Long message perdu, mais à quelque chose malheur est bon : cela me fera échapper au reproche d'ouvrir un second fil sur Oradour, en prenant d'abord un autre exemple dans la même période : mon explication sur le fil Facebook de la Fabrique de l'histoire
https://www.facebook.com/groups/lafabri ... 3252255335 avec un contradicteur pugnace, à propos de l'assassinat de Jean Zay.
Moi :
Non ! Pas "par la Milice", et certainement pas pour des raisons franco-françaises !
https://blogs.mediapart.fr/.../qui-voul ... e-jean-zayLui :
Dès le début de l'article "L'assassinat de Jean Zay est attribué à la Milice sans que soit même évoquée la possibilité d'un ordre de l'Allemagne à ses valets français." Oui bon, ce serait donc la Milice qui a fait le coup, mais peut-être sur ordre des nazis. Qu'est-ce que cela change ?
Puis "Comme tous les mystères du Troisième Reich, celui-ci mérite d'être examiné, faute d'une documentation au sens classique du mot, en essayant de percer le jeu du régime." L'auteur de l'article n'a donc aucune "documentation" et il va étudier le cas "en essayant de percer le jeu du régime." Par le marc de café ou la boule de cristal ? Parce que, sans documentation... J'arrête là, mais la suite est de la même eau, avec la conclusion, toujours aussi peu documentée : "Ce qui est sûr c'est que la Milice, plutôt occupée à mettre les résistants en prison (ou pire) qu'à les en extraire, n'a, par elle-même, strictement aucun mobile." Les "mobiles" de la Milice...
Moi :
Vous n'avez hélas pas plus de documentation directe pour explorer le mécanisme de décision de la Milice, à supposer classiquement que la décision soit sienne, que moi pour établir une responsabilité germanique. Laquelle s'autorise tout de même, outre l'analyse du jeu allemand que j'évoquais précédemment, d'une loi des séries : Dormoy, Basch, Zay, Mandel... la commandite allemande dans le meurtre de ces personnalités d'origne juive de la Troisième République étant certaine dans les trois autres cas, et hitlérienne selon toute probabilité.
Votre version ne s'autorise donc précisément que de son classicisme, de la vitesse acquise, de l'adage "on ne prête qu'aux riches" et du faible empressement du tribunal qui a jugé Charles Develle pour rechercher une éventuelle main allemande (que l'assassin jugé, qui n'était pas le chef du commando, ignorait d'ailleurs peut-être).
http://museedelaresistanceenligne.org/m ... -Charles...
Lui :
Donc ce que vous dites c'est qu'on ne peut pas être sûr que les allemands n'y soient pour rien. Tout à fait. Avez-vous envisagé la possibilité que ce soient des extra-terrestres qui aient fait le coup ? Auriez-vous des preuves du contraire ? Oui, ce que je dis est très bête, mais guère plus que votre raisonnement. Par ailleurs, tenter ici d'exonérer la Milice d'actes qu'elle a commis (et peu importe qui en a donné l'ordre) est proprement indécent.
Moi :
ne devenez pas violent ! je cherche juste à faire de l'histoire en établissant le mécanisme d'une décision. Si vous aviez un peu cliqué sur mon site autour de l'article qui a déclenché votre ire, vous verriez que je suis peu soupçonnable de tendresse envers la Milice.
Lui :
Je copie-colle votre première phrase : Non ! Pas "par la Milice." Peut-être vous êtes vous mal exprimé, mais ce que j'en ai compris est que ce n'était pas la Milice qui a assassiné Jean Zay. Factuellement, c'est bien la Milice. Point. Pour la question "Qui a donné l'ordre ?" vous savez très bien que personne ne peut y répondre : même si l'on trouvait un ordre écrit donné aux trois meurtriers, il resterait la question "qui a donné l'ordre au donneur d'ordre ?" et de fil en fil, vous obtiendrez la réponse "c'est Hitler qui a donné l'ordre initial." OK, vous l'avez, votre allemand. Mais quand je dis "Ravaillac a assassiné Henri IV," vous ne répondez pas "Non, pas Ravaillac," que je sache, malgré les doutes que l'on peut avoir sur certaines complicités (Épernon, par exemple). Je ne comprends pas votre acharnement à vouloir développer une histoire alternative sur la base d'une totale absence de documentation.
