandestin! La vie dans le camp est rythmée par les appels du matin et du soir.
Dès son arrivée au camp n°27, TOSCHI est minutieusement fouillé. On trouve sur lui de l’argent, des morceaux de cartes et de la documentation qui sont confisqués. Toujours accompagné par MILESI, son acolyte,il retrouve une vieille connaissance de la Spezia, le lieutenant de vaisseau Luigi FAGGIONI de la 1a Flottiglia MAS, devenue la Decima MAS le 15 mars 1941. FAGGIONI commandait la flottille de barchini esplosivi qui était parvenue à forcer la baie de la Sude, en Crète et à endommager le croiseur York, le 26 mars 1941. Les trois hommes se mettent immédiatement à l’étude d’un plan d'évasion. Goa est trop loin, l’Afghanistan semble le meilleur refuge pour les Italiens. TOSCHI s’est familiarisé avec l’urdu et les amis ont commencé à se confectionner des vêtements pour se faire passer pour des Pathan, d’ethnie pachtoune, dont la physionomie est similaire aux Européens. Mais rejoindre l’Afghanistan n’est pas aisé, il faut marcher sur deux mille kilomètres, franchir des torrents, passer par des cols culminant à plus de cinq mille mètres. Une aventure digne d’un roman de Rudyard KIPLING.
Le 18 mars 1942, TOSCHI, MILESI et FAGGIONI se font porter pâles et sont hospitalisés. Vers midi, alors que les gardiens sont occupés à déjeuner, les trois compères s’éclipsent par la fenêtre et vont se cacher dans le magasin du camp, sous une pile de couvertures. Trois marins prennent leur place avant l’appel. La nuit tombée, une nuit sans lune, ils sortent de l’appendice, rampent jusqu'à la double rangée de barbelés et se retrouvent à l’extérieur.
Commence une vie de fugitifs, ils se cachent dans des refuges de pasteurs qui pour quelques roupies fournissent du lait et de la viande. Mais les Italiens restent sur leur garde, une simple dénonciation et ils retournent à Yol. Mais les populations favorables au Parti du Congrès affichent des positions hostiles à la Grande-Bretagne et prêtent leur concours au trio. Cependant la condition physique de MILESI se dégrade chaque jour. En attendant le dégel, ils s’établissent dans une petite cabane où un Indien prénommé Kalah leur vient en aide. MILESI n’est plus en mesure de continuer avec ses deux amis. Ils décident de se séparer début juin 1942. Après un dernier salut, TOSCHI et FAGGIONI se mettent en route.
Nous retrouverons MILESI plus tard dans ce récit.
La progression des deux officiers avec l’aide de deux guides devient de plus en plus pénible en raison de l'altitude et du manque d'oxygène. Ils traversent l'État du Chamba et arrivent au Penjab. La rivière Ravi est un obstacle incontournable, son cours est impétueux et même pour un excellent nageur comme TOSCHI, son franchissement à la nage est impossible. Le premier pont est à Nurpur et doit être gardé. Ils atteignent cette localité en pleine nuit. Ils trouvent l’hospitalité dans une hutte. On leur offre un bon repas. Ce repas est le dernier, comme pour la Cène de Jésus, un judas les a trahis. La police militaire vient les arrêter. Après un séjour dans la forteresse de Nurpur, ils retrouvent le camp de Yol.
LA NEUVIÈME EVASION
TOSCHI et FAGGIONI sont dépités. Ils n’ont pas de nouvelles de MILESI mais ils apprennent la grande victoire de la Decima MAS qui est parvenue à violer l’entrée du port d’Alexandrie et à endommager les cuirassés HMS Queen Elizabeth et Valiant, le 19 décembre 1941.
