Loïc Charpentier a écrit:La décision du Grand Charles était une désertion pure & simple; il le savait parfaitement et en assumait les conséquences. L'Histoire lui a donné raison, mais bien malin celui, qui, en 1940 et, même, en 1942-1943, aurait pu prédire son avenir.
Dans des circonstances exceptionnelles, tout de même, les deux pays ayant conclu l'accord qu'aucun des deux ne signerait de paix séparée, et s'il y a un point sur lequel De Gaulle n'a jamais varié, c'est l'accusation de trahison contre Vichy. Ajoutons à cela qu'il est tout de même déroutant de voir le vaincu s'engager quelques temps plus tard dans une politique de collaboration avec le vainqueur...
Dans la liste des ralliés à De Gaulle vous avez oublié Catroux, général 4 étoiles très connu à Londres, qui a correctement évalué le projet politique de De Gaulle et s'est donc mis sous ses ordres. Projet politique, en effet, celui d'une légitimité alternative. A René Cassin :"[Reconstituer] l'armée française ? Nous sommes la FRANCE !" (Pour oser cela, et même pour seulement l'imaginer, il fallait être à la fois très doué, mégalomane et... doté d'un caractère pour le moins rugueux.... Objectivement, au départ, des chances proches de zéro !)
Peu avant l'armistice nombre de hauts gradés avaient manifesté des velléités de continuer le combat. Darlan - oui, Darlan - disait : "Si l'on parle de signer l'armistice, je terminerai ma carrière par un acte de splendide indiscipline et conduirai la flotte en Angleterre." De son côté Noguès - qui dirigeait l'AFN - télégraphiait à Bordeaux pour demander "l'autorisation de faire sécession" et de continuer le combat. Ce qui sépare De Gaulle de ces rebelles en carton-pâte : il n'appartenait pas à la même génération et n'était pas couvert d'honneurs. On peut y ajouter qu'il avait eu l'occasion de fréquenter Pétain et de l'évaluer sans idolâtrie, contrairement à la génération précédente.
A Malraux qui lui faisait remarquer que le texte des mémoires de guerre ne rendait guère compte des débats qui avaient dû l'agiter au moment de déserter, il répondit :"Mais Malraux, ce fut é-pou-van-ta-ble ! " (Source : Lacouture.) Tout De Gaulle qu'on soit, on ne met pas fin facilement, à 50 ans, à une carrière vouée - avec quelques écarts - à la discipline.
A noter que, après la Libération, son élévation en grade ne sera jamais évoquée. Il s'en foutait, très probablement, mais bon...
Après avoir quitté le pouvoir en janvier 46, il reçoit la visite de Edmond Michelet, ministre des armées, qu'il estime, chargé par le gouvernement de la corvée : aller demander à De Gaulle ce qu'il faut faire de son grade temporaire, à l'occasion de son départ en retraite...
Quoi ? Nommé maréchal par Félix Gouin ? Michelet reçoit son paquet : "Toute solution que l'on tenterait d'apporter à ce problème - à supposer qu'il y en ait un - ne pourrait revêtir que le caractère du ridicule. L'histoire se chargera de le régler."
Il partira donc avec une retraite de colonel.