Ah l’uchronie! C’est vrai que l’histoire a souvent l’air de se jouer à peu de choses, si Napoléon avait vaincu à Waterloo, etc…
Hitler aurait-il pu gagner la SGM ? Ce n’est pas vraiment une question simple. Il y a, à mon avis, deux façons d’envisager la réponse :
1. Hitler est un autre homme : je lisais plus haut l’idée qu’il aurait pu développer sa marine et ne pas être antisémite. C’est évidemment un exemple de l’absurdité de l’uchronie : Hitler pas antisémite ? Mais l’antisémitisme est un des facteurs essentiels de son arrivée au pouvoir, non pas parce que les Allemands sont ou étaient particulièrement antisémites, mais parce que l’antisémitisme rendait son programme clair. En se déclarant antisémite, son message est : je dis tout haut ce que bon nombre pense tout bas, je suis sincère et cette sincérité est ma force. Il n’est pas le seul antisémite de la scène allemande, il n’est pas le seul à l’affirmer, mais il est celui qui l’instrumentalise le mieux.
Hitler amiral ? Quelle idée? Pour envahir la Russie ? Plus de Bismarck et moins de panzers, pourquoi faire ?
Disons pour résumer que cette idée d’Hitler un autre homme ou Hitler aurait gagné s’il n’avait pas été Hitler a ses limites, autant imaginer tout de suite qu’il aurait été un gentil Adenauer… Car si Hitler a bien perdu la guerre, elle n’a pas été perdue à cause de lui, il n’est pas la raison principale de son échec, même si, fatalement, il y participe. Et n’oublions pas qu’il est bien sûr une des raisons de ses réussites…
2.Une autre guerre : c’est ici que l’uchronie trouve ses évidentes limites : jusqu’où l’alternative est-elle plausible ? L’exercice demande une connaissance fine du conflit et se révèle souvent délicat car il s’agit de jouer sur les différents facteurs, voir ceux qui seraient le plus sujets à variations, les plus volatiles et analyser leur impact. C’est non seulement délicat, mais éminemment subjectif…
Ainsi j’ai lu que si Hitler avait attaqué en mai au lieu du 22 juin, il aurait eu plus de chances de gagner, arrivant aux abords de Moscou bien avant l’hiver. De même, s’il s’était concentré sur Moscou, il aurait sans doute atteint son objectif.
A vrai dire des auteurs comme Glantz pensent que le 22 juin n’est pas une mauvaise date, selon lui alors que l’Allemagne s’engage dans les Balkans, la fameuse rasputitsa (boues) compromet encore gravement la mobilité en URSS. De plus, il n’est pas sans intérêt de commencer la guerre sans une Yougoslavie et une Grèce hostiles sur les flancs, même si la menace est mince. De plus cet argument dénote d’un a priori typique sur la guerre à l’Est, à savoir l’importance du facteur climatique. Si l’hiver russe, spécialement terrible en 41-42, ne sera pas pour rien dans l’échec de Barbarossa, il y a cependant lieu d’examiner objectivement les données politiques et militaires et sur ce plan, on se rend de plus en plus compte que c’est aussi l’armée rouge qui a vaincu la Wehrmacht.
De même l’idée d’une concentration des forces vers un point précis, Moscou en l’occurrence, va à l’encontre de ce qui fait le génie de Barbarossa, à savoir une attaque généralisée et très mobile où l’ennemi peine à distinguer un axe principal et où ses contre-attaques s’avèrent (du fait de la dispersion et de la rapidité allemande) toujours vaines.
Je serais tenté de répondre à la question de savoir si Hitler aurait pu gagner la guerre. A vrai dire, il ne s’en était pas donné tous les moyens militaires,mais pensait en avoir les moyens politiques. Au vu des événements, il avait tort et on peut dire qu’il a commit une erreur, mais cette erreur tenait à peu de choses. Abusé par le comportement engageant des Britanniques, trop confiant dans sa politique d’appeasement, il croit à une paix possible avec l’Angleterre après la chute de la France, mais Churchill est là.
Ensuite il y a l’URSS, là on peut parler d’une incapacité à comprendre la nature du régime, il le voit comme étranger (juif) à la population. Cette incompréhension, on la trouve dans d’autres histoires alternatives : et si les Allemands n’avaient pas considérer les Soviétiques comme des esclaves, si on avait écouté Rosenberg, si on avait aider Vlassov, s’ils avaient plus joué sur les nationalismes… Ce What If est intéressant, mais à mon avis, il ne tient, comme Hitler, pas assez compte pas assez compte du patriotisme face aux envahisseurs, mais aussi des changements profonds engendrés par le communisme en URSS, changements sociaux, qui, malgré les errements du régime, paraissaient à beaucoup dignes d’être défendus (cet aspect peut prêter à controverses, mais bon, on ne peut résumer l'URSS d'avant-guerre aux purges et aux goulags, il faut tenir aussi compte de l'incroyable mobilité sociale, de la mobilisation et de l'endoctrinement des populations). Et puis la politique d'Hitler en URSS est avant tout coloniale.
Si j’avais un What If à proposer, ce serait le suivant. Et si Hitler en 1939 ne s’était pas entendu avec l’URSS, mais avec la Pologne. Les Polonais, en échange d’un agrandissement sensible de leur territoire à l’Est, accepte de céder Danzig ainsi que la création d’un couloir avec la Prusse Orientale. Ensemble, avec ce que l’Europe de l’Est compte de gouvernements anti-communistes, ils envahissent l’URSS. Tandis que de l’autre coté de l’URSS, les Japonais attaquent aussi et remportent, avec une armée rouge occupée à l’Ouest, la première d’une série de victoires à Khalkin-Gol…
Cette version me paraît une des plus crédible pour voir la victoire d’Hitler, il est alors le héros de l’anti-communisme, il domine l’Europe, mais sur un mode mineur, même si rien ne l’empêche ensuite de trahir ses alliés polonais pour joindre l’Allemagne à ses colonies de l’Ukraine et du Caucase. En attaquant les Occidentaux avant les Soviétiques, il s’est aliéné ceux qui auraient pu être ses alliés contre le communisme et a permit à l’URSS de se renforcer pendant deux ans (en 1939, pas de KV et de T34, les Pz IV et les chars tchèques auraient dominés la steppe face aux T26 et BT vieillissants, de même dans les airs).
Voilà mon idée en espérant ne pas avoir été trop long.