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HOMMAGE DE LA NATION AUX JUSTES DE FRANCE

De l'opération T4 à la solution finale, la dictature nazie atteint un degré d'horreur jamais atteint dans l'histoire moderne. Juifs, homosexuels, communistes, dissidents, Tziganes, handicapés sont euthanasiés, déportés, soumis à des expériences médicales.
MODÉRATEUR : Gherla, Frontovik 14

HOMMAGE DE LA NATION AUX JUSTES DE FRANCE

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de laverdure  Nouveau message 11 Jan 2007, 16:17

Le Président de la République Française Monsieur Jacques CHIRAC rendra un hommage national aux Justes de France
Jeudi 18 JANVIER 2007 à 17 h 30
dans la nef du Panthéon (Paris V°)
retransmission en direct sur FRANCE 2

Déroulement prévisionnel de la cérémonie
- Discours de Madame Simone Veil, présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
- Diffusion de l'oeuvre audiovisuelle d'Agnès Varda.
- Discours du Président de la République.
- Interprétation par l'ensemble vocal Accentus de l'oeuvre musicale «Figure humaine », de Francis Poulenc, sur des textes de Paul Eluard.
- Recueillement du Président de la République et de Madame Simone Veil devant l'inscription qui constituera l' « Hommage de la Nation aux Justes de France ».
Durée totale de la cérémonie : une heure.

Le texte de l'inscription dans la crypte au Panthéon
L'inscription replace l'action des Justes dans l'histoire, rend hommage aux Justes et aux Français de coeur et de courage qui ont permis aux Juifs d'échapper à l'extermination. Elle est un message d'espoir et d'humanité.
Cette inscription s'accompagne d'un panneau explicatif et représentatif des différentes catégories de la population française où les Juifs et notamment des enfants ont trouvé refuge.

HOMMAGE DE LA NATION AUX JUSTES DE FRANCE SOUS LA CHAPE DE HAINE ET DE NUIT TOMBÉE SUR LA FRANCE DANS LES ANNÉES D'OCCUPATION, DES LUMIÈRES, PAR MILLIERS, REFUSÈRENT DE S'ÉTEINDRE.
NOMMÉS « JUSTES PARMI LES NATIONS » OU RESTÉS ANONYMES, DES FEMMES ET DES HOMMES, DE TOUTES ORIGINES ET DE TOUTES CONDITIONS, ONT SAUVÉ DES JUIFS DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES CAMPS D'EXTERMINATION.
BRAVANT LES RISQUES ENCOURUS, ILS ONT INCARNÉ L'HONNEUR DE LA FRANCE, SES VALEURS DE JUSTICE, DE TOLÉRANCE ET D'HUMANITÉ.


Extraits du Communiqué de presse
Quiconque sauve une vie sauve l'Univers tout entier
Phrase du Talmud gravée sur la médaille des Justes décernée par Yad Vashem

Le Président de la République, sur proposition de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, présidée par Madame Simone Veil, a décidé de rendre hommage au nom de la Nation aux Justes de France qui ont, avec la Résistance, incarné l'honneur de la France et la fidélité aux idéaux républicains pendant l'Occupation.
Cet hommage se situe dans la droite ligne de la déclaration du Président de la République de 1995, et de l'ensemble de ses actions pour la transmission de la mémoire de la Shoah et son inscription dans l'Histoire de France. Il répond également à la vocation de la Fondation de transmettre l'histoire et la mémoire de la Shoah, y compris dans des aspects moins connus, comme l'action des Justes.

Les Justes de France
Le titre de « Justes parmi les nations » est décerné par le mémorial Yad Vashem de Jérusalem aux personnes ayant, pendant la Seconde Guerre Mondiale, sauvé des Juifs persécutés, au péril de leur vie.
Outre ces « Justes parmi les nations », de nombreuses personnes en France ont apporté leur concours et sauvé des Juifs, sans qu'ils aient pu être reconnus et honorés par le mémorial de Jérusalem : c'est grâce à l'action de toutes ces femmes et de tous ces hommes que les trois-quarts des Juifs de France ont pu être sauvés.

