Le Bomber Command passe en force Les sites industriels de la vallée de la Ruhr demeuraient des objectifs prioritaires mais la brume et le brouillard recouvraient souvent les usines. Lors de l’Opération Millenium que nous avons évoquée en mai dernier sur Cologne ,l'attaque prit les défenses allemandes à contrepied et la ville subit de lourds dégâts. Les Anglais eux perdirent 41 bombardiers (32 du fait des chasseurs des NJG 1 et NJG 2), soit moins de 4 % des forces engagées.
Il est clair que les Allemands devaient repenser leur stratégie de défense si ce genre d'attaque devait perdurer . La plus grosse perte de cette année sera l'Oberleutnant Reinhold Eckardt, Staffelkapitän de la 7./NJG 3. L'as abattit tour à tour le 30 juillet un Stirling, un Halifax et un Lancaster (ses 20e, 21e et 22e victoires) mais les défenses de ce dernier endommagèrent son Bf 110. Son mitrailleur radio put sauter en parachute mais celui de Eckardt se prend dans la queue de son appareil .
Les escadres nocturnes comptaient maintenant trois à quatre groupes, excepté la NJG 2 (deux groupes) qui se battaient sur les fronts sicilien et africain ; une nouvelle NJG 5 fut également créée dès septembre 1942. À l'automne 1942, l'organisation et le contrôle de la chasse de jour et de nuit furent également regroupés sous une seule entité dirigée par un service commun et fonctionnant 24 h sur 24 h.
La bataille de la RuhrLe début de l'année 1943 fut particulièrement dur pour la Nachtjagd qui perdit au cours du seul mois de février trois de ses plus grands as : le Hauptmann Reinhold Knacke (45 victoires) et Staffelkapitän de la 1./NJG 1 meurt après que son parachute ne se soit pas déployé ; l'Oberleutnant Paul Gildner qui lui succéda (43 victoires dont 41 de nuit) se crache accidentellement à la suite d'une panne de moteur ; enfin l'Oberleutnant Ludwig Becker (44 victoires) chef de la 12./NJG 1 perd la vie lors d'une interception de jour, la Nachtjagd ayant également pour tache d'épauler la chasse diurne pour contrer les vagues de bombardiers américains. Une situation que ne manqua pas de faire réagir Kammhuber qui y voyait là un gaspillage injustifié de ses forces. En mars, c'est au tour du Hauptmann Horst Patuschka (23 victoires) alors Kommandeur du II./NJG 2 de disparaitre en Tunisie à la suite d'une panne probable de moteur tandis que l'Oberleutnant Lothar Linke se crache en mai pour les mêmes raisons après sa 27e victoire.
Au printemps 1943, les Britanniques avaient rassemblé suffisamment d'effectifs et étaient désormais capables de faire ce qui leur était impossible jusqu'ici : détruire les moyens industriels des villes en bombardant les aciéries, les usines d'armements et tout ce qui servait à l'effort de guerre allemand. Ils disposaient pour cela de 53 Squadrons dont 16 de bombardiers bimoteurs mais équipés du nouveau .radar H2S Ce système révolutionnaire permettait aux navigateurs anglais de visualiser sur écran le terrain survolé et ainsi guider les avions sur la cible indépendamment de la couche nuageuse. Les bimoteurs jouaient ainsi le rôle d'éclaireurs pour la force de frappe principale ce qui allait amener la RAF à une campagne de bombardement sans précédent sur des objectifs spécifiques.
Radar H2S embarqué sur les bombardiersLe r
adar H2S britannique, bénéficiait grâce à la technologie innovante du "magnétron" - celui-là, même, qui équipe, de nos jours, le four à micro-ondes, De la longueur d'onde "millimétrique", contrairement à celle "décimétrique" des radars utilisés et techniquement très largement maitrisée par les Allemands, qui s'était , alors, révélée assez facilement "perturbable", entre autres, par le largage de leurres - les bandes d'aluminium utilisées connues sous le nom de comme « windows » .
C'est la technologie millimétrique (moins de 10 cm de longueur d'onde), qui était à l’origine de nombreuses perturbations côté allemand. Ils maitrisaient, certes, très largement la technique décimétrique, mais, elle était encombrante et s'était avérée assez facilement "leurrable".
En gros, les Allemands s'étaient, alors, beaucoup trop reposés sur leurs "supposés lauriers" dans le domaine de l'expertise des ondes "décimétriques", sachant que AH n'y était pas pour rien, car, pour éviter les dépenses de recherches inutiles, il avait proscrit toute recherche technologique, dont l'application pratique dépassant +/- 18 mois!
