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Les bombardements alliés et leur utilité

Dans ce sous forum sont rassemblées les archives de tous les débats thématiques du forum.

Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 51  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 13 Jan 2009, 22:43

Moi de même
Bonne fin de soirée
Prosper ;)
L'Union fait la force -- Eendracht maakt macht

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 52  Nouveau message de Haddock  Nouveau message 13 Jan 2009, 22:46

Quand a Bomber Harris ...

Il faut aussi savoir qu'il n'etait pas seul a donner des ordres

Ce passage traduit de l'Anglais (Mal))est explicite:

Harris a sucité le respect et l'admiration des hommes sous ses ordres.
Ils savaient que leur commandant était un homme qui a compris les conditions difficiles dans lesquelles ils se sont battus et fait tout son possible pour améliorer leur situation et leurs chances de survie.

Remarquablement une grande fidélité et d'affection pour «Bomber», «Butch» ou «Bert» comme il a été aussi universellement connut, est encore exprimé aujourd'hui par les hommes et les femmes qui ont servi sous ses ordres en temps de guerre, le Bomber Command.

Bien que Harris a suivi à travers la campagne de bombardement des villes et fait preuve de détermination, il n'a pas concut l'idée ou participé à sa discussion.
Le plan visant à changer la priorité des bombardements de précision des objectifs spécifiques à la zone de bombardement de centres industriels de l'air a été conçu par des planificateurs du ministère et soutenue par Lord Cherwell, le conseiller scientifique en chef de Churchill, qui a justifié la politique de la «dehousing 'des travailleurs de l'industrie.
Le probléme s'est produit à la suite des difficultés techniques de la précision des bombardements de nuit à ce moment-là.
La politique a été approuvé par Churchill et de l'ordre de l'exécuter ont été officiellement délivré au Bomber Command avant Harris (qui etait en Amérique, au moment où ce fut décidé)

En fait, Harris lui-même n'etait personnellement d'avis que le bombardement des villes allemande allaient affecter le moral, mais il pensait que par la destruction des villes allemandes, les Allemands finissent par ne pas être en mesure de continuer la guerre.

Erreur sans doutes mais excusable vut sous cet angle.


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 53  Nouveau message de Litjiboy  Nouveau message 13 Jan 2009, 22:49

Merci à tous et à demain...

Laurent


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 54  Nouveau message de Haddock  Nouveau message 13 Jan 2009, 22:53

Bonne nuit a tous

Je pense que le sujet reste ouvert mais il faut reconnaitre sa complexité et sa dimension humaine.

Nous avons a notre époque difficile a juger ,n'etant plus heureusement pour nous, sous la menace des sirénes des alertes.

Merci pour vos participations.

Amitiés

Haddock

PS : Un petit lien sur une analyse intéressante du sujet abordé :
http://vvjack.be/PORTAIL/articles.php?pg=art175


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 55  Nouveau message de zeus62  Nouveau message 13 Jan 2009, 23:03

salut à tous ,
je pense qu il aurait fallu faire des bombardements ciblés sur les voies de chemin de fer , les usines ,et aussi certaines infrascruture indispensable aux nazis les ponts etc mais les villes je ne pense pas que cela etait indispensable ??? A+ SLTS


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 56  Nouveau message de H Rogister  Nouveau message 14 Jan 2009, 08:28

Litjiboy a écrit:Comment expliquer certaines erreurs de bombardement US telles que celles qui ont eu lieu à La Roche en Ardenne, par exemple?

Je sais que le débat se déroulait hier soir et je suis désolé d'avoir raté celui-ci.

Pourquoi ne pas ajouter les bombardements de Malmedy et Houffalize?
Je ne comprend toujours pas comment une ville comme Malmedy peu être bombardée trois jours de suite et que l'on dise encore que c'est pas erreur.

A+


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 57  Nouveau message de Haddock  Nouveau message 14 Jan 2009, 09:26

H Rogister a écrit:
Litjiboy a écrit:Comment expliquer certaines erreurs de bombardement US telles que celles qui ont eu lieu à La Roche en Ardenne, par exemple?

Je sais que le débat se déroulait hier soir et je suis désolé d'avoir raté celui-ci.

Pourquoi ne pas ajouter les bombardements de Malmedy et Houffalize?
Je ne comprend toujours pas comment une ville comme Malmedy peu être bombardée trois jours de suite et que l'on dise encore que c'est pas erreur.

A+


La seule chose qui pourrait "excuser" le fait c'est peut etre pour eviter le retour des Allemands et encore ... ????
Ceci dit c'est tout prés de la Frontiére Allemande, évidement 3 jours de suite c'est une énorme erreur , mais que disait donc le Gouvernement Belge de l'époque ???
La communication a t'elle bien passée ??? s'agit t'il de faire payer l'annexion au Reich dés 1940 ???

en fait je ne sais pas .


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 58  Nouveau message de Haddock  Nouveau message 14 Jan 2009, 12:39

Un dernier texte a lire pour les rares amateurs du sujet ;)

Image
-------------------------------------------------------------------------------------
Ce texte est la traduction d'un article original anglais plublié sous le titre de « Targeting the city: Debates and silences
about the aerial bombing of World War II», dans le volume 87, numéro 859, septembre 2005, pp. 429-444 de la
International Review of the Red Cross.

Résumé
Cet article nous reporte aux premiers débats qui ont eu lieu sur la moralité des
bombardements des villes avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Il tente
d’analyser à la fois l’argumentaire moral et son contexte historique, des années 1940 à
nos jours. La doctrine des « dommages collatéraux », qui admettait que l’attaque des
usines ennemies était acceptable même si elle coûtait la vie à des civils et détruisait leurs
maisons, a été vite étendue au-delà de son sens originel. Après la guerre, le largage de la
bombe atomique est devenu un sujet en soi, à distinguer du recours antérieur au
bombardement traditionnel, même si le bombardement traditionnel aboutissait à des
résultats tout aussi dévastateurs. La question de savoir quelle force était justifiée à
l’encontre des civils a été marquée par une double inhibition : les réticences des
commentateurs allemands à sembler vouloir excuser le IIIe Reich, et la difficulté des
Américains à sembler dénigrer ceux qui s’étaient battus dans « la bonne guerre ».
*****

