AlexandreB a écrit:Merci à tous pour vos avis, précisions et commentaires.
J'ai bien conscience des limites de mon approche romanesque.
J'ai lu près d'une dizaine de livres en italien, une thèse en français et beaucoup d'articles en Italiens pour comprendre ce qu'on vécu les populations italiennes suite à la rupture de la ligne Gustav. Je suis donc capable de bouffer de la documentation. Les Marocchinate n'ont (presque) plus de secret pour moi.
Je pense être capable (au mois près) de raconter la campagne d'Italie du point de vue du CEF entre les livres et les articles que j'ai lus.
La vie au Maroc, en revanche, pour l'instant, m'est un peu plus compliquée à appréhender. J'ai bien entendu une vision de jeune français blanc né dans les années 70, bien éloigné du temps du protectorat.
Donc toute information qui peut m'éclairer pour mener à bien mon intrigue est la bienvenue.
Une chose est sûre, il existe surement plus d'infos sur la Campagne d'Italie 43-45, que sur 'la vie quotidienne au Maroc", du temps du Protectorat, dans les années 40. J'ai jeté un coup d’œil sur le site de la BNF/Gallica, çà frôle le néant ou l'inutile!
Dès lors, il devient très compliqué pour un auteur de se renseigner utilement.
Je me permettrai juste d'insister (one more time...
) sur la particularité des goums, constitués exclusivement de volontaires berbères, issus des tribus de l'Atlas. A l'inverse, les volontaires marocains originaires de la "plaine" (au sens large) intégraient, eux, les régiments de tirailleurs. Certes, c'est compliqué à comprendre de nos jours, mais, alors que le "Marocain des plaines et des grandes cités", un, parlait l'arabe et pratiquait souvent plutôt correctement la langue française, toute au moins parlée, les tribus berbères ne s'exprimaient que dans leurs "dialectes"; j'ai volontairement utilisé le pluriel, car la transmission de la langue berbère, essentiellement, orale faisait qu'à trente ou quarante kilomètres d'écart, il existait des différences, parfois notables. Dans un genre très différent, bien sûr, il existe un bon exemple, le dialecte alsacien du Bas-Rhin parlé dans le Piémont (Route des Vins, notamment), qui peut différer de celui parlé dans la campagne proche de Strasbourg, ou dans le Nord du département, par la prononciation, l'accent et certaines formulations typiquement locales.
Toujours dans le même contexte, le Marocain des plaines et des grandes cités était globalement fier d'adopter les habitudes européennes. Si on fait abstraction de la garde à cheval du Sultan, désormais, celle du Roi, revêtue pour les grandes occasions, d'un superbe uniforme "traditionnel", les régiments de tirailleurs marocains étaient, tous, habillées "à l'européenne". Seule exception, la tenue bien particulière des goums, mais que le "Marocain des plaines" aurait, alors, dans son cas, jugée par trop "dévalorisante". Il faut bien comprendre le contexte, depuis sa tendre enfance, on lui inculquait, souvent, les règles vestimentaires des "Colons", indispensables pour la poursuite du cursus scolaire, accéder à la maitrise, au sein des entreprises, etc. Dès lors, même si la tenue des goums soulève, désormais, chez nous, un réel intérêt historique, pour l'engagé lambda non berbère, il s'agissait d'un très sérieux retour en arrière, vers une culture que, de surcroit il ignorait. Il était accoutumé au port du pantalon, du veston, des chaussures (avec chaussettes!), voire le cravate, et du jour au lendemain, il se serait retrouvé affublé d'une gandoura en laine grossière, d'un chèche et d'une paire de sandales en peau de chèvre?
Il reste une seule éventualité, déjà évoquée par l'un de nos camarades, que le "héros" passe par le peloton des élèves sous-officiers et en sorte avec succès (!). Mais, même là, çà reste compliqué, car, un, il lui fallait impérativement maitriser la langue berbère - du côté de Meknès, on oublie!
-, indispensable pour "commander" ce genre de troupe, deux, savoir monter à cheval, les goumiers étant une troupe montée, mais çà peut éventuellement s'apprendre dans sa jeunesse campagnarde (quoiqu'il y avait plus d'
arrazits (ânes) dans la plaine que de bourrins montés, car, dans une exploitation agricole, il s'agissait de chevaux de trait destinés à tirer la charrue entre les rangs de ceps), puis perfectionné durant l'instruction militaire.
Dans le corps des goumiers, les sous-officiers d'encadrement étaient généralement, eux-mêmes, issus du rang du corps, tandis que les officiers, pour l'essentiel, français, hormis quelques officiers subalternes marocains berbères - le plus souvent promus au feu - , étaient, eux, immergés, depuis leur première affectation en tant que sous-lieutenant sorti tout frais de Saint-Cyr, ayant, le plus souvent, choisi de servir dans ces unités coloniales particulières.
Militairement parlant, il n'y avait pas photo entre un "Cyrar", qui effectuait l'essentiel de sa carrière dans une unité métropolitaine, et celui qui servait dans une formation de "troupes indigènes". Le contexte quotidien, pour ce dernier, même en temps de paix, exigeait des attentions bien particulières, acquises, seulement, au fil des années de service. Certaines erreurs administratives (excusables!) mélangeaient, parfois, des ethnies ou des tribus définitivement irréconciliables, qui pouvaient sérieusement mettre en péril l'unité de la formation; c'étaient les officiers et sous-officiers, qui géraient, alors, au mieux ces problèmes, en jonglant avec les nécessaires transferts. C'est le genre de situation qui n'existait évidemment pas dans les formations militaires métropolitaines d'avant-guerre, le peuple français étant réputé "seul et indivisible"!
Pour mémoire, la sanglante révolte des Cipayes, auxiliaires indiens de l'armée britannique des Indes, avait été déclenchée , en 1856, par l'emploi de graisse de porc pour graisser les armes!
A la lumière de cette douloureuse expérience étrangère et de notre propre expérience coloniale, de manière générale, l'officier français était beaucoup plus attentif que son homologue britannique, à la prise en compte des particularismes locaux
Dans le cadre de nos unités "folkloriques", mais redoutablement efficaces, il y avait eu les célèbres compagnies méharistes sahariennes, où l'officier de service, nécessairement d'un grade subalterne, vu la taille des formations, se retrouvait, à peu près tout seul, pour commander ces petites unités, où il n'y avait, au mieux, bien souvent que deux sous-officiers autochtones, baragouinant plus ou moins le français! En plus, il fallait devoir s'accoutumer au balancement du "vaisseau du désert", le méhara (dromadaire), car, en comparaison, le mal de mer n'est, lui, bien souvent qu'un mal passager (!) et, aussi,... à son odeur - en comparaison, une cheval ou une vache diffuse un vrai parfum!
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Ce n'est pas pour rien que, dans l'Entre-deux-Guerre, ces jeunes officiers, les plus hauts gradés étant capitaines, se faisaient un malin plaisir, à l'occasion de "pince-fesses" officiels métropolitains, d'y apparaitre en tenue "traditionnelle ", avec sandales, pantalons bouffants, burnous, etc., uniforme qui générait systématiquement le pâmoison des donzelles à marier et l'admiration des autres convives!