Pour clôturer ce débat, je vous propose ci-dessous ce qui, je pense, illustre bien l'immédiate suite de la défaite du 18 juin 1940. Bonne fin de débat à tous et merci de votre participation
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Dès l'été 1940, « la seconde guerre, la guerre de l'ombre » ..Dès l'été 1940, malgré les divergences, le manque de moyens, les dangers, ils se sont rassemblés en petits groupes afin de monter des filières d'évasion, recueillir des renseignements, d'imprimer des brochures … Qui étaient ces premiers résistants qui ont ouvert la voie ?La défaite et l'armistice signée par Pétain, entrainant désespoir et résignation dans toute la population Française, ne doit pas faire oublier que ce sont manifestés dès l'été 1940 des femmes et des hommes décidés eux aussi à « faire quelquechose », dans un mouvement spontané qui se passa de mentor : c'est l'embryon de la Résistance intérieure, ce que j'appelle « la seconde guerre, la guerre de l'ombre ».
Ces premiers résistants manquaient de tout :
pas d'armes, cela va de soi – il n'était d'ailleurs pas question de lutte armée dans l'immédiat -, fort peu d'argent, et, au départ, pas de papier. Et, sauf pour quelques militants du PCF, rien ne prédisposait ces volontaires à mener une double vie, en respectant des mesures élémentaires de sécurité. Les divergences entre les résistants eux-mêmes n'arrangent rien. Ceux qui n'appartiennent pas au PCF clandestin, ou ne sont pas dans sa mouvence, se méfient des communistes ou les excluent. Symétriquement, les convictions républicaines de ceux qui condamnent définitivement l'homme de Montoire les opposent aux résistants qui récusent la collaboration d'état mais approuvent en partie les objectifs de la révolution nationale. La ligne de démarcation allait, là encore, être un obstacle: à part le Front national (mis en place par les communistes au printemps 1941), aucun mouvement ne se développera à la fois au Nord et au Sud. Dénombrer précisément ceux qui sautaient le pas est impossible. Ils étaient certainement ultraminoritires.
Sans doute également, faut-il faire la part des rencontres, voire du hasard.
Vercors, récupérant sa maison occupée par un officier de la Wehrmacht, raconte que c'est parce qu'il avait omis une fois de le saluer qu'il avait ensuite continué, c'est la trame du « Silence de la Mer ». Mais jouaient encore plus les réseaux professionnels et les affinités politiques. Certains, il est vrai, se veulent apolitiques, entendant mener un combat strictement nationaliste. Mais d'autres adoptent dès l'abord une ligne disons jacobine, où le combat contre l'envahisseur se double d'une volonté de promouvoir une République pure et dure. D'autres enfin, réagissent par anti-fascisme, dans la tradition sociale-démocrate ou marxiste-léniniste, sans oublier les antinazis chrétiens qui diffuseront en 1941 les « Cahiers du témoignage Chrétien ».
Se regroupent assez vite des militants anti-munichois, socialistes de la tendance Blum et des syndicalistes, et, par ailleurs, des démocrates-chrétiens opposés aux accords de Munich. A l'intérieur du PCF, de jeunes communistes issus des brigades internationales préconisent rapidement l'action contre l'occupant.
Malgré tous ces obstacles, quelques-uns décident de « faire quelque chose ».
Mais quoi et comment ? ... Très vite, certains, le plus souvent isolés, sabotent quand l'occasion s'en présente, en zone Nord, des câbles ou des lignes téléphoniques. De façon spontanée aussi, se constituent, avec des relais dans les deux zones, des filières d'évasion, d'abord pour les prisonniers, puis pour les personnes qui doivent fuir la zone d'occupation. De même, des hommes et des femmes avaient-ils eu l'idée de recueillir des renseignements sur le déplacement des navires de la Kriegsmarine ou sur l'emplacement de telle ou tele batterie de DCA. Ils ne pourront les transmettre avec efficacité que lorsque seront créé les réseaux de renseignements opérationnels au début 1941 : la Confrérie Notre Dame, montée par Rémy, un agent de la France libre, ou Alliance, par un officier d'extrême droite, Loustaunau-Lacau, avec l'aide de Marie Madeleine Fourcade, et qui, dans un premier temps dépendra de l'Intelligence Service..
On pouvait aussi vouloir agir en France sur l'opinion publique en luttant contre la propagande Nazie et Vichyssoise :
apparaissent, dès les premières semaines de l'occupation, des tracts, des journaux, voire des brochures, comme celle des « Conseils à l'occupé » de Jean Texcier, un fonctionnaire qui avait collaboré avant-guerre à la presse socialiste, ou, en octobre, le premier numéro de « Pantagruel », rédigé, composé et imprimé par un éditeur de musique parisien, Raymond Deiss, qui en sortira 16 avant d'être arrêté en octobre 1941et exécuté à la hache en 1943. C'est le plus souvent autour d'un journal que se développeront ce qu'on appelle « les mouvements de résistance ».
En 1940, ce sont en fait des groupes, « Maintenir, à Paris », « Morpain, au Havre » ...
Le capitaine Henri Fresnay jette à Marseille les bases du Mouvement de Libération Nationale. Des enseignants de droit et d'économie politique, François de Menthon, Pierre-Henri Teitgen, Paul Coste-Floret, René Courtin, de sensibilité démocrate-chrétienne, créent en zone Sud « Liberté » … et bien d'autres qu'il serait fastidieux de tous citer ici.
Toutefois, il ne faut pas surestimer le poids de la Résistance dans la France de 1940.
Si du matériel de la Wehrmacht est, ici et là, détruit, la sécurité des forces d'occupation n'est pour l'heure en rien menacée. Et d'ailleurs, bien des responsables hésitent encore sur le statut à accorder à Pétain et au Régime de Vichy. Le manifeste rédigé en 1941 par Fesnay déclare : « Puisse le Maréchal Pétain vivre suffisamment longtemps pour voir notre oeuvre couronnée de succès ».
Reste que ces Journaux artisanaux, ces renseignements glanés ici et là, les manifestations patriotiques, les premiers sabotages fournissent déjà une réponse cohérente, même si elle peut sembler encore inefficace, au traumatisme de la défaite.
Il est à noter, pour la petite histoire, que nombre des feuilles clandestines de 1940 deviendront par la suite de vrais Journaux à la Libération (dont certains existent encore), comme « Le Parisien Libéré, Midi libre, la Manche Libre, la Voix du Nord, Libération, l'Humanité ... »