Bonsoir, M. Bernard.
Nicolas Bernard a écrit:Pas de problème en ce qui me concerne, même si je trouve qu'en définitive votre message ne nous fait pas beaucoup avancer.
Merci de votre indulgence en ce qui concerne la longueur mon message.
La discussion ayant changé de fil, mon but était, dans la première partie, de contribuer modestement, à mon échelle, à l'éclairage de ce document dont des extraits sont souvent utilisés sur le net (c'est un peu du réchauffé, je vous l'accorde, mais il y a quelques éléments nouveaux par rapports à ma première tentative d'explication de texte). Dans un deuxième temps, j'ai résumé en partie mes arguments, ainsi que les vôtres, et me suis défendu contre l'accusation de contradiction (une des pires, à mon sens).
A la lecture de votre dernier message, je mesure, pour ma part, un petit bout de chemin parcouru.
Nicolas Bernard a écrit:Himmler est le numéro 2 du régime nazi, et il ne serait pas informé des modalités de l'offensive allemande à l'Ouest ?
Peut-être était-il informé des modalités de l'offensive à l'ouest. Reste encore à savoir à quel point, si ces informations l'intéressaient, etc. En effet, au niveau politique, Himmler était n° 2. Mais jouait-il un rôle à l'OKW en mai 1940 ? Peut-être ai-je une image biaisée, mais je vois Himmler comme intéressé essentiellement à cet époque (volontairement ou non) par l'aspect "police" et épuration raciale de la conquête, laissant à Hitler et à la Wehrmacht la question militaire (même si on interprète une célèbre photo de Himmler à l'été '40, accoudé sur la barrière de la douane des Verrières-de-Joux, comme contemplant cette Suisse qu'il envahira bientôt).
Ce fait me paraît corroboré par le rôle de la SS dans l'Opération Barbarossa, allant jusqu'à retirer des Waffen-SS du front et réquisitionner des éléments de la Wehrmacht pour appuyer les
Einsatzgruppen et entamer la germanisation de l'Union soviétique au lieu de rassembler toutes les forces disponibles contre Moscou. Cela me paraît procéder d'une logique de "chacun sa tâche".
Nicolas Bernard a écrit:En tous les cas, qu'il soit convaincu d'une victoire à l'Ouest ou qu'il l'espère, reste que son mémorandum recommandant entre autres l'envoi des Juifs en Afrique ne peut s'inscrire, chez lui, que dans l'optique d'un tel succès.
Espère-t-il la victoire ? Evidemment. Mais cela, depuis le déclenchement de la guerre. A quoi bon échafauder des plans de germanisation de la Pologne, si on craint fortement de devoir la rendre ? Mais plans il échafaude en février, plans il échafaude en mai. Il est évident également qu'une victoire à l'ouest est indispensable (sauf en cas de peu probables négociations), mais cela, en novembre '39 déjà.
En février, Himmler parle de la Pologne devant les fonctionnaires du parti et les
Gauleiter. Il parle alors d'envoyer des Juifs en Palestine, alors que cette région est sous administration britannique. Aucune avancée majeure n'est enregistrée au profit de la Wehrmacht à ce moment-là.
Nicolas Bernard a écrit:D'où ma question : où voulez-vous en venir, à propos de ce mémorandum ? Plus précisément : estimez-vous que Hitler ait pris au sérieux le "projet malgache" ?
En ce qui me concerne, je trouve important d'essayer de montrer que ce document n'est pas en rupture avec le génocide du peuple juif, mais qu'au contraire on y retrouve des éléments importants pour l'histoire de la Shoah. Que bien qu'on continue de débattre sur l'existence ou non d'un ordre d'extermination avant l'invasion de l'URSS, ce mémo contient les éléments fondamentaux qui feront l'action des
Einsatzgruppen. Et le Plan Madagascar n'en fait pas partie. Par contre, il s'inscrit dans cette volonté d'élimination physique des Juifs (dans le sens de faire que le peuple juif ne soit physiquement plus là, et non en particulier de meurtre... quoique...)
En ce qui concerne le débat, je cherche à montrer que le Plan Madagascar prend, dans ce mémo, une place si secondaire qu'il ne saurait avoir été la cause de l'émission.
Quand à l'avis de Hitler, je n'en sais rien. Au niveau des faits, il est clair qu’aucune négociation avec Vichy n’a abouti à l’acceptation du gouvernement français d’une colonisation de Madagascar par le peuple juif sous l’égide des Allemands ; qu’effectivement, cette déportation n’aura pas lieu. Votre hypothèse d'une utilisation alibi, diplomatique, écran de fumée de ce plan par le Führer, à l’insu même de son entourage, étant bien étayée et n'y ayant pas trouvé de faiblesse majeure (le débat qui nous occupe ne l'attaque en rien), je l'accepte volontiers, toutefois avec le doute qui s'impose : jusqu'à démonstration du contraire.
Quelques difficultés à faire court... encore une fois désolé.
Bien à vous,
Christian