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DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 24 Fév 2012, 01:48
de Prosper Vandenbroucke
Le 25 juin 1940, le Führer étale sa suprématie. En quelques jours ou quelques semaines, ses armées ont balayé la Pologne, la Norvège, le Danemark, la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. Finalement, elles ont eu raison de l'adversaire le plus redoutable, la France.
Après l'Europe centrale, la mainmise sur l'Autriche et la Tchécoslovaquie, l'Allemagne domine l'Europe occidentale. Il ne reste que l'Angleterre, une Angleterre arc-boutée sur son île, mais elle aussi bien affaiblie par son échec en Norvège et surtout par le désastre subi par son corps expéditionnaire.
Oui, que va-t-il se passer? L'Angleterre, à son tour, pliera-t-elle le genou?
Hitler s'efforcera-t-il de trouver avec elle une paix de compromis, ou bien tentera-t-il de s'imposer par la force?
L'Angleterre, alors, sera-t-elle capable de tenir? Telle est la question essentielle. Il y en a d'autres. Quel sort sera réservé à la France par le vainqueur? Comment évoluera la République française?
En cas de poursuite du conflit, que deviendra la flotte française? Quel destin connaîtra le mouvement lancé par le général de Gaulle? A la longue, quelle sera l'attitude des Etats-Unis ainsi que de l'URSS et du Japon? Et, en premier lieu, que décidera Adolf Hitler?
Le 23 juin, au matin, l'ancien caporal autrichien s'est rendu à Paris pour se griser de sa victoire.
A cette date, dans l'euphorie de ses rêves réalisés, le maître du Reich se persuade volontiers que l'Angleterre ne peut faire autrement que d'accepter la paix. Il ne songe pas d'ailleurs à dépecer l'empire britannique. Il ne veut pas l'abattre comme il l'a fait de la France.
Les Etats-Unis, le Japon seraient les grands bénéficiaires d'une mise à mal du Royaume-Uni. L'Allemagne n'en tirerait pas bénéfice.
Son triomphe militaire, l'environnement ne peuvent qu'inciter Hitler à croire la paix probable.
Le pape Pie XII, confidentiellement, lui a écrit ainsi qu'à Churchill et Mussolini pour proposer sa médiation en vue « d'une paix juste et honorable ». Le roi de Suède est intervenu dans le même sens. Ces initiatives montrent bien qu'une telle perspective se dessine, d'autant que l'Amérique ne bouge pas.
Adolf Hitler n'a pas eu l'intuition des grands capitaines pour juger qu'au lendemain de Dunkerque les temps lui étaient favorables. L'Angleterre n'était pas en état de lui résister. Sa BEF a abandonné tout son armement lourd sur les plages de Dunkerque.
Jouant l'audace, le Führer certes aurait pu risquer l'invasion.
Des parachutistes, des troupes débarquées n'auraient pratiquement pas trouvé d'unités constituées pour s'opposer à eux. Heureusement pour l'Angleterre, Hitler a tergiversé. Il a eu peur de la Navy, de la RAF. Il a cru que la débâcle française entraînerait l'arrêt des combats.
Et l'improvisation n'est pas dans le tempérament allemand. Adolf Hitler médite longtemps ses plans avant de s'engager.
Peu à peu, cependant, des études s'élaborent. Le 2 juillet, une directive de l'OKW, bien qu'encore hésitant, énonce l'intention d'attaquer l’Angleterre.
Hitler hésite. Il réunit ses chefs militaires.
Il évoque avec eux les difficultés d'une invasion. Le 16 juillet, enfin, il franchit le pas. Sa nouvelle directive n° 16 présages bien d'une opération de débarquement contre l'Angleterre.
Les préparatifs d'« Otarie» (nom de code de l'entreprise) doivent être achevés à la mi-août.
Hitler aurait-il quelque regret ou quelque hésitation? Avec lui, il n'est pas possible de parler de scrupules.
Le 19 juillet, au Reichstag, il lance solennellement à l'Angleterre un ultime appel:

« A cette heure, je crois qu'il est de mon devoir devant ma conscience de faire appel une fois de plus à la raison et au bon sens en Grande-Bretagne et ailleurs. Je me considère en posture de lancer cet appel puisque je ne suis pas le vaincu qui mendie des faveurs, mais le vainqueur qui parle au nom de la raison. Je ne vois aucun motif de prolonger cette guerre. »