En France, le terme de Juste a été officialisé dans la loi votée à l'unanimité en l'an 2000, faisant du 16 juillet, qui commémore la Rafle du Vel d´hiv des 16 et 17 juillet (1942), « la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France ».

Plus de 2 600 Justes ont été identifiés en France, à ce jour, grâce aux témoignages de ceux qui leur doivent la vie.

Lors de la cérémonie, une oeuvre audiovisuelle d'Agnès Varda sera diffusée et l'ensemble vocal Accentus interprètera « Figure humaine », de Francis Poulenc, sur des textes de Paul Eluard. Une inscription honorant les « Justes de France » sera apposée dans la crypte du Panthéon, afin que leur mémoire puisse y être célébrée au même titre que celle des grands hommes qui y sont honorés.

La cérémonie, à laquelle participeront de nombreux Justes ainsi que les personnes qu'ils ont contribué à sauver, sera diffusée en direct sur France 2.
voir ici : http://www.debarquement-normandie.com/p ... 361#115361
France Culture proposera une programmation particulière autour de cet événement.
voir ici : http://www.debarquement-normandie.com/p ... 364#115364

Le Panthéon sera ouvert gratuitement du vendredi 19 janvier 2007 jusqu'au dimanche 21 janvier 2007 de 10 heures à 17 heures.
La scénographie et les écrans diffusant l'oeuvre d'Agnès Varda resteront en place pendant cette période.
Pour plus de renseignements : www.culture.gouv.fr

Fondation pour la Mémoire de la Shoah :
Les Justes de France
Les trois-quarts des Juifs de France ont survécu à l'occupation nazie en Europe entre 1939 et 1945, contrairement aux autres pays européens où les communautés juives ont été exterminées dans de très larges proportions (90 % en Pologne et dans les pays Baltes, 75 % aux Pays-Bas). Beaucoup le doivent à des Français et des Françaises qui leur ont porté secours, en les hébergeant et en les cachant, parfois ponctuellement, au moment des rafles, parfois pendant toute la durée de la guerre : de nombreux enfants juifs ont ainsi été confiés à des familles françaises qui ont pris soin d'eux jusqu´à la fin de la guerre.
L'appellation de « Juste parmi les nations » a été adoptée par l'État d'Israël, par une loi de 1953, pour désigner les personnes non juives qui ont pris des risques importants, mettant souvent leur vie en péril, pour secourir les Juifs voués à l'extermination par l'Allemagne nazie ; la France vient au 3e rang en ce qui concerne le nombre de Justes, après la Pologne (5000 Justes) et les Pays-Bas. Le village du Chambonsur-Lignon est la seule commune, avec celle de Niewlande aux Pays-Bas, à avoir reçu une médaille collective.

En France, le terme de Juste a été officialisé dans la proposition de loi votée à l'unanimité en l'an 2000, faisant du 16 juillet, qui commémore la Rafle du Vel d´hiv (1942), « la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France ».

Plus de 2600 Justes ont été identifiés en France, à ce jour, grâce aux témoignages de ceux qui leur doivent la vie, et ont reçu une médaille de l'Institut Yad Vashem, sur laquelle est gravée une phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l´Univers tout entier ».
En 2005, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah a financé la réalisation de la Galerie du sauvetage et de la Résistance, dans le nouveau musée de Yad Vashem à Jérusalem, qui accorde une place importante aux Justes et aux différents mouvements de Résistance en France. Par ailleurs, le Mémorial de la Shoah, auquel la Fondation pour la mémoire de la Shoah apporte un soutien financier permanent, a réalisé une « allée des Justes » avec les noms des 2 693 Justes de France, à proximité du Mur des Noms, où sont gravés les noms des 76 000 juifs déportés de France. Ce « Mur des Justes », ainsi que l'exposition réalisée à cette occasion, ont été inaugurés le 14 juin 2006.

