On honore aujourd'hui les victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français sur le site de l'ancien camp d'internement de la route de Limoges.
Entrée depuis peu dans la lumière grâce au travail d'historiens ou de cinéastes*, l'histoire des camps « pour nomades » est très présente à Poitiers.
Selon l'historien Jacques Sigot, qui a recensé une quarantaine de camps sur le territoire français, « c'étaient des camps de concentration, pas d'extermination. Montreuil-Bellay (49) était bien le plus grand mais Poitiers avait deux particularités. Quand Hitler a chassé les Tsiganes d'Alsace, ils sont arrivés par classes entières avec leurs institutrices à Poitiers. Fin 1943, tous ont ensuite été envoyés à Montreuil.
Et puis, autre particularité, de janvier à juin 1943, le préfet de la Vienne a pioché dans le camp de la route de Limoges pour envoyer des hommes travailler en Allemagne. C'était la relève forcée. C'est la seule déportation de Tsiganes en Allemagne ».
Si dans les mémoires, le camp d'internement de la route de Limoges reste associé à celui d'un camp pour nomades, il faut rappeler qu'il fut d'abord créé, dès 1939, pour « accueillir » les réfugiés espagnols puis en 1941 plusieurs centaines de juifs, et à partir de l'automne 1943, un quartier pénitentiaire pour détenus de droit commun. Au final, entre 1939 et l'été 1944, 2.500 à 2.900 internés ont séjourné route de Limoges.
Des juifs,
des politiques,
des Espagnols
et des droits communs
Chaque année, en été, une cérémonie « à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France » se déroule au pied de la stèle marquant l'emplacement du camp, rue du Père-Jean-de-Fleury, dont le nom reste attaché aux Tsiganes auxquels il a tenté de venir en aide.
Tout comme celui de Jean-Louis Bauer, dit « Poulouche », figure de la communauté décédée en 2007. Lui qui avait connu ce camp ne manquait jamais une cérémonie, lui qui, entré au camp à l'âge de 10 ans, en était ressorti six ans plus tard, confiant à qui voulait l'entendre: « Je n'ai jamais vu un Allemand dans le camp. J'ai vu des gardiens français, des gendarmes, mais pas d'Allemands. J'en ai fait des lettres, sinon on n'aurait jamais parlé des Tsiganes... »
En 2002, l'association française pour l'hommage aux Justes parmi les Nations avait inscrit le nom de Jean-Louis Bauer et celui de la communauté tsigane internée parmi ceux ayant aidé les juifs à échapper à leurs bourreaux nazis...
* Sources: « Liberté », un film de Tony Gatlif (2010), Paul Lévy, « Un camp de concentration français: Poitiers 1939-1945 », éditions SEDES (1995), Jacques Sigot, « Des barbelés que découvre l'histoire », éditions Wallâda, (2010).
Jean-Michel Gouin - Centre Presse