Étant donné les questions soulevées par les bombardements aériens en général, la
question au centre du débat a souvent été non pas : « Dans quelle mesure la nécessité
militaire pouvait-elle justifier les dommages causés aux civils ? » mais « la nécessité
militaire a-t-elle réellement joué un rôle ? » En d’autres termes, même si l’on cessait de
sous-estimer le problème des pertes civiles, la victoire ne pouvait-elle pas être emportée
sans de tels actes de cruauté ? Le débat concernant la bombe larguée sur Hiroshima (et,
plus encore, la bombe qui a frappé Nagasaki) a généralement tourné autour d’une seule
interrogation : fallait-il lâcher ces bombes pour mettre fin à la guerre ? L’une ou l’autre
de ces bombes devait-elle être utilisée afin d’obtenir la reddition japonaise ? Tout au
moins, ses partisans pensent-ils que la bombe atomique était vraiment nécessaire pour
obtenir la reddition des Japonais en évitant de lourdes pertes américaines3 ? La deuxième
2 Geoffrey Best, Humanity in Warfare: The Modern History of the International Law of Armed Conflicts,
Methuen, Londres, 1983.
3 Barton J. Bernstein a clarifié en grande partie cette argumentation dans de nombreux articles. Bien sûr,
des questions quantitatives se posent ensuite. Combien de vies auraient dû être sauvées ? Selon H. L.
Stimson et Mc G. Bundy, l’emploi de la bombe atomique devait éviter une invasion de l’île de Honshu,
planifiée pour 1946, et qui aurait pu coûter « un million de vies ». L’argument a été affiné, car la première
invasion planifiée pour l’automne de 1945 aurait probablement concerné Kyushu, une île de plus petite
taille, et aurait par conséquent fait moins de victimes. D’un autre côté, lorsque les opposants à la bombe
bombe était-elle tout aussi nécessaire ? Un laps de temps plus long aurait-il dû s’écouler
entre ces deux opérations ?
Si les civils sont (ou ont été) pris pour cible, c’est principalement, bien sûr, parce
que la technologie moderne fait jouer aux civils un certain rôle dans la guerre. La
conduite de la guerre étant de plus en plus tributaire de la société dans son ensemble – et,
plus spécialement, du rôle joué par la main d’oeuvre dans l’armement d’une nation –, la
distinction entre civils et combattants a été mise en question. La guerre moderne
dépendait à tel point de la production du matériel militaire dans des sites éloignés des
lieux de combat que le concept d’une ligne de front tendait à paraître incongru.
Assurément, une nation belligérante avait le droit de détruire la capacité industrielle de
son adversaire, celle-ci semblant vraiment faire partie intégrante de l’effort militaire. Par
contre, cette nation avait-elle le droit d’attaquer les civils qui travaillaient dans ces sites
de production ? Il est bien connu que la doctrine des « dommages collatéraux » a tout
d’abord été invoquée par les stratèges de l’armée de l’air britannique pour tenter de
donner une réponse à cette question. Il convenait d’accepter les pertes civiles en tant que
« produit dérivé » des attaques lancées contre des sites engagés dans la production de
guerre, voire dans la production de biens civils en rapport avec les opérations militaires.
Jamais aucun dilemme n’avait requis de telles tergiversations. Certes, la question
des combattants ne portant pas l’uniforme s’était déjà posée lors de la guerre de la
Péninsule, au début du XXIXe siècle, puis lors de la guerre franco-prussienne de 1870-
1871. Les militaires prussiens insistaient pour que ces combattants, ou « francs-tireurs »,
perdent toute protection (à laquelle les soldats capturés avaient droit en tant que
prisonniers de guerre) et puissent être exécutés sur le champ. Par la suite, des conférences
tenues à Genève et à La Haye ont tenté de ne pas protéger les soldats irréguliers en tant
que tels, mais d’énoncer des principes directeurs visant à différentier, d’une part, les
troupes de milices légitimes et, d’autre part, les « francs-tireurs » : il s’agissait
essentiellement d’arborer quelque insigne visible et de porter les armes ouvertement, et
non en les dissimulant4. Les « francs-tireurs » n’étaient pas des civils; ils étaient plus
proches des espions qui, comme eux, n’annonçaient pas leur présence et, en conséquence,
pouvaient légitimement être exécutés lorsqu’ils étaient découverts. Il n’est pas étonnant
que, dans de telles guerres, des commandants peu enclins à l’indulgence aient souvent agi
sans trop de précautions. En 1914, la peur des « francs-tireurs » avait conduit les
Allemands à commettre massivement des atrocités en Belgique. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, cependant, les « francs-tireurs » sont devenus des « partisans » ou des
« maquisards » : aux yeux des Alliés britanniques ou américains, ces hommes méritaient
d’être reconnus comme combattants, alors qu’aux yeux de la force occupante, ils devaient
être exécutés. Certains commandants allemands ont non seulement exécuté des
résistants capturés mais aussi exercé des représailles contre les civils (sur le front
occidental, le maréchal Kesselring s’est illustré à ce titre en Italie), et ce problème a
rapidement fait passer au second plan la question du sort réservé aux résistants. Après la
Seconde Guerre mondiale, les nouvelles instructions mises au point en 1949 ont étendu à
suggèrent qu’aucune invasion n’était vraiment nécessaire, ses partisans rétorquent qu’un blocus du Japon
aurait probablement fait plus de morts dans ce pays que la bombe elle-même. Voir, de McGeorge Bundy,
Danger and Survival: Choices about the Bomb in the First Fifty Years, Random House, New York, 1988.
L’auteur y analyse ces diverses questions.
4 G. Best, op. cit. (note 2), pp. 190 à 200.
ces derniers la protection due aux combattants et, au cours des dernières décennies, même
des paramilitaires ont demandé à bénéficier d’une telle reconnaissance.
Il n’en demeure pas moins que la politique de représailles se trouve toujours au
coeur de la guerre de guérilla : elle semble en effet découler de cette « nécessité » qui, en
dépit de toutes les conventions, reste la justification sous-jacente de la violence. Telle
qu’elle a été menée pendant le deuxième conflit mondial par les résistants (partisans ou
maquisards), puis perfectionnée au cours des guerres de décolonisation, la guerre de
guérilla impliquait délibérément la population civile, dont elle utilisait les ressources. Il
s’agissait soit d’amener (par conviction ou par force) les civils à soutenir la cause des
résistants, soit de rendre un tel soutien trop « coûteux ». La théorie de la guerre de
guérilla – que les autorités françaises ont étudiée avec zèle dans les écrits chinois et
vietminh – demandait, fondamentalement, que la distinction entre le peuple et l’armée
soit effacée5.
De fait, l’implication des civils est l’élément qui relie la question de la guérilla ou
de la guerre de résistance à la question des bombardements aériens. Il existait cependant
des différences. Après tout, les résistants agissaient en ayant l’intention présumée de tuer
ou de blesser, et ils menaient leurs actions à partir des champs ou des forêts où ils se
cachaient. En quoi était-il justifié (ou injustifié) de bombarder des civils – et leurs
familles – qui allaient simplement travailler dans des usines ? Cette question est
antérieure aux bombardements. Elle se posait déjà au temps des tirs d’artillerie et, dès
1806, les Britanniques avaient rendu célèbre le concept de bombardement naval d’une
ville neutre (bataille de Copenhague). Alors que se terminait la Première Guerre
mondiale, les possibilités offertes par les bombardements avaient été reconnues et des
principes précisant leur usage avaient été définis. En 1923, un Projet de règles sur la
guerre aérienne a été proposé lors d’une nouvelle Conférence de La Haye : si elles
avaient été adoptées, ces règles auraient interdit de bombarder des populations civiles
« qui ne se trouvent pas dans le voisinage immédiat (…) des opérations des forces
terrestres ». Des objections ont été soulevées et ces règles n’ont jamais été ratifiées (bien
qu’elles aient pourtant été clairement proposées en tant que lignes directrices, dont le
rejet devait être argumenté). Tout comme plusieurs généraux de l’armée de l’air
américaine pendant une grande partie de la guerre, Neville Chamberlain, en 1938, a
semblé éprouver une certaine sympathie vis-à-vis d’un sens de la retenue (bien qu’en
1944, la pratique des Américains ait pu paraître aussi brutale que celle des Britanniques).
Cela dit, les partisans britanniques de la nouvelle arme ne voulaient pas avoir les mains
liées. Appuyées par la ferme conviction du général Arthur Harris (surnommé «
Harris Bomber »), qui était persuadé que les bombardements de centres civils
permettraient précisément à l’Angleterre de remporter la victoire, les prises de position
du général Hugh Trenchard en faveur du nouveau but de la guerre l’ont emporté sur
certaines hésitations antérieures. En 1928, le général Trenchard a prétendu que l’on
