L'explication de la résurrection de ce fil est ici
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Entre-temps, j'ai eu non pas un an mais dix pour affiner mon analyse !
Florent Brayard et quelques autres ont aussi bien mis ce laps de temps à profit. De même Nicolas Bernard, pour émerger comme un bon spécialiste de la guerre germano-russe.
L'idée que l'information des nazis, même de très haut niveau, est différenciée, même sur la Shoah, a fait des bonds. Voici ce que j'en écris dans mon Histoire du Troisième Reich (Perrin, novembre 2014) :
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Après cet exposé on discute sur les modalités pratiques. Il faudra, a dit Heydrich, « peigner l’Europe d’ouest en est ». Le représentant des Affaires étrangères obtient qu’on laisse tranquilles
pour l’instant les Juifs, très minoritaires, d’Europe du Nord. On débat longuement du sort des métis, les Mischlinge.
Bien qu’Eichmann ait déclaré en 1960, lors des interrogatoires préalables à son procès, qu’on avait évoqué ce jour-là des méthodes de mise à mort, ce qui ferait de chaque participant
le coauteur pleinement conscient d’un crime prémédité, son procès-verbal ne donne pas cette impression. Heydrich indique en effet que « les aptes » seront mis au travail. Et les inaptes,
notamment les enfants ? Seul le sort des vieillards est partiellement précisé : les Juifs de plus de soixante-cinq ans, dit le chef du RSHA, ne seront pas évacués vers l’est, et s’arrêteront
à Theresienstadt ; comme il précise que 30 % des Juifs d’Allemagne et d’Autriche ont dépassé cet âge, cela reviendrait à porter à plus de 200 000 personnes la population de l’endroit, qui
peut au maximum en accueillir 50 000 et n’a jamais, de toute la guerre, dépassé ce chiffre. Heydrich dit aussi que les évacués passeront par des « ghettos de transit ». On peut comprendre
que les mères chargées d’enfants seront dirigées vers les quartiers juifs fermés de Varsovie, de Łódź ou de Cracovie, préalablement vidés de leurs « valides ». Mais ce n’est pas dit. Et puisque seuls
les vieillards allemands et autrichiens doivent être accueillis à Theresienstadt, il est facile de subodorer qu’une rafle sans point de destination habitable ne laisse pas aux Juifs et Juives âgés des
autres nationalités une grande espérance de vie. Heydrich met aux participants, dont certains, piliers de ministères berlinois, n’ont sans doute qu’une faible idée des atrocités déjà commises
à l’Est, le doigt dans un engrenage : ayant entendu tout cela sans broncher ni demander de précisions, ils ne devront pas trop s’étonner d’apprendre que bon nombre de ces « inaptes »
ont été exécutés à leur arrivée dans « l’Est ».
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