Lorsque le mauvais temps du début août 1940 céda la place à une succession presque ininterrompue de magnifiques journées d'été, un sentiment d'exaltation contenue, et, fait étrange, agréable, se communiqua à toute la Grande Bretagne. L'atmosphère devint tout à fait différente de celle qui avait régné au lendemain de Dunkerque.
Bien des choses avaient changé au cours de ces deux mois et demi. Au début de Juin, la principale cause des inquiétudes inexprimées résidait dans le fait que personne ne savait ce qu'il fallait faire ; désormais, tout le monde avait sa tâche et ceux pour qui cette tâche était de combattre, tenaient entre leurs mains une arme.
En outre, l'ennemi avait perdu de sa stature à mesure que les semaines s'écoulaient et qu'il ne parvenait pas à reprendre son avance foudroyante, ni à réaliser les menaces qu'il avait proférées en grande quantité.
Fait encore plus important, le peuple Anglais nourrissait désormais une foi implicite en son chef. Churchill avait trempé l'esprit national pour en faire une véritable lame d'acier. Dans l'ensemble, les Britanniques attendaient les événements un peu avec la délectation qu'ils observaient chez leur Premier Ministre, un peu avec la force d'âme sans affection qu'ils admiraient chez leur Roi et leur Reine.
L'offensive aérienne commença le 13 août. Le 18, la presse allemande, reproduite par les journaux de Londres le lendemain, annonça en grosses manchettes « Début de la phase décisive de la guerre », « Ouverture du dernier acte du présent conflit ».
Le 22, les grosses batteries installées autour du cap Gris-Nez bombardèrent Douvres pour la première fois. Le 24, la Luftwaffe déclencha ses attaques contre les stations de secteur couvrant Londres, opérations qui pouvaient être lourdes de conséquence.
Mais juste au moment où la stratégie de Goering cessait d'avoir la vanité d'un fanfaron pour pivot et trouvait enfin une base plus consistante dans les leçons durement payées d'une bataille farouche, son avenir se trouva de nouveau compromis par un accident dont on ne connaîtra probablement jamais les causes.
L'assaut contre les stations de secteur commença donc dans la journée du 24 août. Au cours de la nuit suivante, près de 200 bombardiers furent envoyés contre des objectifs très dispersés en Angleterre et au Pays de Galles. Aucun des pilotes n'avait le nom de Londres sur ses ordres, mais une douzaine devaient attaquer des usines aéronautiques et des dépôts de pétrole en périphérie de la capitale.
Or, ceux-ci commirent une très grave erreur de navigation. Ils bombardèrent la City et les quartiers résidentiels de Nord et de l'Est ; les pertes en vies humaines furent lourdes et de très nombreux Londoniens se trouvèrent sans abris.
Nous ignorerons toujours si cette erreur de navigation fut due à l'inexpérience, à l’irréflexion où à quelque déviation, mais ce qui fut aussitôt clair, c'était que cette attaque en apparence délibérée contre la capitale exigeait une riposte.
Elle fut assénée avec une promptitude très « Churchillienne », dès la nuit suivante. 81 avions furent envoyés au dessus de la capitale du Reich, environ la moitié l’atteignit en dépit d'un ciel très couvert. Les dégâts matériels sur Berlin furent très faibles, mais l'honneur était satisfait.
Les conséquences de ce premier raid (qui fut d'ailleurs renouvelé au cours des nuits suivantes) furent autrement plus importantes pour les Allemands dont l'intention n'avait jamais été d'amorcer ces échanges d'un « prêté pour un rendu ».
Dans l'esprit d'Hitler, en effet, il introduisit un élément de politique intérieure parmi la stratégie. A son rêve de conquérir l'Angleterre se superposait soudain un cauchemar : il risquait de perdre le respect toujours déférent et souvent idolâtre de ses compatriotes. Il leur avait fréquemment promis, et Goering l'avait proclamé bien haut, qu'aucune bombe ne tomberait jamais sur Berlin … Or, plusieurs venaient d'y tomber. Hitler avait perdu la face.
Les conséquences étaient quasi inévitables. Le 4 Septembre, Hitler promit, dans un discours, des représailles dévastatrices à un auditoire en délire. A la fin de l'après midi du 7, les avions des Luftflotten 3 et 3, abandonnant leurs attaques contre les stations de secteur, convergèrent en formations vers la capitale Britannique. Il ne peut exister le moindre doute : cette modification de la stratégie allemande sauva le Fighter Command d'un très grave péril, et elle fut directement provoquée par les raids de la R.A.F. sur Berlin, eux-mêmes directement attribuables au bombardement accidentel de Londres dans la nuit du 24 Août.
Personne ne peut dire si elle ne se serait pas produite quand même, mais sans le bénéfice de la provocation, car la terreur était une arme chère à Goering et à Hitler. Tout suggère pourtant que, sans cette provocation, elle n'eut pas été effectuée si tôt. Le déclenchement de l'offensive sur Londres était en effet conçu comme une action ayant pour objet d'apporter un appui direct à l'assaut de l'armée.
La conclusion semble donc inévitable : la décision prise par Hitler d'ordonner ce déclenchement à J-15 au lieu de J-1 eut un caractère politique et non militaire, elle était destinée à défendre sa position et son prestige personnels. Quoi qu'il en soit, elle fût extrêmement malheureuse pour lui.
Texte introductif proposé par Fred Bonnus.Tous nos remerciements à Fred Bonnus pour cette introduction à la soirée débats du jeudi 21 avril 2011.
Ce fil est à présent verrouillé et sera à nouveau accessible le jeudi 21 avril dès 21h00
A bientôt pour la soirée débats.
Prosper
Edit par Fred : Je vous conseille pour préparer ce débat, d'aller écouter et visionner les Documentaires Audio et Vidéo traitant de ce sujet dans le Portail du Forum :
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