Post Numéro: 1 de Prosper Vandenbroucke 29 Nov 2011, 12:02
Bonjour à toutes et à tous,
En introduction de la prochaine soirée débats, voici un petit préambule tiré de l'ouvrage de A.Goutard, intitulé:
"1940, la guerre des occasions perdues"
Au début de la guerre, devant l'incertitude totale de l'attitude belge, le Commandement français se borne à organiser ou renforcer la position-frontière, sur laquelle on continuera à travailler tout l'hiver.
Le 26 septembre, le commandant en chef précise ainsi la mission du groupe d'armées n° 1du général Billotte :
« La mission initiale du groupe d'armées n° 1 consistera, dans tous tes cas et au minimum, à assurer l'intégrité du territoire national en défendant sans esprit de recul la position de résistance organisée à la frontière. »
Trois jours plus tard, le 29 septembre, dans son « instruction personnelle et secrète n° 6 », le commandant en chef envisage que, si les Belges résistent à l'invasion et font appel à notre aide, nous pourrions « porter une première ligne de résistance sur l'Escaut ».
Les avantages en seraient les suivants, ainsi que le précise le général Gamelin, dans une lettre au général Gort qu'effraie un peu l'idée de quitter la position-frontière
- meilleure couverture du territoire britannique;
- recueil de l'Armée belge;
- profondeur gagnée à l'avant pour la position-frontière, à laquelle il est impossible de donner de la profondeur à l'arrière, en raison de la proximité de l'agglomération de Lille.
Mais il est bien entendu que cette occupation de l'Escaut ne serait qu'éventuelle et que le gros des armées alliées recevrait l'ennemi sur la position-frontière.
En octobre, il apparaît que les Belges sont décidés à se défendre et pourront sans doute offrir une résistance de plusieurs jours sur le Canal. D'accord avec le général Gamelin, le général Georges décide alors, par son « instruction personnelle et secrète n° 7 » du 24 octobre, que la
« Manœuvre Escaut » sera exécutée ferme, et que l'on pourra peut-être même passer à la Manœuvre Dyle.
« La mission du groupe d'armées n° 1 est de porter sa gauche à partir de Maulde sur l'Escaut d'Audenarde, en se reliant vers la tête de pont de Gand aux troupes belges du réduit national Anvers - Gand. Le corps expéditionnaire britannique se portera sur l'Escaut de Tournai.
« En cas de circonstances favorables, le G. A.-I se tiendra prêt, en pivotant autour de Revin, à se porter avec ses gros sur la ligne Louvain - Wavre - Gembloux - Namur, en liaison à gauche avec les forces de la défense d'Anvers. »
Enfin, en novembre, après l'alerte des 11, I2 et I3 novembre qui incite les Belges à prendre des mesures de défense plus nettes sur le Canal Albert et la Meuse de Liège, le commandement français peut espérer pouvoir atteindre avant l'ennemi la ligne Anvers - Namur, et il adopte carrément la Solution Dyle.
En conséquence, le 15 novembre, le général Gamelin adresse au général Georges l'instruction suivante :
« L'évolution de la situation militaire en Belgique, se traduisant par de nouvelles mesures de défense, permet maintenant d'espérer que nous disposerions, si nous sommes appelés par les Belges, d'un temps suffisant pour gagner aussi rapidement que possible, sans nous arrêter sur l'Escaut si la situation le permet, la position Anvers - Namur et nous y installer en force. »
Le dispositif à réaliser sera le suivant: « Le corps expéditionnaire britannique tiendra la Dyle de Louvain à Wavre, en liaison à gauche avec les Belges de Malines - Anvers. La 1ère armée française barrera la trouée de Gembloux, entre Wavre et le camp retranché belge de Namur.
La IXe armée, pivotant autour de sa droite, portera sa gauche sur la Meuse belge entre Namur et Givet, sa droite restant en position sur la partie française de ce cours d'eau, entre Givet et le confluent de la Bar, à l'ouest de Sedan. Telle est la Manœuvre Dyle qui se déclenchera le 10 mai.
Ce plan correspond, du reste, aux directives arrêtées par le Conseil suprême de Londres le 17 novembre 1939.
