Bonjour,
En attendant de voir le documentaire, un texte-témoignage sur la fin du Meknès vu du bord et extrait de ce site:
http://reydelam.blogourt.fr/84512/HISTO ... pisode-17/"Le naufrage du MEKNES, par Yves DUCHESNE, Commissaire de Bord.
En 1940, le paquebot de 18000 tonnes, MEKNES, dont j'étais Commissaire, avait joué son rôle comme nombre d'autres navires français réquisitionnés ; il avait embarqué les troupes évacuées de DUNKERQUE, celles revenant de NARVIK, le personnel de la Cie Gale Transatlantique du Havre. Après DUNKERQUE, BOULOGNE, LE HAVRE, CHERBOURG, BORDEAUX, LISBONNE et CASABLANCA, il avait rejoint PLYMOUTH en Angleterre.
Un jour, vers le 20 juillet 1940, le MEKNES reçoit l'ordre de revenir à SOUTHAMPTON, et là, se confirme la nouvelle que le navire va servir à ramener des ressortissants français, gens de mer pour la plupart, dans leur pays.
Le 24 juillet 1940, vers 17H00, le ciel est couvert, il bruine et une bise souffle de noroît. Le MEKNES décolle du quai, déhalé par les remorqueurs.
Mille trois cents personnes environ, sont à bord, y compris l'équipage du paquebot.
Bientôt la pluie cesse et le ciel se découvre. Les avions de la Lutwaffe ne se montrent pas. Les goelands suivent le navire dans le vent, presque sans un coup d'ailes. Nous faisons route vers MARSEILLE.
Le repas du soir est gai. La cuisine a une réelle saveur. Le pain ressemble à du pain. Ce paquebot, c'est déjà un peu la France. Après diner, le salon est envahi par les joueurs de bridge que même le piano ne dérange pas.
la nuit est tombée et il fait beau. Le MEKNES navigue feux clairs ; les pavillons tricolores peints de chaque côté sur sa coque sont éclairés par de grosses lampes. je vais faire un tour sur le pont avec le Docteur VEDRENNE et il est presque 11H00 lorsque nous regagnons nos cabines. Nous sommes encore dans la coursive quand nous parviens le son caractéristique : tac tac tac tac, des coups bien espacés puis un coup plus fort - Boum !
Le navire est attaqué à la mitrailleuse et, à babord, par un petit canon. De ma cabine située à tribord, j'entends les balles s'écraser contre la coque. Mauvais ! L'assaillant continue de mitrailler ; un hublot vole en miettes. Tout le monde gagne hâtivement les hauteurs. Après un tour dans les coursives, je jette un coup d'oeil dans une cabine près de la mienne où, avec un enfant, se trouvaient deux femmes, les seuls passagers féminins ; elles sont déjà montées.
Le garçon de cabine, LEBERRE, de LEZARDRIEUX, dans les Côtes du Nord, un beau gars de 24 ans - et qui devait y rester - me dit : "Commissaire, n'oubliez pas de capeler votre gilet de sauvetage". Ce que je fais aussitôt. En revenant vers la salle à manger, j'y trouve le Maître d'hôtel principal, le brave PIRIOU : "Oh Commissaire, ça y est, ils nous ont eus"
Sur le pont, plusieurs officiers rejoignent l'escalier qui mène au pont promenade. Le MEKNES a stoppé et tous croient à un arraisonnement, soit par un navire anglais, soit par un navire allemand.
L'affaire va s'éclaircir, il n'est que de s'expliquer. Une interruption du mitraillage, nous entretien un instant dans cette idée. Mais comme je parviens dans les hauts, l'arrosage reprend. Dans la nuit, le départ et la trajectoire des balles traçantes sont bien distincts ; elles semblent venir vers la paquebot avec lenteur. Nous redescendons dans la coursive, fort mécontents car le malentendu semble bien long à dissiper ; il est vraiment désagréable de se trouver dans cette situation de gibier, exposé sans défense aux coups du chasseur. L'attente dure une ou deux minutes, la mitrailleuse continue à tirer.
"il ne reste plus qu'à nous torpiller" dit quelqu'un ! "Ce sera complet".
A peine a-t-il achevé ces mots qu'une formidable secousse ébranle le Meknes. La torpille d'une vedette allemande qui nous attaquait (on ne le saura que plus tard) nous a touchée de plein fouet à babord, entre les cales 3 & 4. D'un même mouvement, nous refluons vers l'escalier.
Entre l'instant où la torpille frappe le Meknes et que le navire sombre, il ne s'écoule que quelques minutes. a peine quelques minutes (quatre selon les uns, huit selon le rapport du Commandant) pour évacuer un paquebot où sont embarqués des centaines de passagers, c'est court, très court. Quand je tente de reconstituer ce laps de temps, il me semble pourtant très long.
je me décide à emprunter l'escalier pour rejoindre les embarcations du pont supérieur, mais il est envahi d'une foule qui reflue. "inutile de monter" me dit-on, "on affale les embarcations".
Je vois, en effet, à ma hauteur, un canot qui descend et une voix, venant des hauts lance : "Il faut quelqu'un, là-dedans, tout de suite pour faire armer les avirons et assoier les passagers".
Deux hommes sautent ensemble dans le canot. A peine y sont-ils, qu'un garant du bossoir avant est libéré, et que l'embarcation, ainsi larguée, bascule vers l'avant dans la mer. le pont est encore éclairé et le navire a peu de gite.
Le Capitaine d'un pétrolier qui déjà se trouvait à bord d'un navire torpillé en 1916, puis a connu la même mésaventure en juin dernier au large de Quiberon, est optimiste : "J'ai l'habitude de ces affaires, couvrez vous chaudement et attendez, pour vous jeter à l'eau, le moment que vous jugerez le plus favorable". Il allume sa pipe et s'éloigne.
Juste à ce moment, la lune apparait à l'horizon et, simultanément, la lumière s'éteint à bord du Meknes.....La suite sur le site en référence....