hilarion a écrit: ...une partie de l'administration allemande bien que celle-ci soit anti juive ne partage pas l'avis d'Himmler et consorts, qu'elle aimeait qu'une partie des juifs reste à leur poste de travail que cette dernière mette un certain nombres de freins pour empecher les déportation. Mon ressenti est-il bon?
Nicki le Bousier a écrit:...Car les intérêts sont nécessairement divergents Lorsque Himmler agit dans la pensée du Führer, c'est à dire liquidation de la population juive alors que Speer agit dans la pensée du führer, c'est à dire une production maximum de l'industrie de guerre qui nécessite une bonne gestion du potentiel de cette même population.
H
hilarion a écrit:...la SS, avec la réunion de Wansee vient s'imposer à l'ensemble de l'administration
Bonjour Nicki et Hilarion,
Vous avez tous les 2 en grande partie raison. Quelques précisions, extraites de certains de mes posts anterieurs:
1. En convoquant la réunion du 20 janvier 1942, dont le procès verbal, retrouvé après guerre, est maintenant connu sous le nom de "Protocole de Wannsee", Heydrich, bras droit d'Himmler, à la fois chef de la RSHA (Gestapo + Kripo + SD) , et gouverneur du Protectorat de Bohème et de Moravie (les territoires tchèques annexés), n'avait pas pour but "d'inventer" ou de divulguer la solution finale. Elle était déjà sérieusement démarrée même sans encore être une doctrine officielle, et sans encore jusque là avoir été nommée comme telle. Il n'avait pas non plus besoin de réunion pour promouvoir l'optimalisation technique de la chose: l'état SS, directement sous sa coupe, mais au nom d'Himmler, en était parfaitement capable et s'y employait énergiquement. Ce que voulait Heydrich était d'en faire explicitement (mais sous couvert d'euphémismes) une politique d'état, de régime, et d'y engager (c'était là la véritable raison d'être de la réunion) la responsablité des 3 piliers du Nazisme: le Parti, les Ministères concernés, et les organes sécuritaires, représentés e.a. par Eichmann, rédacteur du compte-rendu, revu et corrigé par Heydrich.
2. Je reviens sur la distinction capitale à faire entre les 4 usines de la mort (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka), et l'extermination réalisée à grande échelle dans les autres sites de l'univers concentrationnaire, et plus particulièrement Majdanek et bien sur Auschwitz. Ces derniers étaient destinés au séjour - bref et combien précaire - de déportés, pas seulement juifs, voués à l'extermination par le travail au profit du Reich, et par les mauvais traitements. Extermination immédiate pour ceux qui étaient jugés inaptes au travail, donc semblant de sélection, et de fait, quand même quelques survivants. Par contre, des 4 sites d'extermination, quasi personne n'a réchappé. L'horreur des camps est à peine moins grande que celle des usines de la mort, et la finalité était la même, mais le processus 1 peu différent.
C'est celà qui fait parler de "l'ambivalence" inhérente à Auschwitz ("the essential ambiguity of Auschwitz"). Ambivalence de moyens s'entend, pas de conséquences.
3. La coexistence de ces 2 "modes" de déjudéisation résulte de l'affrontement parfois acerbe entre l'école (!) éliminationniste et l'école exterminatrice de l'antisémitisme nazi (la coexistence concurrentielle de ces 2 écoles remontant déjà aux années 30, lorsqu'on envisageait l'émigration forcée de Juifs, e.a. à Madagascar, et longtemps avant le concept de la Solution Finale et son implémentation). Speer l'industriel représentait l'une, Himmler le doctrinal et ses sbires, dont Heydrich, l'autre. Hitler arbitrait... Il n'arbitrait pas entre antisémites et projuifs, ni entre éliminationnistes et exterminationnistes, mais entre les potentats locaux qui l'entouraient. Ceux-ci cherchaient tous à obtenir sa faveur, le plus souvent par soif de pouvoir plutôt que par conviction profonde. Ils représentaient chacun des tendences différentes, qui reposaient chacun sur une base de pouvoir différente, ils défendaient chacun un fief, des intérêts différents. Il y avait entre ces personnages, y compris les plus hauts placés, des rivalités féroces et une lutte sans merci, dans laquelle l'implémentation de la Solution Finale à laquelle ils oeuvraient tous n'était qu'un moyen parmis d'autres. Cf Goering v. Himmler, Speer contre Heydrich, les agissements de Bormann, les motivations d'Eichmann etc...
Que faut-il retenir de tous celà? Que l'extermination a connu des fluctuations dans le temps, et dans son intensité, même si paradoxalement, alors que l'effort de guerre était de plus en plus lourd, celle-ci n'a fait que s'amplifier au fur et à mesure des échecs militaires du Reich, et du rapprochement de la défaite finale. Encore une fois, pas de fléchissement dans l'acharnement antisémite ni l'allégiance au Fuhrer, et certainement pas d'hésitation ni d'obstacle à la poursuite de la Solution Finale, mais des variation dans les moyens employés, selon le poids politique des 1 ou des autres, se réclamant tous de la volonté d'Hitler.
Voilà, j'espère avoir apporté 1 peu de clarté.
Amicalement,
Alain
Dernière édition par tagnon le 24 Nov 2008, 22:04, édité 1 fois.