A cette réunion, M. Daladier déclare « qu'il considère l'occupation de la Belgique par l'Allemagne comme très grave, presque autant qu'une occupation du territoire français» et il ajoute:
« Le gouvernement français est donc décidé à faire tout l'effort nécessaire pour tenir sur la ligne Anvers - Namur. » Et le Conseil adopte la résolution suivante : « Étant donné l'importance qu'il y a à maintenir les forces allemandes aussi loin à l'est que possible, il est essentiel de s'efforcer par tous les moyens de tenir la ligne Anvers - Namur. »
On ne saurait donc reprocher au général Gamelin, exécuteur des décisions du Conseil suprême, d'avoir adopté cette solution, qui présentait d'ailleurs d'incontestables avantages: front plus court, couverture plus lointaine de la région industrielle du Nord et intégration assurée d'une vingtaine de divisions belges dans le dispositif allié.
Du reste, même si l'hypothèse sur laquelle était fondée la Manœuvre Dyle ne se réalisait pas, il n'était pas fatal que cette manœuvre entraînât pour l’Armée Française une catastrophe irrémédiable.
En effet elle n'exigeait l'avance en territoire belge que d'une dizaine de divisions françaises (1ère armée et gauche de la IXe).
Il devait donc rester en territoire national plus de 80 divisions, ce qui, avec l' « économiseur » représenté par la Ligne Maginot, devait normalement permettre d'assurer une défense solide du centre du dispositif, tout en ménageant d'importantes réserves stratégiques.
En outre, rien n’obligeait l’Armée Française à abandonner complètement les ouvrages de la position-frontière en mettant la clef sous la porte !
La défaite ne viendra pas de la Manœuvre Dyle elle-même; elle découlera de la faiblesse de du centre du dispositif et du manque de réserves stratégiques.
Et c'est là qu'interviennent deux facteurs qui sont à l'origine de cette double carence: la
« Variante Breda » et la surcharge de la Ligne Maginot.
La variante Breda.
Le Conseil suprême du 17 novembre n'avait envisagé, en somme, que la défense de la ligne Anvers - Namur. Mais, en mars 1940, prévoyant que l'Allemagne, qui n'en est pas à une violation près, envahira également la Hollande, le commandant en chef pense qu'il serait intéressant de raccorder également l’Armée Française à la « Forteresse Hollande », ce qui permettrait d'inclure encore la dizaine de divisions néerlandaises dans le dispositif.
Le 12 mars, le général Gamelin manifeste donc son intention de pousser une armée française du camp retranché d'Anvers sur la Hollande, pour donner la main aux forces de ce pays, et, le 20 mars, le général Georges traduit cette intention par son « instruction n° 9 » fixant la manœuvre du G. A.-I, qui devra:
« non seulement occuper la ligne générale Anvers - Namur, mais encore, si l'ordre est donné de pénétrer en Hollande, déboucher du Canal Albert au nord-est d'Anvers, en vue d'assurer la sécurité de l'Escaut maritime et la liaison entre les Belges et les Hollandais. En conséquence, la gauche du dispositif occupera soit la ligne Breda - Saint-Léonard, soit la ligne Tilburg-Turnhout.» Cette mission excentrique est confiée à la VIIème armée, commandée par le général Giraud.
Le premier résultat de cette variante Breda est de se priver, pour l'envoyer à l'extrême gauche, de la seule armée de réserve réellement constituée.
Or, avec ses 7 excellentes divisions, dont une D. L. M., cette armée manquera cruellement derrière le centre dans la bataille décisive
Concevable si l’Armée Française avait eu une grande abondance de moyens, cette variante dépassait donc nettement les possibilités.
Du reste, dès qu'il en a connaissance, le général Geor¬ges, qui n'a pas été consulté, en voit le danger: « C'est le type même de l'aventure, note-t-il en marge du projet. Si l'ennemi masque la Belgique, il peut manœuvrer ailleurs. Donc, ne pas engager nos disponibilités dans cette affaire. Écarter le rêve ! » Antérieurement déjà, il avait appelé l'attention du général Gamelin sur le danger qu'il y aurait à engager la majeure partie des disponibilités en Belgique et en Hollande devant une action allemande qui pourrait n'être qu'une diversion, « car, écrivait-il, en cas d'attaque ennemie en force se déclenchant au centre, nous pourrions être démunis des moyens nécessaires à la riposte ». Et c'est bien ce qui se passera.
Malgré les objections élevées à la fin de mars par le général Giraud et appuyées par le général Billotte et le général Georges, le commandant en chef confirme, le 15 avril, la mission donnée à la VIlème armée, « car il lui paraît impossible d'abandonner systématiquement la Hollande à l'Allemagne ». Ce fil est à présent verrouillé et sera accessible dès 21h00 le vendredi 16 décembre.
N'oubliez pas notre quiz mensuel lié au thème de la soirée débats. Ce quiz sera mis en ligne dès le jeudi 15 décembre à 21h00.
Bien amicalement
Pour l'équipe du forum
Prosper