Je me contentait juste de préciser l'importance de l'usure des âmes sur les pièces de gros calibres. Il fallait compter un an de travail pour produire un seul canon!
En 1914, peu avant le déclenchement du conflit, les canons français de marine de gros calibre tiraient 20 coups à charge de combat pour les essais de matériel, 66 dans les deux années qui suivaient et 13 dans chacune des années suivantes. Cà nous faisait, en gros, moins de 100 coups en 4 ans! La baisse de vitesse et la perte de pression devenaient notables à partir du 170ème coups; on augmentait, alors, la charge propulsive pour compenser.
L'usure de l'âme ne nuisait pas à la précision, mais modifiait la portée, dans des proportions différentes selon le calibre des pièces et, aussi, selon les pièces d'un même calibre, ce qui avait, dès lors, pour résultat de rompre leur accord avec la télémétrie, alors que l'emploi de la direction de tir centralisée était, désormais, devenu la règle. A ma connaissance, la marine allemande avait été, à peu près la seule, à continuer, en parallèle, de cultiver le tir "séparé" par tourelle, pratique qu'elle utilisait, déjà, durant la Der des Ders.
Dans l'entre-deux-guerre, on s'était, surtout, efforcé de mettre au point des additifs destinés à abaisser la T° de combustion de la poudre, un des deux facteurs, avec la vitesse du projectile, de l'usure de l'âme.
Cette histoire d'usure de l'âme des grosses pièces de marine est très importante, voire essentielle, car, par exemple, le 17 cm Kanone in Mörserlafette 18, la plus grosse pièce (en matière de canon) de l'artillerie de campagne allemande (hors artillerie de siège ou sur voie ferrée), mis en service en 1941, avec une portée de 29 600 m, avait, lui, une durée de vie de 5000 coups et un obusier lourd 21 cm Mörser 18, 10 000 coups! On est très loin des usures "courantes" des pièces navales.