Post Numéro: 24 de Nicolas Bernard 15 Sep 2007, 15:48
A dire vrai, le débat me paraît tranché. La délégation des pouvoirs constitutionnels par l'Assemblée (réunissant Sénat et Chambre des Députés) ne portait nulle atteinte aux lois constitutionnelles de 1875, lesquelles n'interdisaient pas au Parlement, pouvoir constituant souverain, d'agir ainsi. En d'autres termes, ce que le souverain a fait, le souverain peut le défaire.
C'est là une vieille théorie, déjà contestée à l'époque, et toujours discutée de nos jours. Selon certains, le pouvoir souverain est lié par certains impératifs constutitutionnels, il ne peut y déroger, alors que selon d'autres, ce même pouvoir est, de par son statut de souverain, insusceptible d'être soumis à quoi que ce soit. En ce qui me concerne, je me range dans la seconde catégorie : l'existence de normes supra-constitutionnelles me paraît relever de la plus dangereuse équivoque, d'une part parce que nul ne sait qui est en mesure de proclamer leur existence et de les définir. En revanche, il me paraît bien plus logique et carré d'affirmer que le pouvoir constituant est à même d'agir comme bon lui semble.
Pour revenir à Vichy, la délégation de pouvoirs ainsi opérée ne valait que s'agissant de l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Telle était la limite des pleins pouvoirs fondés sur cette loi constitutionnelle, qui s'imposait au Maréchal Pétain. Le texte est en effet très clair : le Maréchal n'avait pas été institué pouvoir constituant, mais délégué de ce pouvoir au nom de l'Assemblée. Il avait l'obligation de rédiger une nouvelle Constitution, laquelle devait être ratifiée par la Nation. Pétain s'en est abstenu, la totalité de ses actes est dès lors privée de base légale, et comme pouvait le clamer De Gaulle, et ce d'un point de vue juridique, "Vichy est nul et non avenu".
Voilà pour l'opinion du juriste. A présent, d'un point de vue historique, c'est une autre histoire. Il est bien évident que l'Assemblée a entendu confier les pleins pouvoirs constitutionnels et législatifs à Pétain, comme la suite le démontrera. L'ambiance était propice aux fossoyeurs, d'autant que tous les députés n'étaient pas présents, entre ceux tués, ceux prisonniers à bord du navire Massilia et ceux remplissant encore leurs devoirs militaires, outre que les communistes avaient été exclus du jeu parlementaire.
Qui plus est, la situation de l'année 1940 s'opposait totalement au concept d'une ratification populaire : la France était occupée, divisée en cinq zones, l'exode ayant dispersé plusieurs centaines de milliers de personnes. Par ailleurs, le pouvoir pétainiste bénéficiera d'une ambiguité certaine liée à un fantasmatique double-jeu, auprès de la population. Enfin, l'administration dans son ensemble exécutera sans grand état d'âme les lois promulguées par Pétain. De là à parler de ratification nationale tacite...
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).