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La Yougoslavie durant l'entre-deux-guerres

Le traité de Versailles donne lieu à l'instauration de la République de Weimar puis à la montée du National Socialisme. Quelques années plus tard, l'annexion des Sudètes et de l'Autriche annonce les prémices de la seconde guerre mondiale.
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La Yougoslavie durant l'entre-deux-guerres

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Kelilean  Nouveau message 18 Juil 2005, 15:08

Salut à tous,

J'ai eu l'occasion pour un autre site de faire un écrit sur la Yougoslavie pendant l'entre-deux-guerres. Je le mets ici car ça me semble l'endroit le mieux approprié.

La Yougoslavie

En 1941 (avant l'invasion allemande du 6 avril, opération Marita), la Yougoslavie est un état neuf. Comme la Tchécoslovaquie, sa création remonte à la fin de la Première guerre mondiale. Elle résulte de l'action conjuguée d'hommes politiques serbes et de certaines démocraties occidentales dont principalement la France et les Etats-Unis, soucieuses de voir se constituer dans cette partie remuante de l'Europe un Etat fort. Officiellement le royaume de Yougoslavie est une fédération de trois peuples, les Slovènes, les Croates et les Serbes. Dans la réalité, l'élément serbe apparaît dès le départ comme l'élément moteur du nouvel Etat, au détriment des deux autres. A ce premier problème s'ajoute la complexité de la carte ethnique et religieuse d'un pays où se côtoient et parfois s'imbriquent de manière inextricable trois communautés religieuses : catholique (Slovénie, Croatie et Bosnie), orthodoxe (Serbie, Croatie et Bosnie) et musulmane (Bosnie et Serbie) et une multitude de nationalités (Slovènes, Croates et Serbes bien sûr mais aussi Allemands, Roumains, Albanais, Hongrois, Ukrainiens, Slovaques et Bulgares).

Le caractère artificiel du nouvel Etat engendre des tensions qui le fragilisent. L'entre-deux-guerres est donc dominé par une vie politique houleuse marquée par le développement des antagonismes entre les principaux partis croates et serbes.

La politique intérieure yougoslave, 1919-1941

Au cours d'une première période (1919-29), le nouveau royaume fait l'apprentissage du parlementarisme. Au départ, les institutions semblent fonctionner à peu près normalement. Deux partis dominent la scène politique, résumant à eux seuls le profond clivage qui sépare les deux principales composantes du royaume : les Serbes favorables au centralisme et les Croates soutenant un fédéralisme. D'un côté, le parti radical serbe dirigé par l'inamovible Nicolas Pasic (mort en 1926) s'affirme comme nationaliste et centraliste.

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Nicolas Pasic


Soutenu par de petits partis comme le parti démocrate serbe (avec des Serbes et des Croates) ou le parti agraire serbe, le parti radical serbe en la personne de Pasic monopolise l'essentiel du pouvoir. En face le parti paysan croate fondé par les frères Radic est le pivot du fédéralisme. A côté coexistent de petits partis comme le parti du peuple slovène, l'organisation musulmane yougoslave (dirigé par le bosniaque Mehemet Sapho) et le parti ouvrier socialiste qui devient parti communiste en 1920 et prend de l'importance avant d'être interdit l'année suivante.

En 1921, l'assemblée constituante boycottée par l'opposition (croate et communiste) vote une constitution autoritaire et très centralisatrice au profit de la Serbie dite constitution du Vidovdan (car proclamée le jour anniversaire de la bataille du Kosovo, cf ci-dessus). La même année, Pierre Ier (de la dynastie serbe des Karageorgevic) meurt et son fils le prince Alexandre qui assurait la régence devient roi sous le nom d'Alexandre Ier.

Une vie politique houleuse et le développement des rivalités entre les deux principaux partis serbe et croate développe un climat de violence et de répression. Le parlement devient un lieu d'affrontements permanents. Au cours d'une session, S. Radic, le leader du parti croate, n'hésite pas à déclarer que « les Croates n'étaient pas des esclaves dans la monarchie des Hasbourg » et que les Serbes n'ont pas été « leurs libérateurs ». Quelque temps après, Radic lance à l'intention des Serbes : « Notre devoir est d'européaniser les Balkans et non pas de balkaniser Croates et Slovènes! ».

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S. Radic

En 1924, Radic est arrêté pour avoir proclamé le droit à l'autodétermination du peuple croate. Les membres du parti radical serbe vont répondre à l'attitude croate et à ses déclarations par la violence. Le 20 juin 1928 a lieu un acte irréparable aux conséquences dramatiques : en pleine assemblée, un député radical du Monténégro tire plusieurs coups de revolvers sur trois députés croates dont S. Radic, qui est tué. Cet attentat n'est pas sans rappeler le climat de violence impulsive qui marqua la Serbie du XIXème siècle monte au paroxysme la haine qui oppose Serbes et Croates. Il déclenche aussi une grave crise politique à la suite de laquelle le roi Alexandre décide de dissoudre l'Assemblée et la constitution et d'instaurer sa dictature personnelle (janvier 1929).