Pourquoi un hommage de la Nation
Les efforts des différentes institutions de mémoire et d'histoire ont permis de mieux faire connaître le rôle des Justes qui ont secouru des Juifs pendant la guerre. Toutefois, leur action et l'importance qu'ils ont eue dans le sauvetage des Juifs de France sont encore insuffisamment prises en compte, car ces milliers d'actions individuelles, menées en général par des Français « ordinaires », ont la plupart du temps été passées sous silence, la plupart du temps à cause de la modestie de leurs auteurs, et ce même au sein des histoires familiales. En effet, si les « Justes des Nations » sont officiellement reconnus comme tels par Yad Vashem, de nombreux autres Français, individuellement ou dans le cadre de réseaux de sauvetage, de maisons d'enfants, d'institutions, ont caché et sauvé des Juifs de l'extermination, souvent à la demande d'ailleurs des réseaux d'organisations juives de combat ou de sauvetage.

Faire entrer ces « sauveteurs » au Panthéon est une façon de leur rendre hommage collectivement. Voilà pourquoi la Fondation a souhaité rendre un hommage à tous les « Justes », reconnus ou anonymes. Les Justes ne cherchaient pas les honneurs. Ils n'en sont que plus dignes. Ils ont agi « pour rien », « parce qu'il fallait le faire », disent-ils souvent. Rendre les honneurs de la Nation à des personnes le plus souvent modestes, anonymes, qui n'ont le sentiment que d'avoir obéi à leur conscience, représente non seulement un rempart contre l'oubli, mais un exemple d'humanité et de courage auquel chacun, individuellement, peut se référer. Il reste enfin l'immense gratitude de ceux qu'ils ont sauvés et qui leur doivent la vie.

Plusieurs projets ont été réalisés avec l'aide de la Fondation autour de la cérémonie :
- Les invités recevront le catalogue de l'exposition du Mémorial de la Shoah sur les Justes, préfacé par Simone Veil, et le CD audio de Radio France et Yad Vashem France qui rassemble dix témoignages de Justes.
- Toutes les classes de CM2 et les CDI des Collèges ont reçu un numéro exceptionnel du magazine Je lis des histoires vraies consacré aux Justes, publié en octobre 2006 par les Editions Fleurus Presse ; le numéro du Monde des Ados du 24 janvier 2007 consacrera également un long dossier à l'histoire des Justes.
- Un site internet sur les Justes, réalisé conjointement par le Ministère de l'Éducation nationale, la Fondation et France 5, sera mis en ligne en janvier avec la collaboration de l´INA.
- Un ouvrage édité dans la Collection FMS/Le manuscrit.com, en coopération avec le Comité français de Yad Vashem, présentera en 2007 un recueil de témoignages de personnes sauvées, choisis parmi les documents de Yad Vashem, avec les Justes auxquels elles doivent la vie.

Fondation pour la Mémoire de la Shoah
52 bd Malesherbes 75008 Paris
http://www.fondationshoah.info/


 

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Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de laverdure  Nouveau message 17 Jan 2007, 23:30

Un témoignage de Juste publié dans le Monde du 18 janvier 2007

A l'entrée du "Jardin des Justes parmi les Nations", à Jérusalem, est gravé sur une pierre cet extrait du livre de Joël (I, 1-3) :

"Ecoutez ceci, les Anciens,
Prêtez tous l'oreille, habitants du pays !
Est-il de votre temps survenu rien de tel,
ou du temps de vos pères ?
Racontez-le à vos fils,
Et vos fils à leurs fils,
Et leurs fils à la génération qui suivra."

La plaque qui doit être inaugurée jeudi 18 janvier au Panthéon sacrifie à ce devoir de mémoire, dont Primo Levi dit que l'idée de "laisser en témoignage" ne lui est venue qu'après coup, quand il comprit qu'il faut "graver dans son coeur" et "répéter à ses enfants".

A Auschwitz, nous dit Elie Wiesel, "dans les cendres, s'éteignirent les promesses de l'homme", et André Malraux, "pour la première fois, l'homme a donné des leçons à l'enfer". Ce n'est pas sur la fin de l'histoire que débouchent Auschwitz et les autres camps d'extermination, c'est d'abord, sur nos responsabilités.

Parce que le crime est toujours là, qu'il revêt encore des formes extrêmes, si unique qu'ait été la Shoah, l'urgence demeure de l'affronter pour le vaincre. Dire qu'après Auschwitz on ne peut plus penser l'avenir serait donner raison à Hitler, qui a voulu ôter tout avenir au judaïsme, et qui déclarait, au début de la guerre avec l'URSS, vouloir détruire le christianisme et le bolchevisme, ces "deux enfants du juif".

