Post Numéro: 20 de beruge 04 Sep 2012, 18:14
Rien n'est simple dans les affaires de Résistance, ni en France ni ailleurs.
Lorsque Jean Moulin est capturé,avec d'autres chefs de la Résistance, à Caluire le 20 juin 1943,René Hardy parvient seul à s'échapper.
Cet homme est un authentique héros de la Résistance.
Sous le pseudonyme de "Didot", il organise depuis un an les sabotages dans les chemins de fer et appartient à la direction de l'Armée secrète.
Il a le tort d'être anticommuniste.
C'est par hasard qu'il a été arrêté, le 7 juin, à la gare de Châlon-sur-Saône et relâché dans la nuit du 10 au 11, soit six semaines avant la réunion où Moulin a convoqué un nombre ahurissant de chefs de la Résistance : malgré toute la sympathie que l'on éprouve pour le personnage qu'il est devenu à partir de 1940 (rompant avec un
comportement antérieur nettement plus discutable de carrièriste cryptocommuniste), on est bien obligé d'y voir une manifestation d'amateurisme.
Quelques heures après avoir relâché Hardy, le chef de la Sipo de Lyon apprend d'un traître qu'il a laissé filer le célèbre " Didot". Jusqu'à sa mort, K.Barbie vouera une haine inexpiable à l'homme qui l'a ridiculisé, réussissant à lui faire croire qu'il n'était qu'un inoffensif voyageur.
C'est Klaus Barbie qui est à l'origine du bobard faisant de "Didot"-Hardy un traître ayant vendu ses camarades.
Ce bobard arrange bien des gens.
Les communistes d'abord, qui tolèrent mal un chef de cheminots anticommuniste ; les résistants qui ont craqué sous la torture et ceux qui cherchent un bouc émissaire pour endosser la responsabilité des conséquences de leurs sottises, car en 1943, l'antenne française de la Sipo décapite la Résistance métropolitaine, mal organisée,
victime des imprudences multiples de ses chefs (il n'est même pas besoin d'envisager de cyniques dénonciations de concurrents,l'amateurisme suffit à expliquer la catastrophe).
Certes, le 12 juin 1943,les hommes de Barbie parviennent à reprendre Hardy : Barbie le relâche à condition qu'il le tienne informé de la date prévue pour le débarquement allié à l'ouest (Hardy lui a très habilement fait croire qu'il en serait informé, en tant que chef du " sabotage-rail ", ce qui est une absurdité que gobe le SS, peu intelligent).
Le 16 juin, Hardy reconnaît devant un camarade de Résistance, Léon Damas, qu'il est personnellement brûlé et probablement filé.
Le 19 juin, Barbie apprend le site (Caluire,sans en connaître le lieu exact) et la date de la réunion où le "délégué du général de Gaule",un certain "Max", doit rencontrer divers chefs de la Résistance.
Il a été prouvé que "Didot"-Hardy ignorait la ville s'il connaissait la date de la réunion.
En fait, Barbie fait filer un autre participant, Henri Aubry, un homme fort imprudent, dépressif (ce qui lui occasionne des troubles de la mémoire), peut-être " retourné " par le Sipo (il sera catalogué "Hosenträger" par les Allemands,après son arrestation du 21 juin, ce qui dans l'argot de la Sipo correspond au "mouton" de la police française.
Le 21 juin, blessé par balle à l'avant-bras gauche,Hardy parvient à s'enfuir,puis est arrêté par la police française ; les comptes-rendus d'interrogatoire prouvent que Hardy ne dénonce aucun de ses camarades.
D'une manière générale,aucun des résistants connus de "Didot"-Hardy ne sera arrêté dans les suites immédiates de ses deux arrestations par les Allemands et de son arrestation par la police française.
Il sera jugé à deux reprises,en 1947 et en 1950 dans une ambiance de lynchage médiatique.
En 1947, il est acquitté.
En 1950, il est condamné pour "complicité avec l'ennemi" sur l'unique témoignage d'une femme ayant travaillé à la fois pour la Résistance et pour la Sipo (et qui avait,de ce fait,beaucoup de choses à se faire pardonner).
N'en déplaise à une foule d'auteurs haineux, l'étude précise de l'affaire permet de penser que cet authentique héros a été volontairement sali par divers membres de la Résistance et par Barbie, qu'Hardy avait ridiculisé par deux fois.