Post Numéro: 614 de François Delpla 22 Aoû 2018, 11:14
La manière octogonale de débattre n'est pas de mon goût, mais je fais avec.
Dans un post de forum on ne peut condenser tout ce qu'on a écrit et démontré par ailleurs et il suffit parfois, aux gens de bonne volonté, d'un clic pour que tout s'éclaire. Mais je peux aider si on me le demande gentiment.
Mon travail porte avant tout sur Hitler, et ma recherche sur la combinaison unique de psychose et d'intelligence qui s'opère dans son esprit au cours de sa trentième année, et perdure jusqu'à son dernier jour. Je travaille aussi, bien sûr, sur l'historiographie, et en l'espèce, sur les dégâts historiographiques, mais aussi et d'abord politiques, occasionnés par la méconnaissance de ce qui précède.
En d'autres termes : il est beaucoup plus aux commandes de son propre régime qu'on ne l'imaginait à l'époque, et que beaucoup l'imaginent encore aujourd'hui. Mais il agit discrètement, avec un grand art pour passer inaperçu.
Si on veut écrire cette histoire, il ne s'agit évidemment pas de lui attribuer au hasard un rôle dans les décisions apparemment prises par des subalternes. Il y faut des documents, de préférence, et à défaut une analyse fine des comportements et des hiérarchies.
La France est sa plus belle conquête mais elle est on ne peut plus délicate à gérer, dans le cadre d'une guerre qui tourne de plus en plus mal et qui, d'autre part, avait été conçue pour être courte : plus elle traîne en longueur et plus la France est importante économiquement. C'est déjà une raison de poids pour ne pas trop bousculer sa population, y compris, parmi elle, les Juifs assimilés qui ont souvent des compétences intéressantes.
Mais surtout : Hitler, au départ, touche le gros lot, avec Pétain. Le général vainqueur de la guerre précédente est le meilleur professeur de résignation qui soit. Il importe à la fois de le faire obéir au doigt et à l'oeil, et de ne pas trop le démonétiser.
C'est pourquoi la Révolution n'est pas, mais vraiment pas du tout, hors sujet ici. C'est elle qui a fait des Juifs des citoyens et, si, dans les années trente, l'Action française qui prônait un retour aux valeurs d'avant 1789, y compris sur ce plan-là, avait le vent en poupe, elle était loin d'être devenue majoritaire. Il fallait agir avec un immense doigté. Ce n'est pas pour rien que les maurrassiens, qui dans les premiers mois de Vichy tiennent le haut du pavé, voient leur influence diminuer dès le début de 1941. C'est qu'il faut rééquilibrer les choses, et que l'occupant s'y emploie.
D'un autre côté, sur un plan général, la prolongation de la guerre et son rapide enlisement en Russie accouchent, contre les Juifs, d'une Solution massacrante, de laquelle il n'est pas question de tenir la France écartée. La résultante de ces facteurs est qu'on lancera cette solution, en France, au moyen de rafles de Juifs étrangers (en priorité d'ailleurs et non en exclusivité).
Mais peut-être Octogone croit-il que c'est par hasard que Heydrich en personne, trois mois et demi après avoir présidé la conférence de Wannsee, vient lancer le processus en France ? Ou que dans leurs conversations Laval et Bousquet lui ont imposé le choix prioritaire des Juifs étrangers pour les trains à son corps défendant ?