Oui, il faut que la mémoire soit transmise et que les générations nouvelles sachent que la force faible de ceux que cette plaque honore parce qu'ils ont sauvé des vies leur a permis de vaincre la force forte des nazis et de ceux qui les avaient rejoints. En un sens, le témoignage est une extension de la mémoire ; il doit lui être associé : ce serait mourir vivant que ne pas témoigner avec la gravité d'un serment. La plaque qui doit être inaugurée jeudi entretient la mémoire et témoigne.

"C'ÉTAIT LA CHOSE À FAIRE"

Là ne se limite pas sa portée. Son inauguration par le président de la République revêt une autre dimension, qui fait d'elle un événement historique.

Le monument sur lequel elle est apposée a été voué par la Constituante, en 1791, à l'accueil des restes des "grands citoyens". D'où l'inscription placée sur le fronton : "Aux grands hommes la Patrie reconnaissante". Le Livre de la Sagesse dit du "Juste" qu'il doit "être humain" (XII, 19), et le Livre de Tobie (qui fut déporté en Assyrie) qu'il est un homme bon et charitable (IV, 5-9 et XIV, 8-9).

Les attributaires de la "médaille des Justes" ne sont pas des "grands hommes" au même sens que Mirabeau, Cuvier ou Jean Moulin, mais des femmes et des hommes, en grande majorité issus des milieux humbles de la population, dans le coeur desquels est enfouie la bonté la plus élémentaire, cet absolu simple sans qui, s'il manque, rien ne compte. Placés devant le mal et le bien, la mort et la vie, ils ont choisi en toute simplicité la vie, quels que soient les risques que cela comportait pour eux et pour les leurs. A la question : "Pourquoi ?", ils répondent : "Parce que c'était la chose à faire", "Parce que nous aurions eu honte si nous ne l'avions pas fait", "Parce qu'il s'agissait d'enfants", ou même : "Parce qu'il suffit de vouloir. Nous sommes tous des Justes en puissance."

Les "Justes" n'ont pas, comme les déportés, "parlé avec la mort" (Charlotte Delbo) : ils lui ont arraché des vies humaines. Agissant ainsi, ils ont simplement été des hommes "normaux", pour lesquels être un homme tient à la capacité à aimer ce monde et à aimer les autres. Par-delà leurs personnes, cette plaque consacre la bonté humaine, cette "force faible" vraie "force de Présence" tendue vers l'Autre. Dans la devise républicaine, elle donne à la fraternité, en deuxième position entre la liberté et l'égalité, son rôle plein d'expression de ce que "l'homme", ce sont immédiatement "les" hommes.

Sur notre médaille, il est écrit "quiconque sauve une vie sauve l'univers entier". La force faible, qui nous a permis de le faire, procède de l'esprit. Il peut la rendre invincible. Il faut que, le sachant, les générations nouvelles s'imprègnent de cette vérité, afin d'être à même de faire face aux barbaries toujours renaissantes et, comme nous l'avons fait, gardent l'Espérance.

Henri Bartoli est un Juste parmi les nations.


 

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Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de laverdure  Nouveau message 11 Mar 2007, 16:32

Ci-dessous retransctription du discours prononcé le 18 janvier 2007 au Panthéon :

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la cérémonie nationale en l'honneur des Justes de France

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le président du Sénat,
Monsieur le président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et messieurs les ministres,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame la présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, chère Simone Veil, à qui nous devons cette cérémonie,
Monsieur le président de Yad Vashem,
Monsieur le Grand Rabbin de France,
Mesdames et messieurs,

Il y a 65 ans, dans l'Europe presque entièrement asservie, la barbarie nazie décide l'exécution de la solution finale. Une idéologie effroyable fait régner la terreur : une idéologie raciste, fondée sur cette croyance criminelle et folle selon laquelle certains hommes seraient par nature "supérieurs" à d'autres. Et cela, au cœur d'un continent qui se considère comme l'aboutissement même de la civilisation···

Innombrables sont celles et ceux que les nazis condamnent à mort a priori, à cause de leur origine, comme les Tziganes, à cause de leurs convictions religieuses ou politiques, de leurs préférences sexuelles, ou de leur handicap. Mais c'est contre les Juifs que se déchaîne avec le plus de cruauté et de violence systématique la folie nazie. Ce sont eux qui payent le tribut le plus effrayant : six millions d'êtres humains assassinés dans des conditions inexprimables. La quasi-disparition des Juifs d'Europe. La Shoah.