pouvait tenter de « terroriser les gens (hommes et femmes) qui fabriquent des munitions
afin qu’ils cessent de se rendre au travail », mais que le fait de bombarder de manière
indiscriminée une ville « dans le seul but de terroriser la population civile » était
5 Outre G. Best, voir Herfried Münkler (éd.), Der Partisan : Theorie, Strategie, Gestalt, Westdeutscher
Verlag (Opladen, 1990) qui contient une série d’articles sur les théories de la guerre révolutionnaire et de la
guerre de partisans.
« illégitime ». Une telle distinction s’est révélée bien trop ténue pour qu’une stratégie
puisse être définie sur cette base. Dans les premiers temps de la guerre, les Britanniques
ont poursuivi sur la lancée et, suivant en cela le général Trenchard, ils ont élaboré le
concept des « dommages collatéraux ». Ce concept n’était que l’actualisation de ce que,
au temps du Scholasticisme, la doctrine médiévale de la guerre juste avait qualifié de
« double effet ». Si, en dépit des précautions prises pour réduire au maximum les pertes
civiles (sachant que de telles précautions étaient nécessaires pour rendre la procédure
acceptable), des civils étaient blessés ou tués alors que l’on poursuivait un but militaire
légitime (personne ne contestait que le fait de réduire à néant la capacité industrielle de
l’ennemi constituait un objectif légitime), un tel objectif était acceptable dans les limites
de l’obligation, plus générale, de respecter la proportionnalité7.
Il convient de souligner ici que tant le recours à la guerre que la guerre elle-même
ne pouvaient être justifiés que si le principe de proportionnalité était respecté. Ce principe
établissait un lien entre le jus ad bellum et le jus in bello. En quoi la proportionnalité
était-elle réellement un guide utile, spécialement lorsque les résultats n’étaient pas aussi
clairement décisifs que le promettaient des partisans des bombardements tels que le
général Harris ou Lord Cherwell ? Il n’est pas question ici de passer en revue les
déclarations et les stratégies relatives à la guerre aérienne. Chacun sait qu’en 1945,
Churchill lui-même éprouvait quelques doutes et que, jusqu’à ces dernières années, le
général Harris a été écarté de la liste des honneurs dont ont bénéficié les acteurs de la
guerre aérienne eux-mêmes. Longtemps auparavant, toutefois, deux idées avaient été
largement acceptées : premièrement, d’une certaine manière, les Américains s’en étaient
tenus aux bombardements de précision en tant que stratégie, et ils étaient moralement
moins obtus que les Britanniques (en Europe, tout au moins); deuxièmement, les
bombardements n’étaient pas vraiment un moyen efficace d’atteindre les buts qui leur
étaient assignés.
Certes, l’une et l’autre de ces positions peuvent être contestées. Il est vrai qu’à
l’exception (notable) du Général Hap Arnold et de son officier subalterne, Curtis LeMay
(surnommé « Bombardons les pour qu’ils retournent à l’âge de la pierre »), transférés
pour superviser les bombardements du Japon en 1944-1945, la doctrine militaire
américaine n’a pas prétendu qu’en tant que tels, les bombardements de civils pourraient
provoquer une fin rapide du conflit. Les •tats-Unis ont poursuivi les bombardements à
grande échelle sous prétexte d’atteindre des objectifs particuliers, industriels ou
stratégiques. Des bombardiers américains ont cependant bel et bien participé aux raids
sur Dresde; de plus, ils ont continué de bombarder des cibles presque jusqu’aux dernières
semaines de la guerre, alors qu’il était déjà évident que les bombardements ne pourraient
jouer qu’un rôle stratégique limité. En théorie, l’interruption des communications
ferroviaires pouvait justifier presque chaque attaque; en réalité, cependant, il semble
qu’un autre sentiment ait prévalu alors : aucune cible ne devait être épargnée. Un tel
6 G. Best, op. cit. (note 2), p. 274; Charles Webster et Noble Frankland, The Strategic Air Offensive against
Germany, 1939-1945, 4 volumes, Her Majesty’s Stationery Office (Londres, 1961), Vol. IV, pp. 71 à 76.
(Traduction CICR).
7 Stephen A. Garrett, Ethics and Airpower in World War II: The British Bombing of German Cities,
St. Martin’s (New York, 1993), pp. 142 à 144; Tami Davis Biddle, Rhetoric and Reality in Air Warfare:
The Evolution of British and American Ideas about Strategic Bombing, 1914-1945, Princeton University
Press (Princeton, 2002); voir également Michael Walzer, Just and Unjust Wars: A Moral Argument with
Historical Illustrations, Basic Books (New York, 1977).
argument implicite était doté d’une grande résistance potentielle : il ne prétendait plus
que le moral des civils pourrait s’effondrer; il postulait simplement que plus les
destructions seraient nombreuses, plus vite l’effondrement de l’ennemi se produirait. Les
Américains ont, eux aussi, étudié la manière d’obtenir un résultat aussi « heureux » que
dans le cas des tempêtes de feu comme celle qui a ravagé Hambourg. De plus, les
Américains ont manifestement poursuivi contre le Japon une guerre aérienne qui visait
précisément les villes. Les États-Unis ont choisi des armes – les bombes incendiaires –
conçues pour dévaster complètement des zones urbaines, en sachant que des monuments
civils et artistiques seraient forcément détruits au cours de telles attaques.
La question de l’efficacité a été soulevée par les célèbres résultats d’un rapport sur
les bombardements stratégiques américains, le United States Strategic Bombing Survey.
Les auteurs (John Kenneth Galbraith, en particulier) estimaient que les bombardements
stratégiques avaient eu un impact bien moindre qu’on ne l’avait prétendu. Selon le
rapport, la production industrielle allemande avait continué de croître jusqu’à l’automne
1944, les voies ferrées et mêmes les usines avaient été rapidement réparées, et le moral de
la population n’avait pas été sérieusement affecté. Les conclusions du rapport ont été
longtemps acceptées, et elles ont été utilisées par ceux qui, aux États-Unis mêmes,
s’opposaient aux bombardements massifs du Nord Vietnam initiés par les Présidents
Johnson et Nixon. D’autres évaluations plus récentes de ce rapport, comme celle de
Richard Overy, contestent la manière dont l’efficacité de la guerre aérienne y est
contestée. Selon R. Overy, les attaques lancées par les Alliés ont bien enclenché
l’effondrement industriel du IIIe Reich, notamment lorsque les bombardements visaient
essentiellement des cibles industrielles stratégiques. L’Allemagne avait besoin d’huile
synthétique (produite par hydrogénation du charbon) pour couvrir les trois quarts de sa
consommation : l’offensive menée de mai à septembre 1944 a coûté à l’Allemagne 90
pour cent de sa production d’huile synthétique8. En empêchant le transport du carburant,
la destruction des voies ferrées a limité l’utilisation des moyens de défense allemands :
les bombardements alliés en ont été d’autant plus efficaces, davantage de stocks de
carburant ont été détruits, etc., etc. Comment aurait évolué la production allemande si les
bombardements alliés n’avaient pas eu lieu ? Il est impossible de le savoir précisément.
Toutefois, la production allemande n’a commencé à baisser qu’au deuxième semestre de
1944, et il est admis qu’une partie de ce déclin est survenu après que les troupes
soviétiques se soient finalement rendues maîtres des gisements de pétrole roumains, et
alors que le Reich livrait d’énormes batailles sur deux fronts.
Il n’en demeure pas moins que l’argument selon lequel les bombardements ont été
contreproductifs (idée défendue par certains de leurs critiques) paraît aussi simpliste que
son contraire, à savoir que les bombardements auraient pu, à eux seuls, venir à bout du
IIIe Reich (comme le soutenait le général Harris). Intuitivement, il ne paraît pas illogique
de penser que les attaques continues et massives lancées contre un pays densément
peuplé ont eu de lourdes répercussions sur les transports et la production, tout en épuisant
les ouvriers qui passaient leurs nuits à chercher à se mettre à l’abri des bombes. Certes,
cette stratégie était coûteuse : il n’était pas facile de remplacer les pilotes, et 140 000
Britanniques et Américains sont morts lors de ces opérations, qui ont en outre entraîné la
8 Les divers éléments du Strategic Bombing Survey américain ont été disponibles dès octobre 1945; voir
John K. Galbraith, A Life in Our Times : Memoirs, Houghton Mifflin (Boston, 1981) et Richard Overy,
Why the Allies Won, Norton (New York, 1995), pp. 230 à 232.
perte de 21 000 avions. Cette stratégie a également eu un coût dans le Pacifique. Il est
vrai que les pilotes de bombardiers ont été moins nombreux à trouver la mort lors de
combats contre les défenseurs japonais (le Japon étant largement dépourvu de moyens de
défense); par contre, le bilan fut lourd en termes de vies humaines et d’efforts nécessaires
pour capturer les lointaines bases insulaires à partir desquelles les avions pouvaient
atteindre les principales îles de l’archipel nippon. Cela étant, les bombardements
effectués avec des appareils plus légers ont été terriblement meurtriers, avant même que
