Post Numéro: 16 de THEO 20 Nov 2020, 20:35
Captain_history, il me semble que tu poses deux questions en une. Le sujet porte sur l’efficacité de la Luftwaffe et tu embrayes sur le nombre de victoires des grands as. Je pense que ce n’est pas la même chose car, évidemment la chasse n’était qu’une composante de la Luftwaffe.
Pour ce qui est de l’efficacité de la Luftwaffe, j’aurais plutôt tendance à parler de son inefficacité. Voila une arme à priori admirable, qui a été forgée par Göring dès l’accession des Nazis au pouvoir, en étant basée dès le début sur l’attaque, de préférence dans le cadre de la blitzkrieg. Il faut frapper vite et fort pour conquérir du terrain, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps...
Cette guerre est vue comme la revanche de la première et le moyen de s’approprier en particulier les richesses de l’est en asservissant les populations slaves méprisées. Elle est dans la tête d’Hitler et de ses proches dès l’origine. Mais cette guerre, comme De Gaulle l’avait vu très tôt, est très vite devenue une guerre mondiale. Les Nazis, même en enrôlant des troupes européennes, ne pouvaient pas disposer de troupes suffisantes, face aux Anglosaxons et leurs dominions, aux Américains, aux Russes, et à tous ceux qui ont vu leur pays envahi et qui se sont réfugiés chez les alliés. Ça faisait quand même beaucoup de monde, même pour des « surhommes » dopés à la Pervitine !
Ils ne disposaient pas non plus de suffisamment de richesses minières et pétrolières presque inépuisables comme les Alliés. Quant à leur capacité de production, elle n’a fait illusion que tant qu’elle n’a pas été entamée. L’arsenal des démocraties et celui des Soviétiques qui a été transporté à une vitesse record à l’est, est devenu très vite hors de portée, tant les distances étaient considérables par rapport au rayon d’action des bombardiers bimoteurs allemands, contrairement aux quadrimoteurs alliés qui pouvaient frapper n’importe quel point du territoire sous contrôle allemand finalement très tôt au cours du conflit.
La Luftwaffe de Göring a été capable de submerger les aviations alliées sur le continent, mais pas bien longtemps. Elle a été incapable d’empêcher le rembarquement de Dunkerque, incapable de venir à bout de la RAF à quelques dizaines de kilomètres d’elle, incapable de venir à bout de Malte qui a été continuellement l’aiguillon dans les reins de Rommel, l’empêchant d’être approvisionné correctement.
Elle a été capable de submerger par surprise l’aviation russe, mais dès que l’ennemi a rétabli sa production et mis en ligne un matériel performant et en quantité formidable, elle a rencontré des difficultés autrement plus graves qu'au début de Barbarossa. Je ne peux m'empêcher de songer aux 36000 Sturmovic fabriqués d'un côté et aux 5700 Stuka de l'autre. La Luftwaffe n'a pas été en mesure non plus d'aligner assez de Ju52 (qui d'ailleurs commençaient à dater sérieusement) pour approvisionner ses armées de Stalingrad.
Elle a été incapable d’arrêter les vagues de bombardiers alliés qui ont ravagé le pays, et écrasé son industrie de guerre. Pas plus que d’arrêter par exemple le matraquage des raffineries de Ploiesti.
Quand on veut entreprendre une guerre mondiale, il faut des armes stratégiques pour frapper loin. Et les Nazis n’en ont disposé qu’avec les armes V2. Comme écrivait Clostermann (encore lui) trop peu, trop tard. Quand on veut une aviation efficace, puisque c’est le sujet, il faut détruire l’ennemi et le matériel de l’ennemi plus vite qu’il ne peut le remplacer pour espérer l’emporter, surtout si on part avec les handicaps évoqués plus haut. C’est tout le contraire qui a eu lieu, comme chacun sait.
Pour ce qui est du palmarès des chasseurs allemands, tout ce qui a été dit plus haut est très vrai, je crois. On pourrait rajouter que l’équilibre des forces aériennes tournant en faveur des Alliés d’une façon quasi exponentielle au long de la guerre, ceux-ci avaient de moins en moins l’occasion de rencontrer des appareils ennemis, au contraire des pilotes de la Luftwaffe qui se frottaient au combat aérien presque à chaque sortie, à un contre cinq, contre dix, contre cent. Dans ces conditions, les jeunes dont la formation était de plus en plus raccourcie, avaient une espérance de vie assez courte, mais ceux qui avaient survécu à des centaines de combats étaient devenus des tigres très dangereux qui avaient payé très cher pour connaître toutes les ficelles pour attaquer, comme pour esquiver.
Si les pilotes de chasse alliés n’avaient pas bénéficié de tours d’opérations, mais avaient combattu pendant autant d'années sans discontinuer, nul doute que certains auraient passé la centaine de victoires, eux-aussi … A condition d’avoir l’occasion de rencontrer l’ennemi.