Comme dans un cauchemar, l'Occident se trouve renvoyé aux temps les plus noirs de la barbarie. À travers la destruction des Juifs, c'est au fond toute la civilisation judéo-chrétienne, toute la civilisation européenne, vieille de plusieurs millénaires, qu'Hitler veut abattre : l'invention à Athènes de la démocratie, l'éclosion à Rome d'une civilisation fondée sur le droit, le message humaniste des Lumières du XVIIIe siècle.

En France même, le pays des Lumières et des droits de l'Homme, le pays où tant de grands hommes se sont levés pour l'honneur du capitaine Dreyfus, le pays qui a porté Léon Blum à la tête du gouvernement, en France, un sombre linceul de résignation, de lâcheté, de compromissions recouvre les couleurs de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Le pouvoir de Vichy se déshonore, édictant de sa propre initiative, dès le 3 octobre 1940, le sinistre Statut des Juifs, qui les exclut de presque toutes les fonctions. Les Juifs de France sont d'autant plus stupéfaits de cet antisémitisme d'État que leur pays est celui qui le premier en Europe, dès 1791, leur a accordé les droits des citoyens. Ils aiment leur pays avec passion. Ils se sont battus pour lui, comme Marc Bloch et tant d'autres, en 1914 ou en 1939 : soudain, devant leurs yeux incrédules, la République abdique, rend les armes à Pétain et à Laval, cède la place à une clique revancharde et haineuse.

Voilà 65 ans, en France, il y a la honte du premier convoi de déportation, le 27 mars 1942. Il y a l'ordonnance allemande du 7 juin et l'ignominie de l'étoile jaune. Il y a le crime irréparable du Vel d'Hiv', les 16 et 17 juillet. Il y a, du 26 au 28 août, la rafle de milliers de Juifs étrangers en zone libre.

Mesdames et Messieurs,

Il y a les ténèbres. Mais il y a aussi la lumière. La France affamée, terrorisée, coupée en deux par la ligne de démarcation, est étourdie par l'ampleur de la défaite. Mais très vite, des voix s'élèvent. Dès le 11 novembre 1940, de Gaulle écrit de Libreville au Congrès juif mondial que le statut des Juifs n'aura aucune validité dans la France libre. Il fustige la violation, par Vichy, je le cite : "des principes de liberté et de justice égale, sur lesquels la République française était fondée". Puis, dans le pire effondrement de notre histoire, alors même que la Wehrmacht semble encore invincible, des Françaises et des Français en très grand nombre vont montrer que les valeurs de l'humanisme sont enracinées dans leurs âmes. Partout, ils accueillent, cachent, sauvent au péril de leur vie des enfants, des femmes, des hommes, persécutés parce qu'ils sont Juifs. Dans ce cauchemar éveillé que les Juifs vivent depuis 1940, la France, leur France, à laquelle ils ont cru si intensément, n'a pas tout à fait disparu. Dans les profondeurs du pays, une lueur d'espoir se fait jour. Elle est fragile, vacillante. Mais elle existe.