les Américains aient lâché leurs deux bombes atomiques.
Peut-être est-il utile de faire ici la part entre les arguments en faveur des
bombardements tels qu’ils ont été avancés avant le Débarquement allié, puis après
laguerre. Entre 1940 et 1942, la Grande-Bretagne a été incapable de faire intervenir une
contre-force en dehors de l’Afrique du Nord, sauf dans les airs. La « nécessité » militaire
reste en général un facteur très subjectif. Pourtant, Churchill estimait (à raison, je crois)
qu’il était important pour son pays d’infliger des dommages à l’ennemi au moment où il
avait dû quitter le continent, où ses troupes déployées en Afrique étaient en difficulté et
où il était (jusqu’en juin 1941) sans allié de poids. Après l’entrée en guerre de la Russie,
les bombardements ont permis aux Britanniques de prétendre qu’ils apportaient, eux
aussi, une contribution positive à la défaite de Hitler. Comme le relève R. Overy,
toutefois, le recours de Churchill aux bombardements en 1942 a été provoqué par les
propos de Staline qui raillait le peu d’empressement des Alliés à ouvrir un deuxième
front; de plus, cette option fut prise alors que les bombardements apparaissaient comme
une regrettable diversion des forces aériennes, qui auraient pu être plus utiles ailleurs9. Il
est également fort probable que Dresde ait été attaquée en grande partie parce que les
Soviétiques s’étaient plaints de ce que la Grande-Bretagne et les États-Unis ne partagent
pas équitablement, au cours de l’hiver 1945, le fardeau que représentaient les futures
batailles terrestres sur le territoire allemand.
Dans les premiers jours, cependant, les arguments en faveur des bombardements
n’ont pas été officiellement développés en termes de morale et de vengeance. Ils
suivaient le cours, plus tortueux, des raisonnements relatifs à l’ampleur des pertes civiles
qui serait acceptable pour anéantir l’industrie de guerre allemande. Bien que Harris,
comme d’autres, aient estimé que la terreur en tant que telle était acceptable (puisqu’elle
devait nécessairement affaiblir la volonté de l’ennemi), les Alliés n’ont jamais admis
officiellement une telle justification. Cela dit, les premières notions de dommages
collatéraux se sont elles-mêmes montrées assez élastiques (toute capacité industrielle ou
de transport étant considérée comme contribuant à l’effort de guerre allemand et
japonais). Jusqu’à quel point la dévastation était-elle acceptable ? En dirigeant des
attaques incendiaires contre Sodome et Gomorrhe, Dieu lui-même avait accepté qu’il y
ait des victimes innocentes. Une fois le cours du courant changé, la violence était
enracinée, et la capacité d’infliger des dommages – des dommages largement
indiscriminés – avait été considérablement renforcée. Seuls Hitler et Goebbels ont été
assez francs pour déclarer que les V-1 et V-2 utilisés dans des phases ultérieures de la
guerre avaient été effectivement conçus pour semer la terreur (d’où la présence de
l’initiale V pour « Vergeltung », qui signifie « représailles » ou « vengeance »). Ces
armes ne leur ont toutefois pas permis de remporter cette bataille.
9 R. Overy, op. cit. (note 8), pp. 103 et 104.
Le débat allemand et la question des tabous
Il apparaît rétrospectivement que l’élément le plus frappant des discussions suscitées par
ces questions en Allemagne après la guerre réside dans l’absence relative de reproches
politiques (exception faite des critiques émanant des milieux d’extrême droite) et cela,
tout au moins, jusqu’à ces quelques dernières années. Malgré tous les reproches
implicites contenus dans le débat sur le bombardement de cette ville, Dresde n’est jamais
devenue un autre Hiroshima. Bien sûr, le nombre de morts (malgré l’inflation due à la
propagande) n’a pas été aussi considérable : 35 000, et non 70 000 ou même un million
de victimes10. Il n’est pas difficile de comprendre les raisons de ce phénomène : après la
guerre, pour assurer sa sécurité contre l’alliance des forces du Pacte de Varsovie,
l’Allemagne de l’Ouest est restée dépendante des Britanniques et des Américains. De
plus, pour de nombreux « bons » Allemands de l’après-guerre, le fait de vouloir aborder
le thème des souffrances endurées par les Allemands semblait avoir des relents de
politiques néo-nazies. Il pouvait être acceptable que les Japonais jouent le rôle de
victimes uniques à cause de la bombe atomique, cette arme aussi nouvelle que terrible; de
fait, même les Japonais n’ont pas insisté sur les attaques aériennes classiques, aux effets
tout aussi dévastateurs, lancées sur Tokyo en avril 1945.
Pourtant, le débat a été relancé il y a quelques années et ce, dans deux directions
distinctes. Tout d’abord, la question des victimes allemandes est réapparue avec le plus
d’éclat dans un ouvrage de Jörg Friedrich intitulé « Der Brand : Deutschland im
Bombenkrieg 1940-1945 » (L’incendie : l’Allemagne dans la guerre des bombes 1940-
1945). Ce livre est paru à un moment où de nombreux auteurs commençaient à poser des
questions sur les souffrances des Allemands pendant la guerre. La culture allemande de
l’après-guerre avait-elle « réprimé » tout véritable débat sur le statut des Allemands en
tant que victimes ? Cet argument a été notamment avancé par feu W. G. Sebald,
spécialiste de littérature et romancier, dans des conférences présentées à Zurich et dont le
texte a été publié sous le titre « Air War and Literature » (Guerre aérienne et littérature).
Dans le même contexte, Günter Grass a publié son roman « Im Krebsgang » (En Crabe)
qui raconte, par touches successives, l’histoire d’un paquebot allemand coulé dans la mer
10 L’estimation du nombre de personnes tuées à Dresde a rapidement provoqué une controverse politique.
Le chiffre de 100 000 morts a d’abord été donné; de 135 000, il est ensuite passé graduellement à 250 000,
bilan jugé crédible par David Irving dans The Destruction of Dresden (1963), cet auteur semblant
finalement opter pour un total de 100 000 morts. Le régime communiste avait tout intérêt à accepter un
décompte aussi approximatif, mais le nombre de morts a été révisé à la baisse à la suite d’estimations plus
rigoureuses. La plaque posée au temps de l’Allemagne de l’Est à l’entrée du Zwinger, l’un des trésors
architecturaux de Dresde, continue de témoigner de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Elle
mentionne la « destruction du centre de la ville de Dresde » par les forces aériennes anglo-américaines en
février 1945, la « libération » de Dresde, lorsque les armées de l’Union soviétique ont vaincu les fascistes
en mai 1945 et, enfin, la reconstruction de ce chef-d’oeuvre de l’art baroque par l’État allemand des
ouvriers et des paysans. La première réévaluation érudite du nombre de victimes du bombardement de
Dresde figure dans l’ouvrage de Götz Bergander, Der Luftkrieg in Dresden (1977), l’auteur citant le chiffre
de 40 000 morts. L’évaluation la plus récente (entre 25 et 40 000 morts) est donnée par Frederick Taylor,
Dresden : Tuesday, February 13, 1945 (Harper Collins, New York, 2004), l’auteur s’interrogeant par
ailleurs sur la manière dont le nombre de victimes a été grossi (pp. 443 à 448). À propos de Hambourg, voir
le récit réaliste de Martin Caidin, The Night Hamburg Died, Ballantine (New York, 1960).
Baltique alors qu’il évacuait 9 000 réfugiés fuyant l’invasion soviétique11. Aucun de ces
auteurs ne saurait être soupçonné de sympathies néo-nazies. Friedrich a écrit sur les
crimes de guerre perpétrés par des Allemands. Grass, gauchiste rebelle, a pour thème
préféré la souffrance ou la survie des gens ordinaires pris dans la tourmente d’une histoire
allemande à laquelle ils auraient peut-être dû résister plus tôt, mais ont omis de le faire.
W. G. Sebald a écrit des histoires mélancoliques de réfugiés juifs allemands et de leur
incapacité, dans leur vie ultérieure, à surmonter l’impact des persécutions.
Manifestement, tous ces auteurs ont été émus par le nombre considérable de victimes (un
demi million de morts pendant la guerre aérienne; 9 000 passagers du paquebot maudit)
et avaient besoin de permettre aux morts de finalement « s’exprimer »…
Dans son ouvrage, Jörg Friedrich tente, en multipliant les détails, de décrire la
guerre aérienne du point de vue de ceux qui ont été bombardés. Ce faisant, il a brisé un
tabou virtuel qui interdisait toute discussion portant sur les quelque 500 000 civils
allemands victimes des raids aériens anglo-américains entre 1940 et 1945 ainsi que sur la
destruction des villes et des trésors culturels. Nous devons considérer séparément le livre
de Friedrich et le problème (ou les problèmes) qu’il soulève. Dans le passage le plus
émouvant de son récit, Friedrich souligne l’horreur des bombes incendiaires : les victimes
mouraient brûlées dans l’asphalte en fusion, incinérées dans des caves ou asphyxiées par
le monoxyde de carbone et le manque d’oxygène. L’auteur multiplie les récits montrant
les effets des gros engins explosifs et de l’effet de souffle sur le corps humain; il relève
