Les "inscrits maritimes", souvent, à l'époque, majoritaires dans les classes d'appelés de la Marine Nationale, pouvaient, effectivement, avoir des idées politiques acquises dans le civil, mais le gros du personnel, constitué, pour l'essentiel, d'engagés volontaires et d'hommes de carrière, pour l'équipage, de l'ordre de 60 à 65%, pour les officiers-mariniers, à peu près de 99% et chez les officiers, +/- 90%, lui n'en affichait aucune, si ce n'est une obéissance traditionnelle sans faille à la République et, par voie de conséquence, à sa gouvernance.
Durant les premières décennies de l'instauration de la IIIème République et avant la Guerre de 14, certains ministres, particulièrement marqués à gauche, s'étaient "attelés" à "l'éradication" de la (trop) forte tendance "cul-béni", affichée au sein du corps des officiers de marine, eux-mêmes, souvent, issus de familles bretonnes, mais çà correspondait, aussi, à l'ambiance générale, qui avait abouti, en 1905, à la promulgation de la loi de "Séparation entre l'Eglise et l'Etat".
Hormis cette situation spécifique, on ne trouve aucun officier-général ou supérieur de la Royale, qui aurait eu des velléités de coup d'état, contrairement, par exemple, à un Boulanger, ou de "sécession ouverte", comme De Gaulle (même si l'évolution du conflit lui donnera raison).
Les deux principaux cadres de l'armée navale FFL, en 1940, avaient été, pour l'un, Muselier, placé d'office en deuxième section, dès novembre 1939, par mesure disciplinaire, et dès lors, reconverti en journaliste puis en ingénieur civil, l'autre, Thierry d'Argenlieu, entré dans les ordres réguliers, dès 1919, avant d'être rappelé comme officier de réserve, en septembre 1939 et promu, en février 1940, capitaine de corvette - le tout premier grade des officiers supérieurs.
Il n'est pas question, ici, de minimiser leurs compétences, leurs rôles, ni celui des officiers et équipages qui avaient choisi de rallier ou étaient parvenus à s'extirper de la "nasse" du territoire français envahi, alors, par l'armée allemande. Peu de jours avant l'armistice et, alors, que, manifestement, l'armée française "vivait" ses dernières heures de combat, les autorités navales britanniques enjoignaient - c'est un euphémisme! -, encore, aux bâtiments français, de quitter, rapidement, les mouillages britanniques, où leur présence n'était que "provisoirement" admise! Ce seront les mêmes, qui, à l'été 1940, saisiront la Force X, à Alexandrie, et viendront "dézinguer" la flotte française amarrée (!) à Mers-El-Kébir, parce qu'elle refusait de se plier au diktat britannique, dont l'Amirauté, du haut de sa superbe, venait, enfin, de se rendre compte, qu'elle pourrait lui poser un sérieux problème, particulièrement, en Méditerranée, si, d'aventure, elle basculait, tout au moins, ses bâtiments, dans le "camp allemand"; ce qui n'avait jamais été le cas, preuve en est, avec le sabordage de Toulon, en 1942.
De toute manière, un, la Kriegsmarine, à l'invasion de la zone non occupée, ne disposait pas du personnel nécessaire pour réarmer les unités françaises saisies, qui, deux, auraient, elles-mêmes, exigées de coûteux et longs travaux de réactualisation. Pour mémoire, il avait fallu une grosse année de boulot aux arsenaux américains, bien à l'abri de toute agression éventuelle allemande - ce qui n'aurait pas été le cas, à l'inverse, de Toulon -, pour moderniser et refondre certains de nos croiseurs lourds les plus récents.
On retrouve, là, toute la complexité subtile d'une Armée Navale, conçue et construite en temps de paix, mais, pour laquelle, durant la durée d'un conflit moderne, les constructions se résumaient à de petites unités et, pour les grandes, telles que les cuirassés et croiseurs, à l'achèvement, quand c'était possible, des chantiers le plus souvent déjà bien entamés.
En 14-18, la distance franchissable "aller-retour" des appareils et leurs capacités d'emport en bombes avaient, très largement, limité les effets "directs" de l'aviation sur les installations de constructions navales et, même, les principaux mouillages d'escadre. Mais, très vite, peu après l'été 1940, ce n'était plus le cas, avec, au final, à dater de fin 1941, deux belligérants, les USA, le Japon et, accessoirement, les Brits, par le biais de leurs possessions australes, telle que l'Australie, dont les chantiers de constructions navales avaient été, plus ou moins, été à l'abri des bombardements, sauf, à partir de 1944, les installations nipponnes, qui étaient devenues la cible prioritaire des bombardiers américains.
Pour mémoire, Hiroshima et Nagasaki, ciblées, en août 1945, par les deux largages de la bombe "A", étaient des sites de constructions navales, considérés comme essentiels. Comme dirait "l'autre", il n'y a pas de fumée sans feu!