Bonsoir sekhmet,
sekhmet a écrit:salut à tous,
J'ai une question sur le camp de Landsberg, chose qui m'avait marqué en regardant BOB.
A un moment, lors de la Libération de ce camp, on voit un plan sur l'ensemble du camp. Ensuite on est avec deux soldats de Easy qui constatent que les déportés sont tatoués, et l'un deux a la réflexion suivante "tatoué comme du bétail".
Ce que je voulais savoir, c'est : est-ce qu'à Landsberg tatouait-on les déportés ? Je suis assez perpelexe, parce que le seul camp qui tatouait ces "pensionnaires" est Auschwitz et J'en suis à peu prêt sûr. Donc comment se fait-il que l'on est vu des déporté tatoués à Landsberg ?
J'ai une explication. C'est qu'il y a eut un tranferts de déportés avec les marches à la mort au moment de l'évacuation d'Auschwitz, avec l'avancée des Russes en Pologne.
Est-ce que quelqu'un en sait plus ?
Je vous remercie
Cordialement
Sekhmet
Effectivement, les tatouages de déportés n'eurent bien lieu qu'à Auschwitz, et selon une chronologie bien établie. Tous les déportés d'Auschwitz ne furent pas systématiquement tatoués, sans parler des victimes des tris à l'arrivée qui elles étaient directement envoyées à la chambre à gaz :
Le camp de concentration d'Auschwitz était le seul à tatouer les prisonniers à des fins d'identification. La cause sous-jacente était le taux élevé de mortalité parmi les prisonniers, qui pouvait atteindre plusieurs centaines par jour. Avec un nombre aussi élevé de morts, il était parfois difficile d'identifier tous les cadavres. Si les vêtements portant le numéro du camp étaient retirés des cadavres, il n'était plus possible d'établir quel était le numéro du mort. A l'hôpital du camp, (Haftlingskrankenbau, HKB), où mouraient beaucoup de prisonniers, les employés commencèrent à noter le numéro de camp des prisonniers sur la poitrine de ces derniers à l'encre indélébile. Les difficultés d'identification des cadavres augmentèrent en...1941, lorsque commença l'élimination en masse des prisonniers de guerre soviétiques. C'est alors que l'administration du camp décida d'adopter le tatouage, qui fut utilisé pour la première fois sur plusieurs milliers de prisonniers de guerre soviétiques. Ces derniers furent tatoués à l'aide d'un tampon métallique spécial contenant des chiffres interchangeable composés d'aiguilles d'environ un centimètre de long. Ce tampon, appliqué sur le haut de la poitrine, permettait de tatouer d'un seul coup l'ensemble du numéro. On appliquait ensuite de l'encre sur la blessure saignante. Les prisonniers de guerre devant être tatoués étaient si faibles qu'on devait les appuyer contre un mur afin qu'ils ne tombent pas lors de l'application du numéro. En mars 1942, le personnel commença à tatouer de la même façon les prisonniers émaciés de KL Birkenau, dont l'état de santé laissait présager un décès proche. (Seuls quelques Polonais portant des numéros tatoués sur la poitrine durant cette période survécurent à leur internement dans ce camp.)
"Comme le tampon de métal s'avérait peu pratique, on réalisa ensuite le tatouage en perçant la peau de l'avant-bras gauche à l'aide d'aiguilles individuelles. Les marques de perforation formaient les chiffres individuels composant le numéro de camp. On commença à tatouer les prisonniers juifs de cette façon à Birkenau dès 1942. Au printemps 1943, l'administration du camp décréta que tous les prisonniers (les nouveaux arrivés et les prisonniers déjà enregistrés) devaient recevoir un tatouage indiquant le numéro du camp. Un certain nombre de prisonniers allemands et de prisonniers passibles de réformation (Erziehungshaftlinge) ne furent pas tatoués. Plusieurs catégories de prisonniers reçurent un symbole supplémentaire devant le nombre -- par exemple, certains Juifs (mais pas tous) portaient une tatouage représentant un symbole triangulaire ; les Tsiganes reçurent la lettre "Z" (la première lettre du mot allemand Zigeuner, ou Tsigane) ; et, à partir de mai 1944, les Juifs reçurent une lettre supplémentaire, "A" ou "B", correspondant à la série de chiffres donnée utilisée à chaque période. Pour une raison inconnue, les prisonniers faisant partie de plusieurs transports en 1943 reçurent un tatouage indiquant le numéro du camp sur l'avant de l'épaule gauche.
"Une fois tatoués, les prisonniers étaient identifiés en fonction du numéro de camp apparaissant sur leur avant-bras. A Birkenau, les cadavres des prisonniers décédés étaient placés devant les blocs d'habitation de façon à ce que leur main gauche et le tatouage du numéro de camp soient visibles."
Source: Franciszek Piper et Teresa Swiebocka, eds., Auschwitz: Nazi Death Camp (Oswiecim: The Auschwitz-Birkenau State Museum, 1996), pp. 60-61.
Concernant les transferts de déportés d'un camp à l'autre, il est effectivement très difficile de trouver un témoignage précis d'une personne ayant été tatouée à Auschwitz et s'étant par la suite retrouvée à Landsberg. Dans le cadre des marches de la mort au départ de Auschwitz en janvier 1945, il n'y a pas non plus trace officielle de marches directes entre Auschwitz et Dachau, complexe concentrationnaire dont dépendait Landsberg. La marche se rapprochant le plus étant celle aboutissant à Mathausen, qui s'est peut être poursuivie pour certains malheureux jusqu'à Dachau. Mais là encore, je n'ai pas trouvé de témoignage direct.
http://www.ushmm.org/wlc/media_nm.php?l ... ediaId=729
En conclusion, même s'il n'est pas impossible que certains déportés libérés de Landsberg par la Easy aient eu un tatouage au bras, il est certain qu'il ne s'agissait pas de la majorité d'entre eux.
En revanche, 60 ans après, l'imaginaire populaire, et donc les scénaristes télé et cinéma, attribueront facilement l'image du déporté au symbole du tatouage. Il s'agit malheureusement j'en ai peur d'un effet dramatique uniquement monté pour la série.
Je laisse le mot de la fin à Primo Levi dans "La trêve" :
"je sentais le numéro tatoué sur mon bras crier comme une plaie."
A lire absolument, ainsi que "Si c'est un homme" du même auteur.
Amicalement,
Christophe