Dans les deux cas, c'était une affaire d'honneur.
A Scapa Flow, à bord des bâtiments de la flotte allemande internée, les équipages avaient été débarqués par les Brits et il ne restait que des équipes de "veille" qui n'étaient pas en capacité de faire "redémarrer" les machineries, pour tenter une éventuelle évasion, d'autant que leur ravitaillement en combustible se limitait au strict nécessaire, imposé par les Brits, qui permettait tout juste de produire la vapeur et l'électricité indispensable au quotidien.
Ce joyau qui a couté des milliards à l'Allemagne et qui n'a, en définitive, jamais servi en mer.
Que nenni, car la plupart de ces unités avaient été engagées, en mai 1916, au Jutland - souvenir douloureux pour la Royal Navy - et dans d'autres opérations ultérieures, moins connues.
C'est vrai, aussi, que Guillaume II, après le Jutland, avait souhaité limiter l'emploi de la
Hochseeflotte, afin de conserver un argument de poids dans l'éventualité d'un armistice négocié; sauf que le principe de l'Armistice, signé en novembre 1918, avait été, largement, dévoyé par les Alliés, qui avaient profité, tout à la fois, de la faiblesse de la nouvelle gouvernance allemande, qui avait été mise en place après l'abdication du
Kaiser et de la situation compliquée, qui régnait aux frontières orientales de l'ex-empire, où les "Corps Francs" se mettaient sur la tronche avec les Polonais, d'où l'isolement de la Prusse Orientale et la création, entérinée (à regret!) par le Traité de Versailles, du fameux "couloir de Dantzig".
Honnêtement, le traitement infligé, alors, à l'Allemagne avait été unique en son genre, sans parler des conditions excessives et léonines qui lui avaient été imposées par le Traité de Versailles.
Il suffit de comparer avec le traitement qui avait été imposé à la France (qui avait déclaré la guerre!), après la déculottée monumentale de la Guerre de 1870/1871. Cà s'était résumé, selon l'usage, à de très lourdes pénalités financières et, dès que la République française avait commencé à honorer ses payements... elle avait même anticipé sur l'échéancier convenu, car Napoléon III, alias Badinguet, souverain tant décrié par la IIIème République, avait laissé la France avec des caisses bourrées de pognons, que n'avaient pas sérieusement entamées les frais du conflit. Dans le semestre qui avait suivi, les troupes allemandes étaient rentrées au bercail et nos prisonniers de guerre avaient été très rapidement libérés. La France était, certes, vexée jusqu'au troufignon, notamment après l'annexion de l'Alsace et de la Moselle - sauf qu'il s'agissait, là, de territoires historiquement de culture alémanique, qui, l'air de rien - si on ne se contente pas de lire les écrits de la "propagande" française -, durant les 40 années suivantes avaient bénéficié d'un essor des plus conséquents; d'où, au passage, la reconduction contrainte, après leur "libération", par la IIIème République, des avantages sociaux allemands, obtenus sous la botte "impitoyable" d'un Empire Allemand "militariste"!
La rigueur excessive et totalement inédite du Traité de Versailles est très loin d'être étrangère à l'avènement du nazisme et la création du III. Reich.
On peut constater qu'après la capitulation sans condition de mai 1945, on avait pris soin de ne plus renouveler une punition d'une telle importance. Certes, ce n'avait pas été de la "tarte", mais, une fois, les principaux coupables châtiés, on avait cherché, plus ou moins, à respecter la fierté nationale (kif-kif bourricot avec le Japon), afin d'éviter la répétition des années 1930. L'air de rien, la mise en place de "la Guerre Froide" avait bien aidé cette "normalisation".
En ce qui concerne la Flotte Française, mouillée, en 1942, à Toulon, ses possibilités d'évasion rapide étaient très limitées.
1) Cà prend du temps, 48 heures, à la louche, pour qu'un cuirassé dispose de sa pleine puissance "vapeur" pour évoluer correctement.