Il y a cette secrétaire de mairie qui fournit des papiers à des familles juives, et convainc les habitants du village de partager leurs tickets d'alimentation : le courage d'une seule personne a cristallisé la générosité de tous. Il y a ce couple d'hôteliers qui trouve sur le pas de sa porte un homme échappé d'une rafle, affamé et épuisé : ils l'hébergent pendant deux de ces années terribles. Il y a ce boulanger qui reconnaît un adolescent arrêté et avertit la direction de son école : prévenu, un officier de gendarmerie, membre de la Résistance, libère le jeune homme. Grâce à cette chaîne humaine de solidarité et de courage, une vie est sauvée. Il y a ce professeur de latin qui, jusqu'au bout, tente de protéger l'élève qu'il a présenté au concours général. Il y a cette concierge qui entend le crissement des freins des camions allemands, et fait le tour très rapidement des occupants juifs de son immeuble pour leur dire surtout de rester silencieux derrière leurs portes closes, et les sauve ainsi de la déportation. Il y a le pasteur Trocmé, qui entraîne avec lui, dans l'accueil de centaines de Juifs en fuite, tout un village, tout un plateau de Haute-Loire : Le Chambon-sur-Lignon, dont le nom résonne aujourd'hui, et pour toujours, dans nos cœurs. Il y a ces sœurs qui abritent, dans leurs couvents, dans leurs pensionnats, des enfants juifs. Il y a ces curés savoyards, devenus par la force des choses passeurs professionnels, qui emmènent les réfugiés de l'autre côté de la frontière. Il y a ce général commandant une région militaire qui refuse de prêter sa troupe pour surveiller l'embarquement de déportés, ce qui lui vaut une révocation immédiate. Il y a tous ces paysans, que nous a montrés avec tant d'émotion Agnès Varda, qui accueillent, aiment et protègent de si nombreux enfants.

Il y en a tant et tant d'autres, dans toutes les classes sociales, dans toutes les professions, de toutes les convictions. Des milliers de Françaises et de Français, qui sans s'interroger, font le choix du bien. Quel courage, quelle grandeur d'âme il leur a fallu ! Tous connaissaient les risques encourus : l'irruption brutale de la Gestapo. L'interrogatoire. La torture. Parfois même, la déportation et la mort.

Certains furent reconnus Justes parmi les nations. D'autres resteront anonymes, soit qu'ils aient laissé leur vie en aidant l'autre, soit que, dans leur modestie, ils n'aient même pas songé à faire valoir leurs actes. Certains sont ici aujourd'hui, ainsi que celles et ceux qu'ils ont sauvés. Je les salue tous, avec un infini respect. En France, grâce à cette solidarité agissante, selon le beau mot de Serge Klarsfeld, les Justes ont contribué à protéger les trois quarts de la population juive d'avant-guerre de la déportation, c'est-à-dire d'une mort presque certaine : sur plus de 75 000 déportés, seuls revinrent quelque 2 500 survivants. Et après quelles souffrances indicibles : vous pouvez en témoigner, chère Simone Veil, vous dont le courage, en toute circonstance, est un exemple pour la France. La majorité des Juifs assassinés ont été livrés aux Allemands par Vichy et par les collaborateurs. Mais la plupart des Juifs sauvés le furent par des Français.

Aujourd'hui, pour cet hommage de la nation aux Justes de France, reconnus ou anonymes, nous sommes rassemblés pour évoquer notre passé, mais aussi pour enrichir notre présent et notre avenir. "Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier", dit le Talmud, devise qui d'ailleurs orne la médaille des Justes. Il faut en comprendre toute la force : en sauvant une personne, chaque Juste a en quelque sorte sauvé l'humanité. Cette mémoire, soyez-en certains, soyez-en fiers, elle perdurera de génération en génération.

Par ce geste, vous nous incitez aussi à interroger notre conscience. Qu'est-ce qui fait que, confronté à un choix crucial, quelqu'un agit selon son devoir, c'est-à-dire en considérant l'autre pour ce qu'il est, une personne humaine avant tout ? Pour certains Justes, c'est une question de conviction religieuse, et ceux-là, n'en doutons pas, entendent le message de l'Église dans sa vraie vérité. D'autres, parfois les mêmes, appartiennent à des groupes longtemps opprimés, comme les protestants, ou sont viscéralement hostiles à la politique de Vichy pour des raisons notamment politiques. Mais, pour tous, c'est une réaction venue du plus profond du cœur, expression la plus haute de ce que l'on nomme la charité.

Toutes et tous, ils ont eu, vous avez eu le courage de voir et de comprendre la détresse avec les yeux du cœur. Ce courage anime Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, qui a été pour beaucoup dans la prise de conscience des catholiques de France. Infirme, reclus dans son palais épiscopal, il sait pourtant rendre concrètes, dans son admirable lettre pastorale, les souffrances injustifiables endurées par des êtres coupables du seul crime d'être nés. Ce courage de voir et de comprendre avec les yeux du cœur, on le trouve partout : chez ce voisin d'immeuble, que l'on connaît à peine et qui, sans poser de question, accueille votre famille alors que la milice frappe aux portes.

