ClaudeJ a écrit:Attention tout de même que les chiffres de production peuvent peindre un tableau qui n'est pas nécessairement représentatif des réalités du front. Il y a beaucoup d'écueils, a fortiori à cette époque, entre la sortie d'usine et la mise en œuvre en unité. N'est-ce pas ?
Au passage, Edward Westermann a signé un chouette ouvrage sur la Flak de référence, justement intitulé Flak: German Anti-aircraft Defenses, 1914-1945 (University Press of Kansas, 2001).
Il est docteur à la Texas A&M University. Ceux qui visitent Bastogne se souviennent peut-être d'une expo "From Texas to Bastogne-Texas Aggies Go to War" au musée Piconrue ?
Les chiffres, cités dans mon poste N° 29, ci-avant, proviennent, tous, justement, de l'excellent bouquin de Westermann.
Concernant la Flak de Luftwaffe et de la Kriegsmarine, on peut pas vraiment parler de "réalités du front", car il s'agissait de mise en place de dispositifs de défense de zone - constituées à la fois de batteries fixes et mobiles. Westermann indique bien l'impressionnant renforcement de la Flak, à l'été 1944, autour des installations allemandes stratégiques de carburant. Sur le site de Leuna, en Saxe, la Flak avait, ainsi, déployé 500 pièces de DCA lourdes (8,8 cm et plus) dont 150 de 12,8 cm, qui avaient contraint les raids de bombardier alliés à devoir grimper à 25 000 pieds (7500 m) pour larguer leurs bombes et, dès lors, en "favoriser" la dispersion (moins de 10% de coups au but!).
Ce qu'il y a, aussi, de bien dans le travail de Westermann, est qu'il s'est efforcé de mettre en évidence les dégâts humains et matériaux générés par la Flak. Si on se contente de raisonner sur le nombre d'appareils réellement abattus, on n'obtient pas une image correcte, car les chiffres paraissent, souvent peu élevés (tout est relatif!), rapportés, un, à l'importance des flottes aériennes engagées, deux, au nombre de pièces antiaériennes déployées et à leur dépense en munitions.
Sauf que, lors d'un seul raid, certaines escadres de bombardement alliés pouvaient se retrouver avec plus de 40% de leurs appareils immobilisés au sol, pour cause de dommages plus ou moins lourds et des nécessaires temps de réparations, eux, aussi, à durée très variable - lesdites réparations constituant, également, un lourd volet financier! -. ... sans compter les pertes humaines - morts, blessés - dues aux éclats et aux impacts directs des pélots.
Il n'est pas exagéré de dire que, à l'été 1944, les formations de bombardiers alliés n'étaient plus très chaudes pour aller au casse-pipe et qu'il avait, alors, existé, une vraie crise interne, mais, heureusement, passagère, à propos de l'efficacité des bombardements "stratégiques". L'accroissement des flottes et, par voie de conséquence, la multiplication de leurs raids, avait permis d'y remédier, en usant le moral de la Flak et, surtout, en lui faisant bouffer de telles quantités de munitions, que, à dater de novembre 1944, elles avaient débouché sur une insuffisance de fourniture.
Il convient de ne jamais oublier l'importance de l'aspect "économique", dans cet affrontement entre flottes d'appareils et DCA, qui avait contraint le III. Reich à devoir se lancer dans la production de "piles" de canons, de matériels, de munitions, puis, ainsi, épuiser ses ressources et stocks en matières premières et en "pépètes".
Question "matières premières", les Alliés pétaient de santé, alors que l'Allemagne, à daté de l'été 1944, après avoir consciencieusement pillé ses voisins occupés, s'était, elle, retrouvée limitée à ses uniques ressources nationales. Déjà que la situation était très tendue, elle s'était retrouvée "à poil", au cours du second semestre 1944. Selon moi, très modestement, dès le mois de septembre, aussi bien militairement qu'économiquement, le sort du III. Reich était définitivement plié.
La production allemande d'armes en tous genres fera encore illusion jusqu'en décembre 1944, mais le problème d'approvisionnement de munitions en tous genres, lui, était, déjà, patent et quotidien, au printemps précédent, et l'énorme consommation de munitions antiaériennes est loin d'y être étrangère.