Le 21 juin 1943, la Gestapo conduite par Klaus Barbie fait irruption dans la villa du Dr Dugoujon à Caluire (Rhône), et décapite le commandement de la Résistance réuni clandestinement, en arrêtant Jean Moulin et sept chefs de la zone sud.Raymond Aubrac, un des chefs du mouvement Libération, décédé mardi soir à 97 ans, était le dernier survivant de cette réunion de Caluire, devenue pour les historiens "l'affaire de Caluire", qui reste encore aujourd'hui une énigme.
On n'est jamais parvenu à faire totalement la lumière sur l'arrestation de Jean Moulin, président du Conseil national de la Résistance (CNR), qui décèdera peu après la rafle, à l'issue d'effroyables tortures.
Lors de cette réunion, les huit chefs de la Résistance doivent désigner le successeur du général Delestraint, responsable de l'Armée Secrète, capturé à Paris. Le choix de Caluire, dans les faubourgs de Lyon, n'a été fait que la veille et seuls en sont informés ceux qui doivent participer à la réunion.
Lorsque, par ce chaud matin de juin, les policiers allemands bondissent dans la maison, il y a là, outre Jean Moulin, André Lassagne, Bruno Larat, le colonel Lacaze, le colonel Schwartzfeld, Raymond Aubrac, Henry Aubry, le Dr Dugoujon et René Hardy. Seul ce dernier parviendra à s'évader dans des conditions jugées rocambolesques.
De lourds soupçons pèseront sur René Hardy qui, avec le grade de lieutenant-colonel, était responsable de la Résistance Rail, une branche particulièrement active dans la lutte contre l'occupant.
Blanchi par la justice à deux reprises (1947 et 1950), Hardy, qui a toujours nié avoir trahi tout en reconnaissant une certaine "imprudence", est pourtant formellement accusé par Klaus Barbie en 1972.
Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin, a confié à plusieurs reprises à l'AFP qu'il restait persuadé que René Hardy avait donné le lieu de la réunion de Caluire à la Gestapo.
Après le procès de Barbie, défendu par l'avocat Jacques Vergès et condamné à la perpétuité en 1987 pour crimes contre l'humanité, des proches d'André Lassagne et de Bruno Larat tentent d'ouvrir un procès consacré à "l'affaire de Caluire". Mais cette action s'éteint avec la mort de Barbie le 25 septembre 1991.
En 1997, l'historien lyonnais Gérard Chauvy relance la polémique en publiant un livre - "Aubrac, Lyon 1943" - dans lequel il dépeint le couple Aubrac comme une sorte d'agents doubles à partir de mars 1943 et leur reproche des erreurs de dates et affirmations entachées de zones d'ombre.
Les époux Aubrac l'attaquent en diffamation, mais acceptent de participer à un face-à-face avec huit historiens à l'issue duquel l'ancien résistant Jean-Pierre Vernant conclura que "la discussion a balayé les accusations de Barbie-Vergès et fait justice de certaines allégations ou insinuations de Chauvy".
En 1998, Gérard Chauvy est condamné à 60.000 francs d'amende (9.100 euros) et à des dommages-intérêts pour diffamation envers les époux Aubrac.