TOSCHI est décidé à retenter l’aventure, cette fois sans FAGGIONI qui refuse une nouvelle désillusion. Il envisage de rejoindre une des trois enclaves portugaises en Inde, Goa, Diu et Daman. Avec le lieutenant Anastasio, parlant parfaitement l’urdu et qui compte cinq tentatives d’évasion, TOSCHI renouvelle le même mode opératoire pour se faire la belle. Après s’être faits hospitalisés, les deux fugitifs se cachent dans le magasin du camp et disparaissent dans la nuit. Ils retrouvent Kalah, l’Indien qui avait hébergé TOSCHI, FAGGIONI et MILESI. Il avait accompagné ce dernier à une gare pour se rendre à Lahore. Kalah décide de les accompagner pendant 130 km. Ils marchent pendant trois jours et trois nuits. Leur guide est épuisé. Un soir, il leur fausse compagnie. Ils atteignent la rivière Ravi, par expérience TOSCHI sait qu’elle est infranchissable et le seul moyen de la traverser est d’emprunter le pont qui est gardé et dont les sentinelles doivent savoir que deux Italiens sont dans la nature. Alors, ils longent la rivière jusqu’à croiser le pont du chemin de fer qui mène à Kangra. Par chance il n'est pas surveillé. Ils attendent la nuit pour le traverser et entrer à Pathankot. Vêtus en pathan, ils passent inaperçus. A la gare, ils prennent un billet de troisième classe pour Amritsar, la ville sacrée des Sikhs avec pour sanctuaire son temple d’Or. Puis un autre train les conduit à Jodhpur, la ville aux innombrables édifices peints en bleu. La mer d’Oman se profile à leur vue. Pour ces deux marins, revoir le troisième élément leur procure une joie immense. Ils contemplent en face d’eux l'île de Diu, séparée des côtes du Gujarat par un bras de mer de moins d’un kilomètre à certains endroits, dans le golfe de Cambay. TOSCHI a subi le rude entraînement des hommes-torpilles, cette distance ne paraît pas être un obstacle pour retrouver la liberté. Appliquant la devise de la Decima MAS, Memento Audere Semper, souviens-toi toujours d’oser, il se lance à la nage dans l'océan en pleine nuit avec Anastasio. L’eau est froide. Le fort courant formé par la marée les pousse vers le large. Épuisés, ils doivent revenir sur le continent. A l’aurore, une embarcation s’approche du rivage. Un groupe de femmes portant des jarres sur la tête attend de pouvoir embarquer. Ils décident de se mêler à la procession, payent leur place et montent à bord. La fortune finit toujours par sourire aux audacieux. Derrière eux, l’Inde britannique s’éloigne.
Finalement ils posent pied à Diu. Un lieutenant de police portugais contrôle les papiers. TOSCHI et Anastasio simulent être pathans. Ils sont emmenés au poste afin de vérifier leur identité. Le lieutenant les menace de les renvoyer. Ils lui répondent en anglais qu’ils ont une importante déclaration à faire. Mendoça, c’est le nom de l’officier de police, déclare ne pas comprendre cette langue. C’est alors que les deux fugitifs déclinent leur véritable identité. Mais le gouverneur ne les autorise pas à quitter Diu pour se rendre à Goa.
Ils apprennent la capitulation italienne du 8 septembre 1943. Ils devront attendre la fin de la guerre dans le Pacifique pour rejoindre Bombay et de là Goa. Au bout de quatre longs mois d’attente, ils peuvent embarquer pour retrouver la mère-patrie.
Six années s’étaient écoulées.
LE PÉRIPLE DE MILESI
MILESI, affaibli, n'avait pu se joindre à TOSCHI et FAGGIONI pour continuer vers le Tibet. Après les soins prodigués par la brave Kalah, il peut se mettre en route. Il achète un billet de train pour Lahore. Après plusieurs changements de trains, il descend à Hyderabad. Au hasard des rencontres, un Iranien accepte de l’héberger en attendant la venue d’un passeur. Les jours défilent. Début 1943, craignant d'être dénoncé, il se remet en route. Sa destination est Goa. Il fait la connaissance d’un musulman qui doit se rendre également dans l’enclave portugaise. Ils passent la frontière sans encombre, l’homme est connu des douaniers. Mis aux arrêts par les autorités portugaises, il apprend l’annonce de l’armistice italien du 8 septembre 1943. Il embarque le 21 février 1945 à bord du Nyassa et retrouve l’Italie le 2 juillet suivant.
BIBLIOGRAPHIE
BERRAFATO Enzo et Laurent, Decima MAS, l’unité mythique du prince Borghese. Nouvelle édition. Memorabilia. 2021.
ISACCHINI Valeria, Fughe, dall’India all’Africa. Le rocambolesche evasioni di prigionieri italiani. Mursia editore. Milan. 2017.
SANGUEDOLCE Alexandre, Péril au fond des mers : la Xa Flottiglia MAS. 10 juin 1940 - 8 septembre 1943. Histomag 77, Cap sur le Ponent.
TOSCHI Elios, Ninth time lucky. William Kimber. Londres. 1955.
SOURCES INTERNET
http://www.mountcity.it/index.php/2019/ ... campo-yol/https://loccidentale.it/la-storia-dei-d ... -1a-parte/http://lnx.anrp.it/wp-content/uploads/2 ... 6-2012.pdfSiamo 30 d'una sorte, 31 con la morte. Tutti tornano o nessuno. Gabriele d'Annunzio, Canzone del Quarnaro.