Post Numéro: 89 de mermoz07 02 Mai 2012, 00:21
Salut à tous,
Il y a eu souvent des largages isolés de bombes fumigènes en bois (de conception américaine) par des avions de reconnaissances et d'appui au sol. La chose est désormais prouvée sur plusieurs sites, dans le Pas-de-Calais et en Normandie notamment. C'est d'ailleurs l'une de ces bombes qui est exposée au musée de Sainte-Mère Eglise.
Je reviens de Bayeux où j'ai pu filmer le témoignage du Dr Jean-Pierre Benamou qui rapporte précisément celui d'un canadien qui menait des opérations de guerre psychologique pour le compte du SOE. Parmi celles-ci, il y avait le largage de tracts ET au passage de woodenbombs sur des leurres allemands. Je mettrai prochainement sur Youtube son témoignage (faut que je trouve le temps).
Il n'y avait pratiquement aucune défense antiaérienne sur les sites leurres allemands, surtout à partir de 42-43. Le risque était donc nul pour les Alliés. Par contre, pour avoir rencontré et filmé de nombreux témoins de cette affaire (dont des Allemands), je puis vous dire que l'impact psychologique sur l'ennemi ainsi qu'auprès des populations occupées, était immédiat et très efficace.
Concernant le côté discipline militaire des pilotes qui avaient pour la plupart à peine 20 ans, je vous laisse méditer une dernière anecdote, particulièrement savoureuse, qui bénéficie cette fois de preuves photographiques et même d’un film vidéo qui avait été réalisé en vol lors du largage d’une étrange « bombe ». En octobre 1965, en pleine guerre du Vietnam, le pilote Clarence W. Stoddard, va procéder aux commandes d’un Skyraider, au largage d’une bombe spéciale sur une cible du Vietnam du Nord en commémoration de la six millionième livre d’explosif larguée sur l’ennemi. Cette bombe était unique en son genre puisqu’il s’agissait... d’une cuvette de WC!
Le capitaine Clint Johnson, qui effectua le vol en compagnie de Stoddard raconta ensuite comment son ailier, le lieutenant Robin Bacon avait filmé le largage en vol et comment « l’opération » avait été menée.
« Le commandant Clarence W. Stoddard volait sur un A-1H Skyraider, le n° 572 "Tigre de papier II" de la VA-25 qui était embarqué sur le porte-avions USS Midway. La mission consistait en une attaque au sol dans la région du delta. Quand on arriva sur l’objectif, Stoddard donna lecture au service d’appui aérien au sol de la liste des munitions qui allaient être larguées. Il termina sa liste par « et un nom de code Sani-flush (sanitaire-chasse d’eau) ».
L’appui aérien n’y croyait pas et sortit pour le voir. Le largage s’effectua à l’occasion d’une plongée de l’appareil alors que le lieutenant Bacon le suivait en formation serrée pour bien filmer la scène. Quand le WC se détacha, il se retourna face au vent et faillit frapper l’avion. L’appui au sol signala qu’il siffla tout au long de sa chute.
« La cuvette de toilette était une cuvette endommagée qui devait être jetée à la mer. Un de nos pilotes l’avait récupérée et des armuriers avaient confectionné un support pour le fixer sur le rack. Lorsque l’avion roula doucement jusqu’à la catapulte, nos contrôleurs s’arrangèrent pour masquer le champ de vision du patron (de l’escadrille) et du capitaine (du navire). Juste au moment où l’appareil fut catapulté, un message nous fut transmis du pont : « Par tous les diables ! Qu’est ce que le 572 a sous son aile droite ?! » Il y eut de nombreux éclats de rire avec les services de renseignements à propos de cette bombe bactériologique ! »
Il est heureux que cette audacieuse opération ait pu être immortalisée par des photos et un film car quarante ans plus tard, il se serait trouvé des spécialistes de l’aéronautique pour qualifier l’anecdote de techniquement impossible, militairement impensable et moralement injustifiable.
Ce témoignage merveilleux est d’une grande richesse d’enseignements pour le sujet des bombes en bois. Il nous enseigne quatre choses importantes qui pourront tenir lieu de morale en guise de conclusion.
Une morale digne de La Fontaine:
1/ Pendant la guerre, alors qu’il risque sa vie quotidiennement, un pilote peut avoir recours à l’humour comme exutoire lors d’une opération commandée.
2/ Par moquerie de l’adversaire, de la mort ou de la guerre tout court, ce pilote peut prendre une initiative risquée avec comme unique ressort : le goût du défi.
3/ Dans le cadre d’une mission militaire officielle, ce même pilote peut mener une action parallèle incongrue et interdite, et ce à l’insu complet de sa hiérarchie.
4/ Celui qui racontera plus tard avoir reçu sur la tête une cuvette de WC passera toujours pour un fou…
Il s’est passé plus de chose dans l’histoire que ne peuvent l’imaginer les historiens et même les romanciers. Les hommes aiment la vérité lorsqu’elle sert l’histoire mais ils lui préfèrent souvent la légende lorsqu’elle sert la vie. Est-il dès lors étonnant que des pilotes aient eu la tentation d’écrire l’histoire aux portes de la légende ?
Cordialement
PA Courouble