l’importance des systèmes de guidage et de marquage des cibles à l’aide de fusées
éclairantes. Larguées par milliers, les bombes incendiaires ont été les véritables
« vedettes » de la technologie. Les flammes transperçaient les toits des monuments
gothiques ou Renaissance comme ceux des habitations privées. Jörg Friedrich décrit les
restes ratatinés ou carbonisés des victimes, transportés dans des paniers pour être
inhumés; il rappelle la destruction des familles, les efforts de la défense civile et la
dispersion des enfants (mesure haïe par la population). Il relève que les destructions ont
été aussi nombreuses pendant la dernière année de la guerre que pendant toute la période
précédente : les raids dévastateurs ont frappé alors non seulement les voies ferrées mais
aussi, à nouveau, certaines villes déjà bombardées plusieurs fois auparavant – et même
certaines villes, comme Dresde, Würzburg et Potsdam, apparemment détruites pour une
seule raison : avoir, jusque là, été épargnées.
Bien que Jörg Friedrich évoque essentiellement les bombardements britanniques,
les lecteurs américains se souviendront des terribles récits relatant le raid lancé sur Tokyo
dans la nuit du 9 au 10 mars 1945; ils se souviendront aussi du bilan humain, parfois plus
lourd encore, des opérations de nos B-29 qui, dès novembre 1944, survolaient
(apparemment sans rencontrer d’opposition) les villes japonaises et larguaient leurs
bombes incendiaires sur des maisons en bois. Billy Mitchell, le pionnier américain du
bombardement naval, avait anticipé cela dès les années 1920, en qualifiant les villes
11Jörg Friedrich, Der Brand : Deutschland im Bombenkrieg 1940-1945, Propyläen Verlag (Munich, 2002),
à paraître prochainement en anglais (Columbia University Press); W. G. Sebald, « Air War and Literature »
(« Luftkrieg und Literatur », 2001), inclus dans son ouvrage On the Natural History of Destruction,
traductions d’Anthea Bell, Random House (New York, 2003); Günter Grass, Im Krebsgang, Steidl
(Göttingen, 2002).
japonaises de « plus formidables cibles aériennes jamais rencontrées dans le
monde12… ».
L’ouvrage de Jörg Friedrich a choqué beaucoup d’Allemands (et, à fortiori, un
plus grand nombre encore de lecteurs anglais ou américains) en raison du langage
provocateur, évoquant la rhétorique utilisée au sujet de la « solution finale », y compris la
terminologie de l’Holocauste13. Je m’interroge cependant : en incriminant le langage de
cet ouvrage, certes chargé en émotion, les lecteurs anglo-américains que nous sommes
(pour qui la Seconde Guerre mondiale reste avant tout la cause militaire la plus juste), ne
tentent-ils pas d’esquiver les questions soulevées ? (Les lecteurs allemands qui redoutent
le caractère apologétique implicite de l’ouvrage pouvant d’ailleurs en faire de même !)
Oui, les images que Friedrich emploie sont celles-là mêmes que nous associons
habituellement à la littérature de l’Holocauste … mais des enfants et des adultes sont
effectivement morts incinérés. Le caractère fastidieux du discours ne devrait pas servir de
mécanisme de défense pour se protéger contre les failles qui sont documentées.
La thèse de W. G. Sebald qui évoque la répression littéraire est, elle aussi,
émaillée d’erreurs. Dans les premières années de l’après-guerre (comme le montre la
collection Volker Hage), des récits allemands des bombardements et des destructions
12 Cité dans Richard Rhodes, Downfall: The End of the Imperial Japanese Empire, Random House (New
York, 1999), p. 48 (Traduction CICR).
13 Voir les excellentes recensions rédigées pour H-German (forum de discussion sur Internet) par Joerg
Arnold (3 novembre 2003) et Douglas Pfeiffer (4 novembre 2003) : ces articles traitent de manière
appropriée, je crois, les forces et les faiblesses de ces travaux, Pfeiffer mettant davantage l’accent sur les
questions militaires et politiques, Arnold sur les problèmes d’ordre moral et conceptuel. D’autres critiques
ont également relevé les déficiences de l’ouvrage de Friedrich en tant que source érudite. On se reportera,
par exemple, à la liste d’erreurs relevées par Horst Boogs dans sa contribution à l’ouvrage collectif Ein
Volk von Opfern ? Die neue Debatte um den Bombenkrieg 1940-45 (Rowohlt, Berlin, 2003).
Manifestement, dans ce débat, nombre de questions déclenchent une polémique. Les questions relevant le
plus d’un certain « esprit de clocher » concernent les historiens en tant que tels. Tout d’abord, jusqu’à quel
point un historien peut-il se borner à relater ou à disséquer des positions divergentes sans faire intervenir
son propre jugement moral ? Deuxièmement, quelle sorte de rhétorique est-elle légitime dans un récit
historique ? Si un vocabulaire particulier en vient à être associé avec ce que l’on admet relever de la plus
abominable atrocité (comme, par exemple, le langage aseptisé utilisé par les Nazis dans leur mise en oeuvre
de la « solution finale »), est-il illégitime d’appliquer ce langage à d’autres situations ? Le « manque de
goût » constitue-t-il une catégorie à retenir pour qualifier les écrits historiques ? En fait, Saul Friedlaender a
tenté d’aborder cette question sous l’angle inverse quand il a, en analysant le kitsch nazi, tenté délibérément
de dégager les dimensions esthétiques du fascisme et du nazisme (voir Reflections of Nazism : An Essay on
Kitsch and Death, Harper & Row, New York, 1984). Nous connaissons le phénomène à travers des films
tels que ceux de Hans-Jürgen Syberberg (Hitler : Ein Film aus Deutschland, 1977) et de Liliana Cavani
(Portier de nuit, 1974) ou des romans comme celui de Michel Tournier, Le Roi des aulnes, 1970 (paru aux
États-Unis sous le titre The Ogre). Dans son ouvrage, Friedrich prétend que l’historien ne peut pas se
contenter d’une histoire basée sur l’expérience vécue, aussi important qu’il puisse être de relater cette
expérience. La télévision, le cinéma et l’intérêt manifesté par la société à l’égard du témoignage des
victimes nous ont conduits à penser que l’histoire est stérile sans l’évocation de l’expérience. Or, l’histoire
ne peut pas être simplement une « excavation » de l’expérience – vieilles photos, chansons tristes, extraits
de journaux intimes, et autres reliques du passé. N’utiliser que ces vestiges équivaudrait à créer une
pathétique illusion trompeuse. Il convient – et je pense même qu’il est souvent de notre devoir – de
transmettre des témoignages. Néanmoins, rendre justice aux témoins et écrire l’histoire sont deux choses
bien différentes. Peut-être est-ce le début, ou la fin, de la réflexion historique, mais ce sont là deux types
d’exercice distincts. Peut-être ne peut-il y avoir d’histoire sans mémoire, mais il ne peut pas non plus
exister d’histoire qui ne discipline pas la mémoire.
urbaines ont effectivement été publiés14. Toutefois, ni articles ni romans importants ne
sont venus appuyer ces récits. Aucun dialogue allemand n’a pris forme autour de ces
questions; il en est allé autrement – à l’initiative des Allemands eux-mêmes – en ce qui
concerne leurs propres crimes de guerre et de génocide. Comme le relève justement
Pfeiffer, ces derniers thèmes ont nourri une littérature abondante, bien que souvent
spécialisée. C’est, semble-t-il, plutôt qu’un tabou absolu, une inhibition qui a empêché de
produire ou de citer du matériel concernant les souffrances des Allemands en tant que
telles. Plusieurs rapports ont pourtant été consacrés à la guerre aérienne : certains ont été
rédigés par les vainqueurs, d’autres sont le fruit des importants travaux de recherche
menés au centre d’histoire militaire de l’université de Fribourg15. Il est cependant rare
que de tels travaux s’attardent sur l’expérience des victimes des bombardements. Certains
commentateurs se sont également demandés pourquoi des Allemands non néo-nazis
n’avaient pas pu écrire plus tôt cette histoire de manière aussi graphique, ou se permettre
d’en débattre plus ouvertement. La réponse proposée par Hans Ulrich Wehler et d’autres
est la suivante : les Allemands avaient profondément conscience du fait que leur régime
portait la responsabilité de la guerre et avait tué beaucoup plus de gens, en commettant
des meurtres patents, caractérisés par le fait qu’absolument chaque mort infligée avait été
intentionnelle. Certains Allemands, je pense, ont gardé le silence non pas simplement
parce qu’ils ne pouvaient pas se réconcilier eux-mêmes avec cette réalité, mais parce
qu’ils comprenaient bel et bien où avait commencé la chaîne de cette guerre si meurtrière.
« [En tant que jeunes survivants, nous n’avons fait] aucun serment de revanche contre les
pilotes des bombardiers. D’une certaine manière, nous éprouvions à leur égard un certain
sentiment de solidarité; ils avaient cherché à détruire ce système que nous-mêmes […]
nous avions mis en place, mais que nous n’avions pas eu la force de renverser, » écrit
Peter Wapnewski16. Même Jörg Friedrich, pourtant révolté par les souffrances infligées
aux Allemands, concède que : « La destruction des villes a contribué à l’élimination de