Vous, Justes de France, vous avez transmis à la nation un message essentiel, pour aujourd'hui et pour demain : le refus de l'indifférence, de l'aveuglement. L'affirmation dans les faits que les valeurs ne sont pas des principes désincarnés, mais qu'elles s'imposent quand une situation concrète se présente et que l'on sait ouvrir les yeux.

Plus que jamais, nous devons écouter votre message : le combat pour la tolérance et la fraternité, contre l'antisémitisme, les discriminations, le racisme, tous les racismes, est un combat toujours recommencé. Si l'antisémitisme s'est déchaîné dans les années 1930-1940, c'est faute d'avoir été condamné avec la fermeté nécessaire à cette époque. C'est parce qu'il a été en quelque sorte toléré comme une opinion parmi d'autres. Telle est la leçon de ces années noires : si l'on transige avec l'extrémisme, il faut bien le mesurer, on lui offre un terreau pour prospérer, et tôt ou tard on en paye le prix. Face à l'extrémisme, il n'y a qu'une attitude : le refus, l'intransigeance. Et c'est aussi sans merci qu'il faut lutter contre le négationnisme, crime contre la vérité, perversion absolue de l'âme et de l'esprit, forme la plus ignoble, la plus abjecte de l'antisémitisme.

Mesdames et Messieurs,

Les Justes ont fait le choix de la fraternité et de la solidarité. Ils incarnent l'essence même de l'homme : le libre arbitre. La liberté de choisir entre le bien et le mal, selon sa conscience. À tous, en ce lieu où elle honore ses grands hommes, la nation rend aujourd'hui le témoignage de son respect et de son estime. Vous incarnez aussi la France dans ce qu'elle a de plus universel, dans la fidélité aux principes qui la constituent. Grâce à vous, grâce à d'autres héros à travers les siècles, nous pouvons regarder la France au fond des yeux, et notre histoire en face : parfois, on y voit des moments profondément obscurs. Mais on y voit aussi et surtout le meilleur et le plus glorieux. Notre histoire, il faut la prendre comme un bloc. Elle est notre héritage, elle est notre identité. C'est à partir d'elle, et en traçant de nouveaux chemins, que nous pouvons nous engager tête haute dans les voies de l'avenir. Oui, nous pouvons être fiers de notre histoire ! Oui, nous pouvons être fiers d'être Français !

Ce que nous enseignent aussi l'effondrement de la République en juin 1940, l'illusion tragique du recours à Pétain et le déshonneur de Vichy, c'est à quel point une nation est fragile. Dans le confort de nos certitudes d'aujourd'hui, beaucoup ont le sentiment que la France est éternelle, que la démocratie est naturelle, que la solidarité et la fraternité peuvent se résumer au système de sécurité sociale. Dans une société qui, malgré ses difficultés, est prospère et stable, l'idée du bonheur semble trop souvent se ramener à la satisfaction de besoins matériels. Nous devons entendre votre message. Une nation, c'est une communauté de femmes et d'hommes solidaires, liés par des valeurs et un destin communs. Chacun est dépositaire d'une parcelle de la communauté nationale, et celle-ci n'existe que si chacun s'en sent profondément responsable. À un moment où montent l'individualisme et la tentation des antagonismes, ce que nous devons voir, dans le miroir que nous tend le visage de chaque être humain, ce n'est pas sa différence, mais c'est ce qu'il y a d'universel en lui. À ceux qui s'interrogent sur ce que c'est d'être Français, à ceux qui s'interrogent sur ce que sont les valeurs universelles de la France, vous, les Justes, avez apporté la plus magnifique des réponses, au moment le plus noir de notre histoire.

Et au nom de la France, au nom de la nation tout entière, je m'incline aujourd'hui devant vous avec respect et reconnaissance.


http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/f ... 70488.html



je me permettrai d'attirer votre attention sur les trois derniers paragraphes en particulier...


 

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