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Alexandre Ier de Yougoslavie


Dès le début de son pouvoir personnel, le roi soutenu par la France tente d'imposer l'union d'une manière centraliste et autoritaire et introduit un certain nombre de réformes qui accentuent la mainmise serbe sur l'ensemble du pays. Les anciennes entités nationales sont remplacées par 9 banovines (ou régions) sans respect des provinces historiques. Le royaume dont l'appellation officielle était «  royaume des Serbes, Croates et Slovènes » prend le nom de royaume de Yougoslavie, ce qui permet d'éliminer les références aux Croates et aux Slovènes. Le parlementarisme est supprimé. En 1931, un parti inféodé au roi, le parti paysan yougoslave, est créé. La vie politique est entièrement dominé par les Serbes qui sont par ailleurs omniprésents dans l'admnistration et l'armée. En 1933, au Ministère de l'Intérieur, 113 fonctionnaires sur 127 sont Serbes, aux Affaires Etrangères 180 sur 219, à l'Instruction Publique 150 sur 156!. Dans l'armée, sur 116 généraux, il y a un seul Croate et aucun Slovène.

Une vaste répression est engagée contre les opposants communistes et nationalistes qui pour beaucoup se retrouvent en prison. De nombreux leaders croates émigrent, certains se radicalisent. Parmi eux, un ancien avocat de Zagreb, Ante Pavelic, qui considère que toute entente avec les Serbes est impossible : il quitte la Yougoslavie en janvier 1929 et part en Autriche, puis en Bulgarie et enfin en Hongrie. En 1930, il fonde une organisation terroriste, l'Oustacha (= rebelle), dont le but est de rétablir l'indépendance de la Croatie, par la force si nécessaire. Réfugié en Italie à partir de cette date, Pavelic obtient l'appui de Mussolini qui favorisera son accession au pouvoir en 1941. Il n'aura en revanche aucun contact avec les Allemands, plus intéressés par les mouvements nationalistes extrêmistes serbes.


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Ante Pavelic


En Slovénie et en Croatie, l'Eglise catholique est laissée pour compte. En 1932, le budget des cultes n'accorde que 6 123 000 dinars pour le culte catholique (qui regroupe 38 % de la population) contre 16 993 000 pour le culte orthodoxe (42 % de la population). L'enseignement et les publications catholiques sont réglementées de manière draconienne. Les relations evêques-papes sont proscrites et condamnées contre intrusion étrangère dans les affaires nationales. Sous prétexte d'unification nationale, des cercles gouvernementaux préparent et souhaitent l'apostasie des catholiques. En 1930, le président de la loge maçonnique de Belgrade, par ailleurs personnage politique influent, déclare à propos du pape et des catholiques : « L'organisation religieuse n'est qu'un instrument de l'Etat, le gouvernement ne devrait donc pas le laisser dans les mains d'un étranger ». Cette politique d'intolérance et de non-respect des cultures nationales par les Serbes va provoquer le départ à l'étranger de nombreux Croates. Ceux-ci sont remplacés par des Serbes (en Slavonie notamment) ce qui contribue à complexifier le brassage ethnique. Le ressentiment des Croates s'en trouve encore accru.

Le 9 octobre 1934, au cours d'une visite officielle en France, le roi Alexandre est assassiné à Marseille par un terroriste de l'organisation révolutionnaire indépendantiste macédonienne (ORIM) agissant en liaision avec l'Oustacha de Pavelic. Pierre II succède à son père. Mais comme il n'a que 11 ans, c'est un cousin de roi Alexandre, le prince Paul, qui assure la régence. Il prend des mesures pour débloquer la situation. Il libère les chefs politiques emprisonnés. En 1935, il signe avec Rome un concordat pour mettre fin à l'exclusion des catholiques et met l'orthodoxie sur un pied d'égalité avec le catholicisme. Les Serbes réagissent vivement à leur tour. En 1939, il décide la création d'une grande Banovine correspondant à la Croatie historique (dont l'Herzégovine). Il la dote d'un ban et d'une diète (le Sabor) compétente pour les problèmes intérieurs. Ce premier pas vers le fédéralisme accompagné d'un retour aux traditions historiques croates mécontente les nationalistes serbes. Il arrive trop tard car les Croates cherchet désormais la solution du côté de l'Italie ou de l'Allemagne d'Hitler qui depuis le début des années 30 apparaît comme le champion des minorités oppressées (cf les Sudètes).