Himmler et de ses partisans, qui avaient pris en otages ces lieux, cette histoire et cette
humanité, l’Allemagne et l’Europe tout entières. » Mais c’est aussi l’Allemagne qui avait
pris ces otages, « ...par voie de violence ou d’adhésion, par colère, équanimité ou
impuissance. Penser que l’Allemagne aurait pu être différente, n’est rien d’autre qu’une
hypothèse, un exercice théorique ». Friedrich relève cependant qu’il serait tout aussi
14 Volker Hage, Zeugen der Zerstoerung : Die Literaten und der Luftkrieg, S. Fischer (Francfort, 2003).
Parmi d’autres récits figurent : Gerd Ledig, Vergeltung (1956), paru en anglais sous le titre Payback
(traduction de Shaun Whiteside, Granta, Londres, 2003), au sujet duquel un article pour le H-German (voir
note 13, ci-dessus) a été rédigé le 5 novembre 2003 par Julia Torrie; Hans Erich Nossak, Der Untergang
(publié initialement en 1948, réédité par Suhrkamp, Francfort/M, 1976); voir également un article
approfondi de Scott Denham sur H. E. Nossak, également pour le H-German, 7 novembre 2003.
15 Klaus Maier et Horst Boog, in Militärgeschichtliches Forschungsamt (éd.), Das Deutsche Reich und der
Zweite Weltkrieg, Vol. 7; H. Boog et al., Das Deutsche Reich in der Defensive, Deutsche Verlags-Anstalt
(Stuttgart, 2001); Olaf Groehler's Bombenkrieg gegen Deutschland, Akademie Verlag (Berlin, 1990) en ce
qui concerne le point de vue allemand. Pour ce qui est du point de vue anglo-américain, voir Charles
Webster et Noble Frankland, The Strategic Air Offensive against Germany, 1939-1945, 4 volumes, Her
Majesty’s Stationery Office (Londres, 1961); Wesley Frank Craven et James Lea Cate (coordinateurs de la
publication), The Army Air Forces in World War II, 7 volumes (Chicago, 1951); voir également inter alia
Denis Richards, RAF Bomber Command in the Second World War, Penguin (Londres, 1994) et Max
Hastings, Bomber Command, Pan Books (London et Sydney, 1981).
16In Lothar Kettenacker (éd.), Ein Volk von Opfern : Die neue Debatte um den Bombenkrieg 1940-45,
Rowolt (Berlin, 2003), p. 122 (Traduction CICR).
hypothétique de se demander si la conflagration pourrait avoir été inutile : « Fallait-il que
la ville d’Hildesheim soit détruite à cause de sa gare de chemin de fer ? S’agissait-il de la
vraie raison et, de fait, y avait-il vraiment une raison ? Ceux qui ont allumé l’incendie
intentionnellement, mus par la colère, voulaient-ils gagner à tout prix, ou s’agissait-il là
du prix à payer pour leur victoire ? Certainement, c’est là qu’ils voulaient en venir. Si
cela ne représente pas une tragédie dans l’histoire des Alliés, que représente leur succès
total dans l’histoire des Allemands17 ? »
Certains historiens ont jugé que l’ouvrage de Friedrich était simplement
démagogique et inexact. Il s’agit là d’une stratégie de compartimentation, à laquelle je
n’adhère pas. Friedrich soulève des questions graves que nous ne pouvons traiter avec
sérieux si nous nous bornons à critiquer le langage provocateur de l’ouvrage ou son
manque d’équilibre. Friedrich comprend bien qu’après la défaite de 1940, aucun accord
n’ayant pu être trouvé, les Britanniques semblaient n’avoir d’autre choix que de
combattre l’ennemi avec toutes les armes disponibles. La morale, comme le pensait
Churchill, n’exigeait-elle pas d’infliger quelques dommages à un ennemi qui menaçait
d’envahir le pays et transformait Londres en terrain vague ? Tout homme d’État
démocrate résolu à résister n’aurait-il pas adopté cette stratégie ? Il a cependant manqué
ce point à partir duquel la stratégie aurait dû changer – comme Arthur Harris avait
déclaré qu’elle devrait le faire – en passant de l’attaque déterminée de certaines cibles
(voies ferrées ou sites industriels) à des bombardements ayant une toute autre finalité ?
Un tel changement n’est d’ailleurs pas surprenant. Comme Friedrich le comprend bien, la
guerre aérienne est devenue une guerre de Vergeltung, c’est-à-dire de vengeance, dans
laquelle les Britanniques sont allés bien au-delà des destructions qu’ils avaient euxmêmes
subies (de la même manière, la riposte américaine contre le Japon a dépassé de
beaucoup les pertes subies à Pearl Harbour, si souvent citées comme justification). La
guerre aérienne a résulté tout autant d’un esprit de vengeance que d’une stratégie. Quoi
qu’en dise Peter Wapnewski, de nombreux Allemands ont attendu avec impatience les
armes « V », promises par Goebbels, qui devaient permettre d’exercer des représailles.
L’objet de la controverse n’est pas seulement le succès militaire. Comme je l’ai
mentionné plus haut, la critique de l’efficacité des bombardements contenue dans le
rapport sur les bombardements stratégiques américains ne paraît plus défendable. Dès
l’été et l’automne 1944, la machine de guerre allemande avait été largement neutralisée.
Les défenses aériennes perdaient de leur puissance et la production commençait à baisser
fortement. Assurément, disent les historiens qui les défendent, les bombardements
avaient précipité cet effondrement, avec les tonnes d’explosifs déversées sur le pays. À
cela, les critiques peuvent répondre de deux façons : d’une part, d’autres facteurs (et
notamment des revers militaires sur le terrain) ont joué un rôle déterminant; d’autre part,
alors que ce qu’ils nommaient « bombardements de précision » manquaient justement de
précision, les Alliés n’avaient pas à bombarder les villes de manière si indiscriminée.
J’estime personnellement qu’un autre succès peut être porté au crédit des
bombardements. La démonstration de l’impuissance de la défense nazie explique en effet
en partie qu’il n’y ait eu, après la Seconde Guerre mondiale, aucun mouvement
revanchiste réel, aucun nationalisme qui se serait rebellé. Là encore, cependant, une
défaite sans immolations aurait pu ouvrir la voie au même succès après la guerre. Non, la
question tient vraiment au prix du succès : elle demeure au centre des discussions, et elle
17 J. Friedrich, op. cit. (note 11), pp. 217 et 218 (Traduction CICR).
doit continuer à être débattue tant par les historiens que par tous ceux qui ont été
directement impliqués.
La non-existence d’un débat anglo-américain et la question des
représailles
Ce qui me frappe, à propos de ces débats c’est tout d’abord leur peu de retentissement en
Allemagne. Jusqu’ici, et malgré tout ce que l’on entend à propos de la propension
allemande à la victimisation, la question des bombardements n’a jamais été un thème
politique important ou vivement débattu. Elle n’a provoqué dans le public ni sympathie ni
prise de conscience semblables à celles que la bombe d’Hiroshima a fait naître au Japon.
La culture civique allemande a abandonné l’attitude tu quoque qu’elle avait encore
largement conservée tout au long des années 1950. Oui, pendant longtemps, les récits de
victimes sont restés nombreux – spécialement parmi les réfugiés venus de Prusse
orientale, des territoires passés sous le contrôle de la Pologne après 1945, ainsi que de la
région des Sudètes. L’ouvrage de Friedrich peut être vu comme une continuation de cette
tendance à avoir pitié de soi et, souvent, de l’apologie émanant des milieux de droite. En
fait, les étrangers sont enclins à écouter ces plaintes avec une sympathie qui était exclue
en Allemagne jusqu’à ces tout derniers temps, sauf du côté de l’extrême droite. Les
regrets exprimés par Vaclav Havel à propos de l’expulsion des Allemands des Sudètes
ont illustré cela de manière frappante. Cela dit, ni le livre de Friedrich ni les séries
d’articles et de commentaires parus dans la presse à son sujet n’ont débouché sur une
tentative importante d’introduire l’idée d’une équivalence, sur le plan moral, entre les
crimes de guerre allemands et les bombardements alliés. Je pense que cette réticence est
due à une reconnaissance profonde du fait que l’on ne peut pas se livrer à une sorte de
comptabilité morale, mettant en regard une série d’atrocités et ce qui pourrait être
considéré comme en en constituant une autre. La récente célébration, le 8 mai 2005, de la
Journée de la Victoire en Europe démontre de manière plus éclatante encore que les
Allemands souhaitent éviter toute exploitation politique de la question de la guerre
aérienne. Il y a quelques années, ils avaient souvent tendance à dire que leur pays ne
pouvait pas célébrer le 8 mai en tant que Journée de la libération, car cette date était aussi
celle d’une défaite nationale catastrophique. Dernièrement, lors de cette commémoration,
à Moscou et ailleurs, leur position avait complètement changé : les Allemands y ont
participé comme des Allemands qui pouvaient accepter sans réserves les résultats du 8
mai 1945. La culture politique qui permet de surmonter de cette façon un sentiment
national conventionnel n’est pas de nature à appuyer les courants sous-jacents qui
parcourent l’oeuvre de Friedrich. Jürgen Habermas pourrait être fier : le patriotisme
constitutionnel prévaut même dans l’Allemagne réunifiée.
Un autre fait me paraît cependant tout aussi digne d’intérêt : l’absence de débats