La BBC ne tardera pas à lui retransmettre un « No » aussi brutal que définitif.
Ce sera donc la guerre. Hitler aura perdu plusieurs semaines et, très certainement, laissé passer une occasion unique.
Il a surtout sous-estimé une donne majeure. Il n'a pas pris la mesure de ce bouledogue ne cessant de montrer les dents de l'autre côté du Channel. Il a oublié que celui qui se dressait devant lui pour galvaniser la résistance britannique ne se nommait plus Neville Chamberlain mais Winston Churchill.
Ah, ce Churchill !
A peine intronisé, il a promis aux siens « sang, peines, larmes, sueur ».
Il ne varie pas, il se battra « sur les collines et sur les grèves» et « pendant des années et, s'il le faut, tout seul »
Il répète « son inflexible résolution de continuer la guerre » .
Il répond courtoisement, mais fermement, au souverain pontife comme au monarque suédois, par une fin de non-recevoir indirecte. Toute discussion implique un préalable: le retour en arrière en ce qui concerne la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Hollande, la Belgique et surtout la France.
Face à la boulimie de conquêtes du dictateur nazi, l'heure est à l'effort.
Hitler, sans doute, frappera-t-il à nouveau, mais où ? Quelque part sur le littoral de la Manche ou sur celui de la mer du Nord? A moins que ce ne soit vers l'Irlande? Des parachutistes tomberont-ils sur les arrières? Plus vraisemblablement encore la Luftwaffe se déchaînera-t-elle contre les ports, les villes, les centres industriels, les aéroports?
Devant le danger un peuple se mobilise. A I'anglaise. Avec calme et sang froid, en respectant le break du thé.
Et ce peuple qui vit ses finest hours suit son chef.
Le Premier ministre est partout. Il s'occupe de tout. L'honorable gentleman s'est mué en « sergent de bataille allant en chaque endroit faire avancer ses gens et hâter la victoire ».
Il presse la mobilisation. Il met sur pied des unités de volontaires de défense locale qu'il baptise Home Guard. Il accélère le recrutement des pilotes de chasse. Il inspecte les défenses et les batteries côtières. Il supervise les informations de la presse.
Il pousse les fabrications d'armement. Il exige des rapports sur la bonne utilisation des chars et des canons disponibles. Il étudie des projectiles antichars à lancer par fusils et mortiers, et des « bombes collantes» à plaquer sur les parois des blindés. Il se soucie des heures de marée favorables à un débarquement...
Il alerte les pays du Commonwealth et les prie de l'aider dans l'effort de guerre.
Il réclame l'arrivée de troupes indiennes en Egypte et en Palestine. Il impose le recrutement de colons juifs pour libérer des soldats anglais.
Il reconnaît de Gaulle comme chef de la France libre. Il incite la Yougoslavie à mobiliser. ..
Que ne fait ce lion britannique que ses compatriotes voient surgir en tous lieux, parfois coiffé du casque du tommy et toujours le cigare aux lèvres!
Et les résultats sont là. L'Angleterre devient un camp retranché et ses usines un arsenal de guerre. Les obstacles se dressent sur les rivages ou dans l'intérieur contre les parachutistes.
La mobilisation permet de constituer 55 divisions. La Home Guard regroupe près de deux millions d'hommes - pas toujours bien armés - prêts à courir sus à l'envahisseur. Les usines tournent à fond. Hommes et femmes travaillent jusqu'à épuisement.
Les dominions répondent à l'appel bien que depuis 1936 ils possèdent leur complète autonomie en matière de politique étrangère. Le Canada, derrière son Premier ministre Mackenzie King, s'offre comme terre de refuge pour la famille royale, le gouvernement britannique et la formation des pilotes de la RAF. Il édifie des centres de construction aéronautique, des chantiers navals. A la fin de 1941, il aura mis sur pied de guerre un demi-million d'hommes.
L'Afrique du Sud offre ses ports et ses usines. Ses troupes interviennent en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. L'Australie et la Nouvelle-Zélande envoient cinq divisions en Egypte sous le commandement du général Freyberg, héros de la Première Guerre mondiale.
En Inde, la situation est plus délicate. Gandhi, le Congrès, la Ligue musulmane réclament des contreparties: statut de dominion, puis gouvernement autonome.
Churchill ne saurait se présenter en liquidateur du prestigieux Empire des Indes. Il obtiendra cependant huit divisions (en février 1941), incorporées à l'armée britannique en Egypte.
Il n'est qu'une exception à cette belle unité. De Valera refuse d'engager l'Eire à défaut d'obtenir l'Ulster, vieille revendication irlandaise.
Cette réserve n'empêchera pas 150.000 Irlandais de s'engager, à titre personnel, dans les rangs de l'armée britannique. Mais cette neutralité irlandaise coûtera cher.
La Navy ne pourra utiliser des ports bien situés sur les lignes de navigation de l'Atlantique Nord. Les sous-marins allemands y trouveront avantage. Dans cette guerre appelée à s'élargir, l'Angleterre, sur le fond, dispose de sérieux atouts. Par ses dominions, par son empire colonial, elle est présente dans toutes les mers du globe. Elle est à Gibraltar, à Malte, sur la route de Suez. Elle est à Freetown, au Cap, à Aden, sur l'antique route des Indes qui reprend essor par suite des menaces en Méditerranée. Elle est à Colombo, à Singapour, sur la route de l'Extrême-Orient. Elle est à Terre-Neuve, aux Bermudes, sur la route des Amériques.
Hitler, tel Napoléon, peut dominer l'Europe. La Grande-Bretagne avec sa flotte et ses bases tient les grands espaces dans un conflit dont elle entend coûte que coûte sortir victorieuse.
De cette obstination, en faudrait-il une preuve première? Ce sera Mers El Kébir………………