En 1941 et malgrè les efforts du régent Paul, le royaume de Yougoslavie apparaît donc comme un Etat fragile, divisé et au bord de l'explosion. Une explosion que l'invasion allemande ne fera qu'accélérer.

La politique extérieure

En 1918, la Yougoslavie attachée aux Alliés est dans le camp de vainqueurs. Les traités qui suivent l'armistice lui permettent de réaliser un certain nombre de gains territoriaux. Le traité de Neuilly (27 novembre 1919) lui attribue au détriment de la Bulgarie, alliée de l'Allemagne, la Macédoine intérieure (dite aussi de Skopje) et les trois districts bulgares de Vranje, Tsaribod et Negotin. Par le traité de Trianon (4 juin 1920), la Yougoslavie prend sur la Hongrie une partie du Banat ( la majorité revenant à la Roumanie), la Backa, une partie de la Baranja et le district de la Mur. Enfin, le traité de Rapallo (12 novembre 1920) fixe ses frontières avec l'Italie. Cette dernière qui revendiquait toute la Dalmatie obtient finalement la ville de Zara (Zadar), un certain nombre d'îles et toute l'Istrie jusqu'à Fiume (Rijeka), ville libre rattachée à l'Italie dès 1922.

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Nationaliste et interventionniste ardent, le poète Gabriele D'Annunzio harangue ses troupes à Fiume en 1920, après avoir occupé la ville en septembre 1919 à la tête d'un corps de volontaires. Revendiquée par l'Italie, Fiume avait été octroyée à la Croatie par le pacte de Londres en 1915 ; conformément au traité de Rapallo du 12 novembre 1920, la ville fut érigée en ville libre, mais D'Annunzio s'opposa aux résolutions de l'accord et le gouvernement italien dut intervenir pour chasser par la force les légionnaires.

Pendant l'entre-deux-guerres, la Yougoslavie qui est l'alliée privilégiée de la France qui voit en elle une Serbie élargie, doit faire face aux mécontentement de la Hongrie, de l'Italie et surtout de la Bulgarie avec qui la tension est permanente). Ces pays s'estiment lésés par les découpages précédents et veulent une révision des traités. Pour faire face à ces menaces, les dirigeants yougoslaves concluent des alliances avec la Tchécoslovaquie et la Roumanie. En février 1934, un pacte est signé avec la Roumanie, la Turquie et la Grèce pour le maintien du statu quo des frontières dans les Balkans.

L'arrivée au pouvoir du régent Paul, germanophile et grand admirateur de Hitler, est marquée par un rapprochement avec l'Allemagne. A partir de 1934, les échanges commerciaux s'intensifient. Puis à la fin des années 30, le pays adopte une attitude de neutralité et signent des traités avec les trois pays concernés, même avec la Bulgarie qui se décide enfin à interdire l'ORIM. A partir de la fin 40, la Yougoslavie est courtisée par Hitler tous commes les Etats voisins. Ce dernier a en effet besoin d'étendre son système d'alliances à cette région pour garantir ses arrières et renforcer son potentiel militaire et économique avant de lancer l'invasion de l'URSS. Après l'adhésion de la Bulgarie au pacte tripartite le 1er mars 1941, le Führer invite le régent Paul à se joindre à la nouvelle politique régissant les Balkans. Après de nombreuses hésitations, le régent se résigne et adhère au pacte le 25 mars.

Mais aussitôt, des manifestations antiallemandes éclatent à Belgrade, débouchant sur un coup d'Etat militaire. Dans la nuit du 25 au 26 mars, un groupe d'officiers supérieurs de l'armée serbe, conduit par le général de l'aviation Simovic, renverse le gouvernement. Le régent Paul, accusé d'être trop favorable aux Croates, est exilé et la majorité du roi Pierre proclamée. Le pouvoir est en fait exercé par un gouvernement d'union nationale sous la coupe de Simovic. Dès le lendemain de sa prise de pouvoir, Simovic se tourne vers l'URSS, proposant à Staline un pacte de non-agression. Devant la réaction d'Hitler, qui ordonne à l'OKH (Ober Kommando des Heer, état-major de l'armée de terre) de combiner l'invasion de la Grèce avec celle de la Yougoslavie, le gouvernement yougoslave décrète la mobilisation générale le 1er avril. Tandis que les diplomates britanniques poussent Simovic à signer un accord avec la Grande-Bretagne, celui-ci poursuit les contacts avec Staline. Le 5 avril, il signe à Moscou un pacte d'amitié. Le lendemain, les Allemands déclenchent l'opération Marita et entrent en Yougoslavie.

Source : H-S Historica sur l'opération Marita, 1er volume.


 

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