Post Numéro: 1 de alfa1965 19 Déc 2019, 23:29
Chef du gouvernement à la veille de la guerre, Edouard Daladier avait pour chef de cabinet un espion soviétique. Et pas un besogneux. Cet homme, Edouard Pfeiffer, mourut près d'Agen en 1966, sans avoir jamais été mis en cause. C'était le membre inconnu du réseau des étudiants dits «les taupes de Cambridge», Burgess, MacLean, Blunt et Philby, qui avaient 20 ans quand l'Intelligence Service les recruta, sans savoir que Moscou était déjà passé par là. Le M 6 britannique pria Pfeiffer de travailler pour le 2e bureau français. Avocat, puis assureur à Paris, parlant seize langues, dirigeant radical-socialiste, répandu dans le monde politique, Pfeiffer fut donc - impunément - un agent triple. Pour qui travaillait-il, d'abord auprès de Daladier et de Chautemps, puis dans l'entourage de Lemaigre Dubreuil et de Mendès France?
C'est l'une des révélations du dossier établi par Roger Faligot et Rémi Kauffer. Fouineurs à l'ingéniosité sans limites, mais disposant surtout de témoignages verbaux, car les supports écrits des «renseignements» sont détruits par nature, ils ont su déceler, jusque dans les romans sur les services secrets, la part de réalité qui y avait été glissée, seule façon souvent de laisser une trace des héros perdus de la guerre clandestine. C'est pourquoi la remarquable somme d'informations ici rassemblées, dont maintes révélations sur les services spéciaux chinois et japonais, satisfera les passionnés de «coups tordus» ou de beautés fatales, tout en rendant justice aux motifs patriotiques de bien des agents.
Cette histoire mondiale fait apparaître à quel degré l'espionnage est devenu inséparable de l'intoxication de l'adversaire ou de l'ami, avant de se transformer en guerre psychologique. Mais les informations recueillies et transmises à grands risques ont-elles réellement modifié l'événement? Les Français connaissaient, dès 1909, les plans d'invasion allemands. Ils n'en furent pas moins surpris en 1914. Allemands et Alliés déchiffraient réciproquement leurs codes pendant la Seconde Guerre mondiale. Le sort des armes n'en fut pas affecté. Souvent, comme le fantassin, l'agent secret est mort pour un mince enjeu.
Histoire mondiale du renseignement. Tome I: 1870-1939, par Roger Faligot et Rémi Kauffer. Laffont, 572 p., 149 F.
Siamo 30 d'una sorte, 31 con la morte. Tutti tornano o nessuno. Gabriele d'Annunzio, Canzone del Quarnaro.