Ce n'est qu'à dater du second semestre 1944, que les Allemands étaient parvenus, à petite échelle, à rattraper leur retard, mais beaucoup trop tardivement, faute des moyens industriels suffisants pour produire des magnétrons en quantité, même en se contentant de copier le modèle britannique... tout en améliorant, au passage, de leur côté, le domaine de l'émission et du traitement de l'onde millimétrique!
Fort heureusement, les techniciens allemands n'avaient alors, pas eu le temps matériel pour parvenir à rattraper leur retard dans ce domaine technologique. Celà dit, il convient de ne pas se tromper, car le défaut principal des ondes décimétriques ou de longueurs supérieures ne résidait que dans leur capacité relative à être « leurrées » ce qui est beaucoup plus compliqué avec les ondes centimétriques et millimétriques, actuellement utilisées dans les systèmes radars.
Pour la Luftwaffe également, les choses avaient changé depuis les raids sur Cologne. Si la ligne Kammhuber demeurait intacte, elle fut complétée par la « Dunkel Nachtjagd » (chasse de nuit sombre) où les chasseurs décollaient avant d'être guidés directement vers le flot de bombardiers en approches. La masse des formations adverses était telle qu'il était difficile de les manquer ce qui donna lieu à des combats aériens nocturnes encore jamais vus .
À l'exception de la NJG 2, les unités stationnaient entre l'est de la France en passant par la Belgique et le nord de l'Allemagne et comptaient les NJG 1 à 5, les dernières escadres complétant leurs effectifs entre avril et mai 1943. Le début d'une nouvelle NJG 6 vit également le jour, Parallèlement, ces unités furent flanquées de la NJG 101 dédiée à l'écolage, mais qui effectuera également des missions opérationnelles dès le mois d'avril. La NJG 2 fit finalement son retour en Europe à la même période,
Chasse de nuit sur le front de l'Est
À l'Est aussi, l'activité aérienne nocturne posa problèmes aux Allemands, notamment les avions qui ravitaillaient les partisans et les fameux biplans de harcèlement nocturnes comme le U-2 évoluant très lentement. Sur le secteur de Leningrad, les nuits étaient assez claires pour que quelques as de la JG 54 remportent plusieurs succès nocturnes. En fait, l'absence de radar sur ce secteur amena les Allemands à improviser selon la situation du moment. Plus tard, les précieux moyens de détection furent chargés sur des wagons et amenés sur le front, (neuf trains au total) mais les chasseurs du front russe opérèrent davantage en chasse libre qu'en s'aidant du contrôle au sol,
Le raid sur Hambourg et ses conséquences
Une nouvelle étape fut à nouveau franchie à l'été 1943. Jusque là, les ports et chantiers navals de Hambourg qui produisaient les U-boats avaient été relativement épargnés par les bombardements. En plus du radar H2S, les points de repères au sol du littoral ne manquaient pas pour permettre une frappe avec précision. Cependant pour Harris, la destruction des industries allemandes n'était pas prioritaire ; son objectif étant de détruire la ville qui abritait les milliers de travailleurs œuvrant pour les chantiers. Pour se faire, des contre-mesures furent employées pour la première fois ; les fameux « windows ».
Toutefois, les opérateurs radars allemands apprirent bientôt à dissocier les cibles se déplaçant rapidement comme les avions des échos lents que projetaient les paillettes sur les écrans. Mais les Anglais avaient maintenant percé la cuirasse du système de détection allemand, et il fallait y remédier. Désormais, les chasseurs de nuits décollaient mais se rassemblaient en masse en orbitant au-dessus d'une balise, en attente d'instructions du contrôle au sol quant à la trajectoire des formations. Cette tactique aussi appelée « Zahme Sau » (apprivoiser la truie) fut testée en même temps que la « Wilde Sau » (truie sauvage) mettant en action des chasseurs monomoteurs équipés pour l'occasion d'un indicateur directionnel et d'un phare d'atterrissage, les pilotes repérant simplement leurs cibles à la lueur de fusées éclairantes, des projecteurs et des incendies au sol provoqués par les bombardements.
Le tir oblique surnommé « Schräge Musik »On testa également des systèmes d'armes spécifiques, la plus connu reste le « Schräge Musik » qui consistait en deux affuts de divers calibres disposé sur le dos du fuselage et tirant en oblique. Le dispositif fut utilisé pour la première fois avec succès le 17 août 1943 apprécié des pilotes. Généralisé à la fin de l'année, les Alliés en ignorèrent l'existence pendant six mois. L'entrée en service du Heinkel He 219 fin 1943 permettait également à la Luftwaffe de disposer d'un vrai chasseur de nuit plus performant dans tous les domaines. Mais le Ju 88 donnant généralement satisfaction, la production d'un nouvel appareil à ce stade de la guerre n'était pas pertinent et le chasseur de Heinkel, aussi bon soit il, ne sera utilisé que par la NJG 153.
