Post Numéro: 46 de Jeanmarie3750 31 Juil 2012, 00:09
Pour faire bref, aucune unité n'intéressait en soi Hitler ce qui n'était pas le cas du commandant de la Kriegsmarine, l'amiral Erich Raeder. En Méditerrannée il y avait déjà la flotte italienne qui ne sortait plus, par manque de carburants, mais aussi par incapacité à trouver une stratégie opérationnelle digne de ce nom. Au moment du débarquement anglo américain en Afrique du Nord, il n'a jamais été question d'un appareillage d'unités de la flotte italienne, par contre de la mise à disposition des Forces de Haute Mer d'une base navale. Cette négociation dura jusqu'au 11 novembre sous la conduite de Murgue envoyé par l'amiral Auphan pour monter l'opération.
La flotte s'est-elle condamnée elle-même ? D'abord une flotte peut-elle se condamner ? Est-elle un outil à la main des politiques ou une entité indépendante de la Nation ? La réponse est évidente mais reste la question de ce qu'est la Nation après la rupture de l'armistice et l'invasion de la zone libre ? Des officiers généraux peuvent-ils à ce moment là prendre une initiative ? La réponse, si elle n'est pas positive selon le droit qui n'entend jamais laisser l'autorité souveraine être discutée, apparaît au moins comme possible dans des circonstances exceptionnelles. L'amiral de Laborde l'avait vécu lors de l'évacuation de Brest le 18 juin 1940. Il n'a pas attendu l'ordre de l'Amirauté pour faire appareiller tout ce qui flottait lorsqu'il fut informé par le général Altmayer de l'avancée plus rapide que prévue des troupes allemandes. La seule hypothèse qu'a encore repoussée Auphan et qui aurait permis de gagner du temps, c'était l'appareillage pour l'Espagne. Cela donnait un laps de temps pour voir comment allait évoluer les choses à Alger. Une hypothèse qu'avait faite étudier à Toulon l'Amiral de Laborde encore après l'invasion de la zone libre. L'incurie de l'Amirauté dans ces heures dramatiques est très bien relatée dans l'ouvrage de Wanda Vulliez qui allait épouser Albert Vulliez à l'époque dans les couloirs du Helder : Vichy la fin d'une époque.
Je rassemble une documentation très large sur l'amiral de Laborde depuis des années et il m'est franchement difficile d'en tirer l'image d'un amiral préférant la pêche sur les bords de l'Allier au train d'une escadre... Qu'il ft hyper-actif, parfois colérique, surtout avec ses amiraux en sous-ordres, c'est évident... mais il y avait pire... Les marins l'appréçiaient comme un seigneur, non pas parce qu'il était de haute extrace, mais parce qu'il avait une juste attention à leurs besoins. A cela s'ajoutait le prestige et l'exemplarité d'un homme qui n'avait que la passion du service à la mer. Le mythe de la jalousie envers Darlan au moment où celui-ci devint chef d'état-major de la Marine est infondée. Il n'a jamais voulu de ce poste et n'avait à l'époque qu'un seul souci : rester le plus longtemps à la tête de la IIème escadre à Brest, de peur d'arriver trop vite à des postes quasi honorifiques au Ministère.
L'ordre du jour de l'amiral de Laborde est en effet un ordre dérisoire d'un commandant en chef dont ses unités sont sabordées et qui est prisonnier. Il le restera jusqu'au 6 décembre. Cet ordre est une réponse à ce qu'affirmait la lettre d'Hitler du 27 novembre au Maréchal Pétain. En effet Hitler y écrivait avec a fourberie qui le caractérise :
(...)
5° C'est pourquoi, après avoir eu connaissance de nouvelles violations de leur parole d'honneur commises par des officiers, des généraux, des amiraux français, qui ont l'intention, maintenant prouvée, d'ouvrir aux fauteurs de guerre anglo-juifs la France après l'Afrique du Nord, j'ai donné l'ordre d'occuper immédiatement Toulon, d'empêcher le départ des navires ou de les détruire, et de briser par la force, en cas de besoin, toute résistance. Cela ne constitue pas une lutte contre les officiers ou les soldats français conscients de leur honneur, mais seulement contre les criminels fauteurs de guerre, pour lesquels il n'a pas encore aujourd'hui coulé assez de sang et qui cherchent toujours de nouvelles possibilités pour prolonger et pour étendre la catastrophe.
J'ai, en conséquence, donné l'ordre de démobiliser toutes les unités de l'armée française qui, à l'encontre des ordres de leur propre gouvernement, sont excitées par leurs officiers à une résistance active contre l'Allemagne.
6° Ces dernières mesures, auxquelles la conduite déloyale de vos amiraux, de vos généraux m'a seule contraint, ne sont pas dirigées, comme je l'ai déjà indiqué, contre la France ou contre le soldat français pris comme tel. J'ai l'espoir sincère — et je sais que c'est également la conception de mon allié — qu'il doit être possible de rendre à l'Etat français une armée, dont les officiers obéissent au moins à leur propre chef d'Etat et qui offrent ainsi la garantie nécessaire pour la conclusion de toutes les conventions et accords internationaux.
"conduite déloyale de vos amiraux", on ne peut pas dire que l'honneur du commandant en chef des F.H.M. n'était pas remise en cause...