Bonsoir à vous toutes et tous,
En février 1943, à Berlin, il reste environ 27.000 juifs, employés comme travailleurs forcés dans les usines d’armement ou apparentés à des allemand(e)s "aryen(ne)s ".
10.000 d’entre eux sont Mischehen (mariés à des "aryens") ou Mischlinge (enfants de couples "mixtes ").
Goebbels (alors Gauleiter ou gouverneur de Berlin) décide de "débarrasser" la capitale des derniers juifs et lance la "rafle finale" aussi appelée "Fabrikaktion " ou "Grossaktion".
Il s’agit d’envoyer en déportation dans des camps d’extermination les juifs encore protégés, jusqu’à ce jour, par leur mariage avec un "aryen" ou une "aryenne" et non touchés par les lois de Nuremberg de 1935.
Environ 10.000 Juifs (essentiellement des hommes) sont arrêtés dans les usines ou à leurs domiciles et sont rassemblés, emprisonnés dans six endroits différents à Berlin (deux casernes, la salle de concert "Clou", la synagogue de Levetzowstraße, un bâtiment de la Grosse Hamburger Straße et le bâtiment du bureau d’aide sociale et de la jeunesse de la communauté juive de Berlin situé au 2-4
Rosenstraße).
Des femmes sans nouvelle de leurs proches s’inquiètent et le bruit se propage qu’ils ont été emprisonnés, notamment dans le bâtiment de la Rosenstraße.
Elles se rassemblent peu à peu face au bâtiment gardé par les SS, et cherchent à savoir si leurs proches y sont effectivement enfermés. Un premier rassemblement de 200 femmes se forme devant le bâtiment de la Rosenstraße, certaines y passent la nuit. Puis, elles réclament la libération de leurs maris arguant de leur statut de femmes "aryennes", de "bonne race allemande" en scandant la formule "Gebt uns unsere Männer wieder" (Rendez nous nos maris) .
N’obtenant aucune réponse, elles persistent et, au fil de la semaine que dure la révolte, le nombre des femmes rassemblées va augmenter jusqu’à atteindre quelques centaines. Vingt-cinq détenus de la Rosenstrasse sont déportés à Auschwitz.
Puis, la libération des prisonniers de la Rosenstrasse est annoncée sur ordre de J. Goebbels, en raison de leur statut particulier dû à leurs mariages mixtes et, certainement aussi,
en raison de la manifestation grandissante des femmes de la Rosenstrasse (les sources varient et évoquent de quelques centaines à sept mille femmes rassemblées dans la rue).
J. Goebbels note dans son journal que l’action a été provisoirement interrompue en raison de la protestation publique :
De grandes foules se sont rassemblées et ont même pris le parti des juifs et ce fut une scène désagréable (sic) .
Les vingt-cinq hommes, prisonniers dans l’immeuble de la Rosenstrasse, déportés à Auschwitz le 6 mars, mentionnés ci-dessus, sont renvoyés à Berlin, dès leur arrivée à Auschwitz. Les manifestantes ont réussi courageusement en une semaine à faire libérer leurs proches, résistant aux menaces des SS armés cherchant à les disperser, résistant également aux bombardements anglais. Alors que toute manifestation est interdite (en dehors de celles organisées par les nationaux-socialistes) durant le Troisième Reich, celle-ci a été l‘une des deux seules manifestations publiques de résistance au régime national-socialiste en Allemagne, et menée par des femmes.
Sources :
‘’Die Tagebücher von Joseph Goebbels’’. Teil II. Diktate. 1941-1945. 7. Januar bis März 1943. p.487
http://www.lacontemporaine.fr/images/zo ... trasse.pdfOn en parle également sur le forum :
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