La chasse aux juifs s'intensifie avec le retour de Laval au gouvernement en avril 1942. René Bousquet est nommé secrétaire général à la Police. Des milliers de juifs sont raflés à Paris (16 et 17 juillet 1942) avant d'être parqués au Vélodrome d'hiver. D'autres rafles ont lieu à Bordeaux, Rennes, Le Mans, Angers. En zone libre, les déportations de juifs étrangers débutent au même moment. À cet égard, le rapport du capitaine de gendarmerie de Cahors est significatif : « Le spectacle de ce train impressionna fortement et défavorablement les populations françaises non juives qui eurent à le voir. »
Lorsque le sinistre « statut des juifs » fut publié le 18 octobre 1940, les autorités catholiques étaient restées muettes. L'année suivante, elles avaient estimé ne pas devoir protester contre les premières rafles. Mais l'intensification de la persécution des juifs et la brutalité de la Police provoquèrent un effroi considérable. Plusieurs évêques et archevêques condamnèrent les mesures antisémites. Dans certains diocèses les protestations furent lues en chaire lors des messes dominicales. Ce fut le cas notamment du diocèse de Toulouse. En août 1942, l'archevêque de Toulouse rédigea une lettre qui sera lue dans toutes les paroisses de son diocèse. Le texte mérite d'être cité sur ce noble forum :
Mes très chers frères, il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme ; ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ? Seigneur, ayez pitié de nous ! Pourquoi sommes-nous des vaincus ? Seigneur ayez pitié de nous !
Notre Dame, priez pour la France !
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noë et de Récébédou. Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain ; ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien aimée, France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces excès, de ces erreurs.
Recevez, mes biens chers frères, l’assurance de mon affectueux dévouement.
La lettre de l'archevêque fut publiée quelques jours plus tard dans La Semaine catholique de Toulouse.