Jules Bastin (Général belge)Les mêmes qualités de courage, de sang-froid et d'audace que Jules Bastin montra pendant la guerre de 1914-1918 au cours de sa captivité et de ses évasions, se manifestèrent à nouveau dans la résistance et la formation de l'Armée secrète en 1940-1945. Il naquit le 23 mars 1889 à Roux, un petit village de la région de Charleroi où une plaque commémorative à sa mémoire fut inaugurée en 1947.
La carrière des armes attira Jules Bastin et, comme beaucoup de jeunes gens de province qui entrèrent à l'armée, il s'engagea à 17 ans dans une école régimentaire, celle du 13e de ligne à Dinant et s'y prépara à l'Ecole militaire où il entra en novembre 1907 à la 58e promotion d'infanterie et de cavalerie.
Il en sort sous-lieutenant en 1909 et est affecté au 3e régiment de Chasseurs à pied. Mais il est attiré par la cavalerie et obtient de suivre pendant deux ans les cours de l'école d'équi-tation d'Ypres.
Au terme de sa première année, le Commandant de l'Ecole le note ainsi : “ Bon officier, sérieux, dévoué et très allant, monte à cheval avec énergie et emploie les aides judicieusement, aborde franchement les obstacles... ” Il se classe dans le premier tiers de la promotion. Il suit ensuite les cours de l'Ecole d'infanterie à Beverloo et revient à Ypres pour terminer son Ecole d'équitation, dont le Commandant exprime le souhait de le voir revenir comme instructeur. Il reprend du service au 3e Chasseurs à pied, mais le 25 décembre 1913 son rêve se réalise, il passe au 1er Chasseurs à cheval à Tournai.
Possédant au plus haut point l'esprit cavalier fait d'audace, d'habileté, de maîtrise de soi et d'intrépidité, le moment approche où il va pouvoir déployer toutes ces belles qualités.
En août 1914, quand la guerre éclate, son régiment se trouve dans la région de Chaumont-Gistoux où il couvre la mise en place de la 6e Division d'armée. Le lieutenant Bastin est envoyé en reconnaissance au contact de l'ennemi. Le 16 août à Sart-Risbart, au cours d'une escarmouche, l'étendard du régiment est tombé aux mains de l'ennemi. Bastin, dans sa fougue irrésistible, rassemble quelques cavaliers volontaires et se porte vers l'ennemi pour reprendre l'emblème. Ses hommes se sacrifient sous le feu des
mitrailleuses et Bastin, blessé, est écrasé sous son cheval mort.
Voici comment il évoque cet épisode, un an plus tard, alors qu'il est en cellule
“ ... je revois la chevauchée sous le feu des mitrailleuses, le choc et la dégringolade du talus, à travers les rangs de mon peloton. Je revois la patrouille allemande venant se rendre compte des résultats du tir. Et puis c'est le transport, la cure de Sart-Risbart où je retrouve van Innis, l'ambulance, Hannut, l'hôpital de Bavière à Liège...
Il est soigné correctement par les services du front et évacué vers l'Allemagne où les blessés sont accueillis par les huées de la population que l'on a persuadée que les Belges avaient commis des atrocités sur les blessés allemands.
Pendant trois années, Jules Bastin va subir une captivité rendue plus dure par ses dix tentatives d'évasion, dont heureusement la dernière sera couronnée de succès.
Ces dix évasions, il va les raconter dans un livre qui paraîtra en 1936 chez Payot.
Dans la préface, le général français de Goys de Mézeyrac, président de l'Union française des évadés de guerre, s'exprime comme suit
“ Le journal du lieutenant Bastin, “ Mes dix évasions ”, nous offre un magnifique exemple de courage, de volonté, d'énergie, de persévérance.
A ces titres divers, il était nécessaire que ce journal ne sommeille pas plus longtemps dans les tiroirs personnels du jeune lieutenant devenu aujourd'hui colonel. Il fallait que la jeunesse puisse connaître cette lutte ardente livrée pendant plus de trois années par un officier prisonnier de guerre pour reconquérir sa liberté. Cette lecture est passionnante. Elle exalte chez le lecteur les plus nobles sentiments, elle est haute-ment éducatrice. Remercions donc l'auteur d'avoir rompu son silence, félicitons ceux qui surent le décider à publier son journal d'un évadé de guerre. ”
Et plus loin:
“ ... D'autres prisonniers sont animés par une âme plus ardente. Ils ont confiance dans la force morale et physique qui peut venir à bout de tous les obstacles, ils sont enflammés par la passion de reprendre la lutte pour la Patrie. Ceux-là sont obsédés par l'idée de l'évasion. Dès leurs premiers jours de captivité toutes leurs pensées, tous leurs rêves, tous leurs actes sont tendus vers ce but. Ils entraînent quotidiennement leur corps pour le durcir aux épreuves souvent extrêmes que comporte l'évasion. Ils familiarisent leur esprit avec le danger qu'il faut courir pour escalader le mur d'une prison encerclée de sentinelles, pour franchir une frontière garnie de fusils et de fils de fer barbelés, souvent électrifiés. Ah, qu'il paraît doux de rester dans la prison, quand dehors souffle la bise de l'hiver, quand il faudra marcher des centaines de kilomètres, coucher sans abri, à peine vêtu, sur le sol gelé, se réveiller claquant des dents et les membres glacés et tremblants.
Il faudra cheminer la nuit en évitant les routes, se jeter de forêts en forêts comme les bêtes. On sera traqué, on aura faim, on souffrira, on risquera sa peau. Ah oui, que la prison semble douce au moment de s'élancer ainsi à la conquête de la liberté
Que les chances de réussite paraissent infimes ! Et l'on hésite au moment de se lancer hors de la prison, sous le feu des sentinelles. Et la lâcheté, mauvaise conseillère, vous murmure doucement à l'oreille : Reste... ”
... “ en lisant Mes dix évasions, de Bastin, vous constaterez une bravoure inouïe, ajoutée aux calculs les plus perspicaces pour tromper l'adversaire et augmenter les chances.
Vous constaterez aussi que Bastin ne fut jamais un résigné, que toute sa vie de prisonnier ne fut qu'une lutte pour l'évasion. Qu'à peine capturé près du but, en dépit d'un découragement bien compréhensible, il se jure de recommencer sur-le-champ avec une ardeur accrue. Sa volonté, son énergie sont de fer. Dix fois il recommencera.
Il est admiré par tous ses camarades. C'est un entraîneur d'héroïsme.
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Prosper