Bonsoir ,
Certaines escadrilles ( basées a terre ) ont effectué tout de même quelques missions de combat en 1940 , et dans tous les cas , le Bearn avait été chargé ( comme l'indique Stephane ) a cette période de transiter des avions achetés aux USA ( le navire était jugé trop lent pour suivre une escadre moderne ) , il a d'ailleurs été "bloqué" , au moment de l'armistice , a la Martinique , ou il débarquera sa cargaison d'avions américains . J'ai rencontré dans ma jeunesse un des pilotes du Bearn ( qui devint en fin de carrière l'amiral commandant la flotte française de Méditerranée ) , qui a donné un temoignage autrefois :
( visible sur
http://www.postedeschoufs.com/aeronaval ... france.htm )
Témoignage de l’Amiral Louis CASSE (officier pilote, puis commandant de la 1AC à compter d’août 1940) :
"Pendant la drôle de guerre du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940, et au début de la bataille de France, les deux escadrilles de chasse AC1 et AC2 ont été basées, la majeure partie du temps sur un terrain de fortune : l’aérodrome de Calais-Marck, à 8 km de Calais et à 25 km de Dunkerque. Inutile de rappeler les évènements historiques du 10 mai 1940 qui mirent fin brusquement à la drôle de guerre.
A quatre heures du matin, ceux qui n’étaient pas d’alerte furent réveillés par un bombardement massif et d’une précision remarquable de notre terrain ; nos appareils étaient dispersés dans la partie Nord. Par une chance extraordinaire, aucun avion n’a été endommagé gravement. ; les bombes sont tombées au centre de l’aérodrome. Ce fut alors le branle-bas général. Le commandant JOZAN décolla le premier avec tous les pilotes disponibles, car on pouvait s’attendre à de nouvelles vagues d’assaut, ce qui se produisit d’ailleurs. Très rapidement, la 1ere flottille de chasse intercepta une formation de Messerschmitt 110 et ce fut le premier grand combat. Dans la mêlée qui en résulta, la cohésion de nos formations fut rapidement brisée et l’on vit même le commandant JOZAN battre furieusement des plans (ordre de ralliement) à côté d’un Messerschmitt 110 dont le pilote ne devait pas en croire ses yeux.. Plusieurs avions allemands furent descendus ; un de nos POTEZ fut abattu. C’est ce jour là que l’EV DE SCITIVAUX, attaquant et abattant un Junkers, reçut une balle explosive dans le bras gauche ; malgré sa blessure grave, il réussit avec une énergie extraordinaire, à ramener son appareil à Calais. A peine arrivé au sol, il s’évanouit dans la carlingue.
A partir de ce jour nous ne connaîtrons plus le repos. Levés à 3 heures du matin du matin, nous faisions quelques fois 3 sorties par jour et par pilote. L’une d’elles qui se faisait sur Bloch 151 était la patrouille dite « de l’aube » où nous décollions avant le lever du jour. Je l’ai accomplie plusieurs fois sans jamais rencontrer un seul Allemand. D’une manière générale nos missions à priori ne donnaient guère de résultats positifs : on aurait crû que l’ennemi était renseigné sur tous nos mouvements. En réalité, je crois que le plan d’invasion de la Hollande était très bien conçu et le commandement allemand dosait judicieusement ses attaques en fonction de la situation tactique du moment.
Peu de temps avant le 21 mai, la Belgique succombait déjà devant l’avance foudroyante des blindés allemands et nos interventions avaient lieu sur la ligne de front. Au cours de l’une d’elles j’étais en patrouille avec 2 sections de trois avions avec le LV FERRAN chef de dispositif, à une altitude voisine de 3000 mètres où nous nous trouvâmes pris sous un feu nourri de DCA. J’étais, je l’avoue un peu inquiet et trouvais le temps long. Quand mon chef prit enfin la décision de dégager, j’éprouvai un réel soulagement.
La suite de la mission comportait un mitraillage des troupes au sol. Je n’oublierai jamais la vision dans le collimateur , d’hommes vêtus d’uniformes verts, à peine visibles, courant dans tous les sens à la recherche d’un abri, fuyant le tir de nos armes : A chacun son tour d’être la cible !
Ce début de la campagne de France a été, hélas bien rapide pour nous, il n’a duré que 11 jours. C’est le 21 mai, dans la marinée, que nous avons reçu l’ordre de repli sur Cherbourg. Quand notre dernier avion a décollé, les blindés allemands arrivaient en bordure de l’aérodrome.
A l’aube de ce 21 mai, nous avions été gratifiés d’un sévère bombardement dont je me rappelle certains détails précis. L’alerte n’avait pas été donnée et je me trouvais sur l’aile de mon Potez, absorbé par une vérification quelconque avec mon mécanicien, lorsque soudain, nous entendons les sifflements caractéristiques des bombes dans leur trajectoire descendante. Nous bondissons dans un fossé : c’était le seul genre d’abri existant sur cette base. Une bombe a du tomber assez près, car mon avion est couvert de terre, et nous-mêmes recevons quelques éclaboussures. Après un rapide nettoyage de l’avion, l’ordre d’évacuation est donné 2 heures après. Je garde de ce moment un souvenir très pénible et je reverrai toujours le regard triste des mécaniciens non volants que je ne pouvais embarquer et qui me voyaient partir vers la liberté, alors qu’ils se demandaient quel sort les attendait : la captivité sinon la mort."
Amicalement ,
Alain