En 1939, comme pour la Première Guerre mondiale, la France mobilise son empire. Soldats et travailleurs débarquent à nouveau et sont dirigés vers le front. À l’heure de la défaite, en 1940, on dénombre quelque soixante-dix mille prisonniers issus des colonies. Ces prisonniers coloniaux seront jugés « indésirables » sur le sol allemand en raison de leur couleur de peau, qu’ils soient Antillais, Asiatiques, Maghrébins, d’AOF ou de Madagascar. Les dirigeants nazis parlent de « contamination raciale » et de risques de « propagation de maladies tropicales », et décident que tous les prisonniers coloniaux seront transférés et internés en France. Le Grand-Ouest va très vite réunir la moitié des camps de prisonniers (Frontstalags) français de la zone occupée, et la Bretagne une grande partie de ceux-ci, depuis la direction rennaise.
La ville regroupe l’une des plus grosses concentrations, avec un effectif estimé à plus de douze mille prisonniers répartis sur trois camps. Les prisonniers sont mis au travail et vivent dans des conditions souvent très dures (les maladies et les décès sont nombreux) : agriculture, travaux forestiers, usines d’armement, puis travaux sur les chantiers du mur de l’Atlantique vont les mobiliser pendant quatre ans.
En 1944, les prisonniers coloniaux sont nombreux à s’évader afin de rejoindre les rangs de la Résistance, alors que les Alliés et l’armée française s’engagent dans les combats au cours de l’été. Depuis les plages de Normandie où débarque, en août 1944, la célèbre 2e division blindée du général Leclerc, aux combats, jusqu’en avril 1945, des bataillons de marche venus d’Afrique équatoriale ou des Somalis, des
tirailleurs et spahis maghrébins et des soldats antillais, ce sont près de cent vingt mille hommes levés à travers tout l’Empire qui contribuent à la victoire dans le Grand-Ouest. Ils sont engagés contre les « poches côtières » de résistance ennemie comme à Lorient. À Rennes, une colonne de « prisonniers coloniaux » africains évadés participe à la libération de la capitale bretonne. La Libération s’accompagne
aussi d’une période d’épuration. Les Algériens sont particulièrement stigmatisés, suspectés de collaboration à cause de leur utilisation sur les chantiers du mur de l’Atlantique par l’organisation Todt. Certains trouveront la mort, comme dans le Morbihan, alors que des Chinois dans les Côtes-d’Armor sont incriminés dans des trafics de marché noir. Dans le même temps, la presse locale accuse les GI’s afroaméricains de vol, violence et viol, contribuant largement à promouvoir une imageglobalement négative de ces libérateurs « noirs ». Pour autant, la grande majoritédes combattants coloniaux (notamment sur Rennes, Lorient, mais aussi sur les îlesde Ré et d’Oléron) sera associée à la Victoire aux côtés des troupes alliées, mais d’autres se mutineront comme à Brest et Morlaix devant le refus des autorités de payer leurs primes.
Source :
http://achac.com/file_dynamic/expo_bretagne.pdf