aux États-Unis, sinon en Grande-Bretagne. La culture politique américaine permet, je
crois, un examen beaucoup moins tolérant (à ce stade, tout au moins) des erreurs
commises au début de la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que les Américains ont
entamé une expiation nationale de plusieurs événements concernant les Indiens,
l’esclavage, le lynchage et la ségrégation des Afro-américains ainsi que l’internement,
pendant la Seconde Guerre mondiale, des Américains d’origine japonaise de la Côte
Ouest. Par contre, le souvenir de la « bonne guerre » est encore trop frais dans leur
mémoire, ou reste une perception encore trop nécessaire pour faire l’objet d’un même
examen hautement émotionnel. La vive polémique suscitée en 1955 par l’exposition sur
le bombardier « Enola Gay » (aussi imparfait qu’ait pu être le matériel explicatif) a
montré la grande résistance du public à ce type d’examen18. On peut débattre de
Hiroshima et de Nagasaki, mais la guerre aérienne conventionnelle reste au-delà de toute
réévaluation populaire d’envergure. Les histoires récentes des pilotes de bombardier
américains – spécialement le récit de Stephen Ambrose sur les raids des B-24 Liberator –
sont coulées dans le moule héroïque. Intitulé « Wings of Morning » (Les ailes du matin),
le récit émouvant de Thomas Childers (dont, de toute évidence, Ambrose s’est inspiré,
bien qu’il ne l’ait jamais reconnu) raconte la guerre de son oncle, pilote de B-24. Thomas
Childers ne cherche pas non plus à mettre en question le bien fondé des raids de
bombardement jusqu’à et y compris avril 194519. Il a cependant explicitement écrit un
livre sur une expérience subjective – l’expérience très dangereuse que des Américains
ordinaires ont vécue en exécutant les ordres reçus – et il a promis d’écrire un second
volume sur l’expérience de la guerre vécue « au sol ». Personne, toutefois, n’a encore
suggéré que si les soldats américains sont censés résister à des ordres immoraux, ou si les
commandants peuvent être sanctionnés pour avoir donné de tels ordres, tout aspect de la
guerre aérienne devrait relever de cette catégorie morale.
Les débats engagés sur la guerre aérienne – tant parmi les Allemands que parmi
les Britanniques et les Américains – révèlent en fait qu’en grande partie, la discussion sur
la légitimité des bombardements aériens massifs, ou sur leur justification au nom de la
« juste guerre », était hors sujet. Dans les grandes guerres nationales, même lorsque les
sociétés étaient contrôlées par un régime totalitaire et que l’on estimait que les citoyens
ne pouvaient avoir aucune influence sur leurs dirigeants, les représailles ont été
acceptées. Comme l’a écrit en 1942 un parlementaire britannique, membre du Parti
libéral, « je suis pour le bombardement des quartiers des villes allemandes où vit la classe
ouvrière. Je suis un disciple de Cromwell. Je crois comme lui qu’il faut ‘tuer au nom de
Dieu’, car l’on ne pourra pas faire comprendre les horreurs de la guerre à la population
civile allemande avant qu’elle-même les ait connues20 ». Bien sûr, parler de
bombardements « à but pédagogique » ne signifie pas qu’une telle leçon puisse être
infligée à des enfants de cinq ans. Ce sont les parents allemands qui devaient recevoir une
leçon en voyant mourir leurs jeunes enfants innocents. Sans aller jusqu’à défendre un tel
degré de colère vertueuse, nous sommes enclins à accepter l’idée de représailles. La
menace de représailles est certainement devenue acceptable pendant la Guerre froide,
lorsque des opérations massives de vengeance étaient conditionnées par la « dissuasion
…/ la destruction mutuelle assurée ». La stratégie « de seconde frappe » (ou de missiles
pointés sur les grandes villes ennemies) a été largement acceptée jusqu’aux années 1980,
lorsque le consensus sur la dissuasion nucléaire a commencé à se dissiper.
18 Voir Philip Nobile (éd.), Judgment at the Smithsonian: Smithsonian Script by the Curators at the
National Air and Space Museum, Marlowe & Company (New York, 1995). La postface de Barton J.
Bernstein offre une bonne synthèse des débats qui ont eu lieu depuis 1945.
19 Thomas Childers, Wings of Morning : The Story of the Last American Bomber Shot down over Germany
in World War II, Addison Wesley (Reading, MA, 1995); Stephen E. Ambrose, The Wild Blue : The Men
and Boys who Flew the B-24s over Germany, Simon & Schuster (New York, 2001).
20 Geoffrey Shakespeare à Archibald Sinclair, cité par M. Hastings, op. cit. (note 15), p. 147 (Traduction
CICR).
Cela étant, la plupart d’entre nous estiment que de telles représailles doivent être
menées de manière aléatoire. Il reste inacceptable de prendre individuellement pour
cibles des civils. Ce qui est acceptable, ce sont des représailles menées avec la certitude
statistique qu’un pourcentage donné de civils trouvera la mort. En fin d’analyse, ceux
d’entre nous qui seraient prêts à accepter la guerre aérienne disent que, dans certaines
conditions, il peut être nécessaire de brûler des bébés. Même si des enfants ne sont pas
explicitement pris pour cibles, nous connaissons tous assez bien les statistiques pour
savoir que notre choix (influencé par l’histoire) sera de tuer ceux dont aucune théorie
d’une société en guerre ne peut plausiblement prétendre qu’ils ont opté pour la guerre.
« La vengeance m’appartient » aurait déclaré Dieu. La vengeance, cependant, nous
appartient aussi – y compris la mort de civils aussi longtemps que les victimes ne sont pas
personnellement désignées. Cela reste curieux. Pourquoi est-il plus acceptable que, par
exemple, cinq pour cent de la population d’une ville comptant un demi million
d’habitants soient tués (soit 25 000 personnes) pour autant que l’on ne précise pas de
quels cinq pour cent il s’agit, alors que le fait de fusiller sur le champ 50 otages est
inacceptable ? Il en est pourtant ainsi. La question n’est pas vraiment celle du caractère
aléatoire des attaques : le terroriste qui s’apprête à frapper ignore quels adolescents se
trouvent par exemple dans tel café de Jérusalem, ou qui se trouvera déjà sur son lieu de
travail au World Trade Centre. Le terroriste inflige la mort comme s’il s’agissait d’une
loterie. La distance est-elle en question ? Celui qui tue « en gros plan » est-il considéré
comme plus responsable que celui qui sème la mort à distance ? Quelle que soit la source
de ces scrupules, et quelle que soit la cause de la mort (bombardement, blocus, radiations
et ainsi de suite), une mort dont la victime n’est pas désignée est plus acceptable qu’une
mort dont la victime est désignée. Est-il éthiquement plus acceptable de traiter la vie et la
mort comme s’il s’agissait d’une loterie que d’infliger la mort à des groupes désignés de
personnes ? Et pourquoi est-il plus acceptable d’excuser, en tant que moyen de guerre, le
bombardement massif de villes et de cités en ayant la certitude statistique de tuer des
victimes innocentes, et de condamner le terrorisme qui tue délibérément des civils
innocents, traités comme de simples pions dans une réponse politique ?
Deux réponses sont possibles, mais aucune n’est très satisfaisante. La première est
que le terrorisme a spécifiquement pour but de tuer des innocents; lors des
bombardements de villes, la mort de civils est simplement acceptée. L’historien, bien sûr,
n’est pas un éthicien. Mais jusqu’à quel point une telle distinction est-elle valable ? La
seconde réponse possible, c’est que les régimes malveillants gardent leurs propres
citoyens en otages et sont responsables de la mort d’« innocents », comme le sont ceux
qui s’efforcent d’abattre de tels régimes. Les Allemands ont commencé la guerre, ou
plutôt, leur Führer l’a fait. Bon, cela sonne bien, mais ne diminue en rien la complicité de
ceux qui ont largué des bombes sur leur pays. À quel âge devenait-on nazi ou même
sympathisant ? Certainement pas avant d’avoir 4 ans, 5 ans, 6 ans, ou…ou…Les lecteurs
attendent des historiens (à juste titre, je pense) qu’ils assument une responsabilité
« secondaire » lorsqu’il s’agit d’approuver ou de désapprouver les décisions de ceux qui
ont eu des choix difficiles à faire. Dire que l’ouvrage de Friedrich est affaibli par un
manque d’équilibre ou le caractère provocateur du langage utilisé ne suffit pas à nous
tirer d’affaire. En tant que bons libéraux, nous pourrions plausiblement prétendre que nos
hommes d’État et nos pilotes pourraient avoir tué moins de bébés ou de non-combattants
(c’est probablement ce que pensent la plupart d’entre nous après avoir lu l’ouvrage de
Friedrich). Pourtant, je me trouve finalement contraint d’affronter des inconsistances et
des croyances que j’aurais préférées éviter d’affronter. Les préceptes du jus in bello
restent, au mieux, des principes directeurs asymptotiques, jamais complètement
respectés, souvent enfreints en toute hypocrisie. Mais avons-nous d’autres choix ?
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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 59  Nouveau message de McArthur  Nouveau message 14 Jan 2009, 19:25

