kain a écrit:Tout d'abord le gouvernement de l'intérieur polonais a t'il eu connaissance des vraies conditions de vie dans le ghetto ou a t'il été manipulé par la propagande nazie?
Absolument. Le gouvernement polonais en exil était présidé par le général
Sikorski et avait été plus ou moins mis en avant par les Français dès la fin de la campagne de Pologne de septembre 1939, Paris s'attachant à ce que l'ancien régime du colonel Beck demeurât interné en Roumanie.
Sikorski était soucieux de contrer l'antisémitisme polonais, et avait garanti aux Juifs l'égalité civique une fois le pays libéré. A ce titre, le sort réservé aux Juifs de Pologne ne lui avait pas échappé.
Il avait fermement condamné les persécutions et l'instauration des ghettos, repris en cela par la majorité de la presse clandestine et l'Eglise catholique. De plus, le gouvernement polonais en exil s'attacha à diffuser des informations relatives au génocide juif, initiative suffisamment rare pour être notée.
Il convient de signaler qu'une autre partie de ladite presse clandestine s'est, pour sa part, réjouie de la politique allemande envers les Juifs, du moins proclamait qu'il n'était pas question de risquer la peau d'un Polonais pour celle d'un Juif - voir Henri Michel,
Et Varsovie fut détruite, Albin-Michel, 1984, p. 94-95. Des relents d'antisémitisme s'étaient faits jour au sein du Gouvernement,
et même de l'armée du très héroïque général Anders (qui déclarait à ses officiers en novembre 1941 qu'il comprenait fort bien leur antisémitisme, mais que leurs alliés occidentaux étaient victimes de pressions juives, et que la question juive ne pourrait être résolue qu'après la guerre). Et ce ne fut qu'après les grandes déportations de l'été 1942 que fut mise sur pied l'organisation clandestine
Zegota, le Comité d'aide aux Juifs financé par Londres.
A l'issue de l'insurrection du ghetto,
Sikorski stigmatisa la répression allemande (il mourut dans un accident d'avion peu après). L'
A.K., l'armée de l'Intérieur polonaise non-communiste, avait remis aux insurgés
plusieurs dizaines de pistolets, de revolvers et de grenades (il est vrai sur les 556 mitrailleuses, 1.097 mitraillettes, 31.390 fusils, 5 millions de cartouches qu'elle possédait sur l'ensemble du territoire polonais), et envoya deux équipes de dix hommes assister les révoltés. Des trous furent creusés dans le mur du ghetto, pour favoriser la fuite, et le chef militaire de l'
A.K., le général Bor Komorowski, insista pour que les survivants recueillis fussent bien traités - ce qui ne fut pas toujours le cas, loin de là, outre que ces Résistants refusaient d'intégrer ces Juifs dans leurs rangs. La Résistance communiste aida également les insurgés.
Quelques rares actions de diversion avaient été menées. Le
S.S. Gruppenführer Stroop, qui supervisa la liquidation du ghetto, nota dans son rapport du 20 avril 1943 que depuis la veille,
"une partie de nos unités engagées dans l'opération est tout le temps sous le feu de tireurs situés hors du ghetto, c'est à dire dans la partie aryenne de la ville."Savez vous ce qu'est devenu Von Sammern après son renvoi de la tête des troupes au profit de Stroop ?
Il fut muté en Yougoslavie, comme tant d'autres S.S. devenus "inutiles" (ainsi le personnel des camps d'extermination du "Gouvernement général" polonais) et fut tué par les partisans le 20 septembre 1944.
connaissons nous un chiffre plus ou moins exact des membres de l'organisation juive de combat?
J'ai lu "parole du bourreau" ou Stroop raconte l'insurrection mais ses chiffres étant peu fiables je me méfie. Il parle de 4000 insurgés environ mais sauf erreur je crois qu'une deuxième organisation juive à combattu les allemands.
Difficile de comptabiliser, sachant que de nombreux "non-combattants" juifs ont prêté main forte aux insurgés. Ce que l'on sait, c'est que les unités "combattantes" juives regroupaient au moins 700 hommes, armés de 500 pistolets, 600 grenades, autant de cocktails Molotov, une vingtaine de fusils, une seule mitrailleuse (Henri Michel,
op. cit., p. 166-167). A l'époque, on peut estimer qu'entre 40.000 et 60.000 Juifs demeuraient au sein du ghetto, sur une population de 350.000 âmes en juillet 1942 (265.000 Juifs varsoviens avaient été déportés, gazés et incinérés dans ce laps de temps) - voir Georges Bensoussan, "De la 'zone d'épidémie' au ghetto : la mort programmée d'un peuple septembre 1939 - mai 1943", in Hillel Seidman,
Du fond de l'abîme. Journal du ghetto de Varsovie, Plon, coll. "Terre Humaine", 1998, p. 405.
Et enfin l'affaire des drapeaux, car au début de l'insurrection le drapeau polonais et juif flottait en appel à la rébellion. Stroop mentionne toujours dans ce livre, que la population polonaise était fortement marqué par cette insurrection mais que certains gardaient un avis neutre en disant "ce ne sont de toute manière que des juifs". Une fois les drapeaux mis en place, la population en "zone Aryenne" changea radicalement de position et les journeaux de propagande allemande ne firent plus effet. Nous savons que des journaux clandestins mentionnaient l'insurrection et saluaient le courage des juifs mais que leurs aides n'étaient que trés limités. Y'a t'il eu hormis de la nourriture (des photos le montre) également des armes qui furent distribués par la population civile?
Oui, tout à fait. Comme signalé plus haut, la Résistance polonaise (non-communiste et communiste) prêta main forte aux insurgés - de manière certes limitée, sans que l'on puisse déterminée la part jouée par la clandestinité et celle de l'antisémitisme. Evidemment, les "Aryens" comprenaient leur lot de profiteurs, et de délateurs. Mais d'autres tinrent à venir en aide, voire nourrir et héberger, des Juifs fuyant le ghetto.
A toutes fins utiles, le
rapport final de Stroop, produit par le Ministère public à Nuremberg, a été mis en ligne.