2) La sortie d'une escadre d'importance ne peut se concevoir en quelques heures et dans l'urgence.
3) Les Allemands avaient fait le forcing pour que leurs troupes et leurs blindés se retrouvent sur les quais de l'arsenal de Toulon, le plus vite possible.
4) Une flotte en partance, en train de manoeuvrer, pour quitter son mouillage, constitue un cible idéale pour l'aviation; or les allemands disposaient des moyens aériens pour lui faire très bobo, sachant que, de notre côté, nous n'avions rien, hormis la DCA du bord, pour nous y opposer; à l'été suivant, la flotte italienne, moins nombreuse, avait perdu, lors de son évasion, un cuirassé, en haute mer.
On oublie les "états d'âme" de certains cadres de la "Royale", vis-à-vis des Brits, après l'affaire de Mers-El-Kébir, d'autant que Darlan, le "Big Boss", alors en Algérie, dès le 11 novembre 1942, avait, très officiellement, incité l'amiral Laborde à quitter son mouillage toulonnais, pour rallier les Alliés. Sauf que, toute contrainte logistique & technique inhérente mise à part, la hiérarchie militaire française est subordonnée aux décisions de la seule gouvernance en place et que Darlan, après son "invitation", s'était, lui-même, mis, d'office, "hors la loi", face au pouvoir officiel vichyste en place. Si on oublie ce respect conditionné & naturel hiérarchique, on oublie la réalité de la situation existante. Quand l'allemand s'était mis à foncer sur Toulon, il était trop tard pour envisager une sortie organisée... d'où la décision extrême et à contre-coeur du sabordage.
Il convient de ne jamais oublier la discipline très stricte de toute armée, navale ou terrestre, aux décisions de son autorité la plus supérieure. Si on ne les respecte pas, on se met hors la loi, une tache indélébile, et, si, en novembre 1942, les "Alliés" avaient débarqué en AFN, bien malins ceux qui pouvaient prédire le futur! Le "devoir" dépasse très largement les sentiments personnels, sachant que notre "Amirauté" toulonnaise était infoutue de connaitre le sentiment général de ses équipages. Si çà coince, ne serait-ce que à la "Machine", on peut toujours se brosser pour lever l'ancre!
La situation de la Flotte française, en novembre 1942, n'avait rien à voir avec celle des matafs allemands, "parqués" à Scapa Flow, qui , eux, du haut en bas de la hiérarchie, avaient, tous, pigé qu'il ne leur restait qu'une unique solution, le sabordage dans l'honneur... ce qu'avait, également, fait la flotte française de Toulon, sauf que le situation politique de la marine nationale française était, alors, beaucoup plus compliquée, que celle que vivait l'ex-Kaiserliche Marine, globalement, oubliée par ses pairs, depuis son "internement".
Le sabordage volontaire et ordonné de la flotte allemande de Scapa Flow avait très sérieusement vexé la RN, d'où ses efforts (coûteux) menés pour renflouer certains bâtiments et les dézinguer, plus tard, en tant que cibles, l'ultime outrage!
Il convient d'appeler un chat, un chat, la RN espérait, alors, intégrer comme "prises de guerre", les bâtiments allemands les plus récents, car, techniquement, ils proposaient des solutions techniques innovantes, en tous cas, pour opérer en Mer du Nord.
Cà serait trop long à expliquer, mais , par exemple, les Großkeuser allemands étaient, tous, mieux blindés, à l'équivalence d'un cuirassé brit de même génération, que les battlecruisers britanniques - d'où les pertes brits au Jutland !-. Derrière tout çà, il y avait, certes, des différences de mission, le Battlecruiser étant sensé être à vocation transocéanique, à bord duquel, il avait fallu aménager des locaux d'habitation longue durée, alors que, côté allemand, on ne tablant guère que sur 10 à 15 jours de mer, on avait limité le confort des équipages, en lui réservant des espaces-vie réduits, ce qui avait permis d'améliorer leur blindage, au détriment des conditions de "confort"!