Personnellement j'estime que ces bombardements qui firent plus de morts qu'Hiroshima et Nagasaki réunis étaient parfaitement inutiles et relevaient plus d'un geste vengeur de la part des Britanniques qui influencèrent les Américains pour utiliser la grosse artillerie. Fallait-il "engluer" les habitants de Hambourg et de Dresden dans le bithume des rues alors que le moral de la population était déjà au plus bas ? Comme PATTON le disait, les alliés s'étaient trompés d'ennemi ! Il fallait conquérir au pas de charge l'Allemagne avant que les Soviétiques y entrent et condamner les véritables coupables (bien qu'à l'heure actuelle HITLER ne serait pas condamner au TPI car il n'a jamais donné d'ordre écrit pour la Solution finale). Ainsi l'Europe n'aurait pas connu la Guerre froide et le communisme aurait disparu 20 ans plus tôt !
Qu'en pensez-vous ?


 

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Re: Les bombardements alliés et leur utilité

Nouveau message Post Numéro: 60  Nouveau message de danny117ca  Nouveau message 14 Jan 2009, 22:03

J'ai écrit un essay sur les bombardement, et mon "post" est de mémoire.

Les bombardements alliés étaient efficaces, et Robin Neillands le dit dans son livre, "The bomber War."

Oui, il est vrai que les productions des armements allemands prendu de la nombre en 1943~1944, mais ça c'est parce que les allemands faisaient trop peu des armements en 1939~1942. Il avait de la place à grandir.

Mais les numbres des armements fabriqué en 1944 (l'ans quand le Reich a fabriqué le plus armements) était moins de les chiffres des armements que les Allemand fabriqué chaque année pendant le Première Guerre Mondiale (je n'ai pas sur pour l'an 1914). Les allemends étaient empêché de fabriqué les armaments par les bombardements alliés. Et Albert Speer a dit que les bombardements était un mal de tête pour les dirigeants d'Allemand.

Ces étaient le objectifs pour les bombardements, non?


 

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