Le Heinkel He 219 en usage à la fin de la guerreL'unité Wide Sau baptisée « Kommando Hermann » qui s'illustra davantage que la Nachtjagd dans les nuits du 25 au 30 juillet 1943 donna naissance à l'escadre de nuit équipée de monomoteur, la JG 300, puis quelques mois plus tard aux JG 301 et JG 302. . La Nachtjagd possédait un taux de disponibilité opérationnel de ses avions bimoteurs relativement faible (50 % au maximum). Difficile dans ces conditions d'opposer une force d'interception efficace dans la durée.
Revanche allemande entre Berlin et Nuremberg
les Britanniques se tournèrent vers leur nouvelle cible, Berlin. Un long parcours semé d'embuches et de défenses en tout genre les attendait et attaquer la capitale allemande était surement la mission la plus dangereuse que pouvaient redouter les équipages anglais ,Quant à la Luftwaffe, elle parvenait maintenant à déjouer les contre-mesures et son système de navigation par balise céda sa place à un simple vecteur de contrôle afin d'obtenir le contact avec la vague de bombardiers. De là, les chasseurs de nuit étaient en mesure de poursuivre et d'abattre leurs adversaires jusqu'à épuisement des munitions. Ceci permit de rassembler un plus grand nombre de chasseurs face à l'ennemi qu'avec un guidage strictement contrôlé par radar. Pour les Allemands, les « nuits heureuses » revinrent. Sous l'initiative de Werner Streib devenu inspecteur de la chasse de nuit, les appareils reçurent également une peinture de camouflage claire tachetée de nuances sombres, tentant à refléter la lumière.
Entre-temps, une nouvelle escadre d'entraînement vit le jour avec la NJG 102 tandis que le Nachtjagdgruppe 10 fut un groupe indépendant formé au tout début de l'année 1944 pour opérer à la fois sur chasseurs monomoteurs et bimoteurs. Parallèlement, le groupe de bombardement III./KG 3 fut transformé en I./NJG 765. Cette nouvelle unité ne comptera en fait que ce seul groupe et intégrera la NJG 2 à la fin de l'année. Pendant ce temps, Harris avait en tête de raser totalement Berlin en utilisant conjointement les forces Américaines pour un raid jusque là jamais vu, quitte « à perdre 500 bombardiers alliés » ! Cependant, il fut démontré que les bombardements stratégiques ne démoralisaient pas l'adversaire mais au contraire, renforçaient le sentiment de résistance. Qui plus est, les Américains déclinèrent l'offre, ne voulant pas voir ses équipages inutilement massacrés par la Flak et la chasse adverse.
C'est donc seul que le Bomber Command s’attaqua aux défenses allemandes. Malgré les raids de diversion et l'emploi de contre-mesures, les Anglais perdirent 78 bombardiers lors d'un raid sur Leipzig dans la nuit du 19 février 1944. Ce fut pire sur Nuremberg le 30 mars 1944. Cette nuit là, Harris décida d'abandonner la tactique consistant à faire voler les formations sur une fausse trajectoire le plus longtemps possible afin de ne pas dévoiler la vraie cible jusqu'à la dernière minute, ceci afin de désorienter les Allemands habitués à ce genre de feinte. Le flot des bombardiers se retrouva directement dans le collimateur de plusieurs chasseurs en maraude sous un ciel de pleine lune et ce fut un carnage : 95 quadrimoteurs furent perdus et plus encore furent déclarés irréparables après avoir atterri.
l'Oberleutnant Heinz-Wolfgang Schnaufer qui malgré son grade, commandait le IV./NJG 1 ou encore « le » spécialiste des victoires multiples, l'Oberleutnant Martin Becker chef de la 2./NJG 6 qui obtient six succès dans la nuit du 22 mars, et pas moins de sept lors de la fameuse nuit
Schnaufer 121 victoires ! le record en chasse de b uitIci la dérive de l'As (pardon pour la swastika mais comment faire autrement ?!) Impressionnant n'est ce pas ? Attention , il a accummuié ses victoire sur plusieurs Bf 110 mais tout de même...
du 30 mars. De l'avis de Schnaufer, les mitrailleurs des bombardiers anglais ne tiraient pas de façon assez soutenues ou ouvraient le feu trop tard par crainte de révéler leur position.
Ce n'est pas fini !