A moi l'honneur donc paraît-il, d'autant plus que je ne pourrai être des vôtres ce soir que très fugitivement.
Je me présente pour les non-intimes : unique biographe français de Hitler à mon corps défendant, et, plus récemment, auteur d'une synthèse sur ses relations féminines. Tous détails ici :
http://www.delpla.org
Mes investigations confirment que son grand amour fut sa demi-nièce Geli. Il avait aussi besoin, énormément, de compagnies féminines, simplement pour passer du temps avec elles : Eva était l'une d'elles depuis 1929 et allait de loin en loin au spectacle avec lui. Le suicide de Geli, le 17 septembre 1931, à l'âge de 23 ans, est dû probablement au fait qu'il ne voulait ni l'épouser, ni la laisser partir. Les sentiments qu'elle lui inspirait contrariaient la "mission" qu'il s'était donnée (en croyant plus ou moins l'avoir reçue de l'au-delà) de conduire le redressement de l'Allemagne au moyen d'une guerre assidûment préparée et impitoyablement conduite.
Sitôt cet obstacle tragiquement levé, on le voit organiser sa vie affective, notamment en mariant des femmes qui se consumaient pour lui, ainsi Magda Behrend avec Goebbels et Henriette Hoffmann avec Baldur von Schirach. Lui-même jette son dévolu sur la pimpante Eva, qui devient sa maîtresse vers le début du printemps 1932.
Elle souffre énormément de ses absences et il s'ensuit deux tentatives de suicide, à l'automne 32 et en mai 35. Puis les choses semblent trouver un équilibre. Eva obtient une maison (à Munich) et un salaire. Elle prend ses quartiers au Berghof quand lui y séjourne. Elle lui offre là ce bain de présences féminines dont il a besoin pour se ressourcer, en devenant l'amie de certaines de ses fréquentations (Sofie Stork, les épouses de Speer, Morell, Brandt...) et amenant ses propres amies. En revanche, elle ne dissimule pas son aversion pour Henriette von Schirach, Magda Goebbels, Leni Riefenstahl...
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ses films (dont Daniel Costelle a récemment tiré la quintessence en m'associant à son travail) et, pour cela, il faut se souvenir que Hitler n'escomptait pas perdre la guerre mais la gagner. Ces prises de vues très professionnelles (elle reçoit les leçons de Walter Frentz, l'un des grands cameramen de l'époque) étaient sans doute appelées à jouer un rôle important dans la propagande après la victoire. Il est permis de penser que le mariage final n'est pas un lot de consolation, mais bien, dans des conditions extrêmes, le résidu de ce qui aurait dû se passer si Churchill n'avait pas enrayé la machine en maintenant l'état de guerre après le triomphe de 1940 : Hitler aurait alors vraisemblablement pris du champ, laissé le quotidien gouvernemental à Göring, dirigé des constructions monumentales avec Speer... et épousé Eva.
Les atrocités ? Hitler en préservait, en général, les femmes -"aryennes" s'entend-, surtout les siennes. Mais Eva était bien placée pour les pressentir et plus d'un indice suggère qu'elle les acceptait. Le journal de Goebbels est venu récemment le confirmer. Le fameux incident du printemps 1943, qui voit Henriette von Schirach reprocher à Hitler le génocide dont elle a vu une manifestation en Hollande, inspire au ministre de la Propagande un commentaire suivant lequel Henriette est une écervelée, tandis qu'il s'émerveille de la maturité politique d'Eva.