La suite se sera à vous d’en débattre!!!!

Ce Débat est ouvert jusqu'à ce Dimanche 18 mars à 21H00.
Bien amicalement
Prosper
(source : La grande histoire de la Seconde Guerre mondiale – Tome I – par Pierre Montagnon.)

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:02
de Prosper Vandenbroucke
Bonsoir à toutes et à tous,
La soirée débats de ce vendredi 16 mars est ouverte.
Je vous souhaite une très bonne soirée.
Bien amicalement
Pour l'équipe du forum "Le monde en guerre"
Prosper ;)

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:25
de Jumbo
Bon il n'y a personne pour lancer les débats?
Je commence, l'opération "Otarie" était une opération bidon d'intox vis à vis des Anglais, ou AH envisageait vraiment d'envahir l'Angleterre?

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:31
de Jumbo
MEK, certes la flotte anglaise a fait un carton sur nos pauvres marins mais il semble que la Royale avait des alternatives qu'elle n'a pas utilisées:
1/ se rendre
2/ rejoindre un port anglais
3/rejoindre les Antilles pour rester sur le territoire national
Vrai ou faux?

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:45
de brehon
Bonsoir,

"Se rendre", ça veut dire quoi?

Les propositions étaient;

- Se rallier aux britanniques pour continuer le combat
- Se saborder sur place
- Gagner un port français des Antilles
- Gagner un port américain

De toutes façons, il était hors de question pour les britanniques que la flotte française soit à la merci d'une exigence allemande, ce qui était le cas tant qu'elle était en Méditerranée.

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:47
de Jumbo
Je reconnais que le terme "se rendre" ne correspond pas trop au monde maritime. Pour le reste les propositions existaient bien. Donc pourquoi n'en avoir accepté aucune? Choix militaire ou politique?

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:54
de brehon
La principale raison est que la France avait signé un armistice avec l'Allemagne et que ces propositions, à part peut-être le sabordage, en constituaient une rupture.

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 22:56
de dynamo
En juillet 40, avec si peu de temps pour réfléchir et choisir, ces 4 options étaient inexécutables par des officiers qui n'étaient pas mandatés pour engager la marine française et très surement le pays dans une aventure aux conséquences incalculables.

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 23:02
de Jumbo
A part la rancœur légitime des marins français et la colère de CDG, ce tragique épisode a-t-il eu des conséquences sur le développement des relations franco-Anglaises durant le conflit?

Re: DEBAT DU MOIS DE MARS : Le temps des incertitudes

Nouveau messagePosté: 16 Mar 2012, 23:08
de dynamo
MEK a fournit à Vichy le plus beau plan com anti-british que Pétain, Laval et consorts pouvaient rêver.