Moi :
"Par la Milice", cela voudrait dire soit que Darnand aurait ordonné l'enlèvement et le meurtre, soit que quelque échelon local ou régional en aurait pris l'initiative. La première hypothèse pourrait difficilement n'avoir laissé aucune trace. La deuxième manque singulièrement de logique et de possibles motivations. En revanche, UN milicien, Jocelyn Maret, aux ordres directs de l'occupant, est particulièrement suspect.
L'article de tout à l'heure était extrait de mon livre "Qui a tué Georges Mandel ?". A présent ma réflexion a pris dix ans de bouteille et je viens d'écrire dans "Hitler et Pétain", en librairie depuis quelques jours :
"Pour que l’Allemagne garde la main jusqu’à son évacuation du
territoire, il ne suffit pas qu’Abetz manie l’épouvantail, assez dérisoire, des durs de la collaboration. Deux coups de semonce sont d’une autre portée : les assassinats, coup sur coup, de Jean Zay et de Georges Mandel. Zay est abattu le 20 juin au bord d’un ravin, après un court trajet en voiture, par des miliciens qui sont venus le chercher à la prison de Riom, sans escorte allemande connue.
Le ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, de père
juif, de mère protestante et protestant lui-même, resté en place dans
tous les gouvernements jusqu’à la guerre et mobilisé ensuite sur sa
demande, était un passager du Massilia arrêté comme tel dans l’automne
1940 et condamné pour désertion de la façon la plus inique
le 4 octobre 1940, dans un moment particulièrement fébrile de la
recherche, par Vichy, d’une collaboration. C’était un prisonnier sans
histoire et la Milice n’avait cure de régler des comptes avec d’anciens
notables du régime précédent. L’occupant, en revanche, s’y intéresse
beaucoup, comme viennent de le démontrer les cas de Maurice
Sarraut et de Victor Basch1. Les caciques de la Troisième, serrés de
près par l’occupant et ses séides, sont une pièce maîtresse du jeu nazi :
il sied d’en tuer un de temps en temps, juif de préférence, pour donner
corps à la menace de bain de sang qu’on fait planer en permanence
sur les têtes de Pétain et de Laval.
Dans le cas de Zay, des documents attestent que dès le mois
d’avril 1944 l’administration pénitentiaire, dirigée depuis le chambardement
de décembre par le commissaire André Baillet, précédemment
créateur et maître des Brigades spéciales anticommunistes
de la préfecture de police de Paris, et par son adjoint milicien Jocelyn Maret, avait averti les autorités départementales d’un prochain transfert de ce prisonnier, sans en préciser la date. Maret consacre d’ailleurs beaucoup de temps, à l’approche du débarquement, à la sécurité des prisons, en épurant sévèrement leur personnel de tous grades pour empêcher des libérations de résistants. S’il y a un serviteur zélé de l’Allemagne, c’est bien lui. Il se lamente le 22 mai dans une lettre à Darnand :
'Chaque jour je prends la décision de révoquer 4 ou 5 surveillants. En réalité c’est dans la proportion de 50 % qu’il faudrait les révoquer. Je n’ai presque aucune candidature pour les remplacer. Les 30 surveillants que devait me fournir la Milice ne m’ont jamais été envoyés. Plus aucun Français ne veut être gardien de prison.'
Devant une telle crise des effectifs, on conçoit que pour Maret ni le transfert ni le meurtre d’un prisonnier aussi peu remuant que Zay ne sont des priorités. En revanche, si ses chers SS le lui demandent, il se fera un devoir, et peut-être un plaisir, d’obéir. C’est tout ce qu’on peut en dire puisque la trace du chef du commando, Henri Millou, responsable de la sécurité de la Milice à Vichy, se perd en Allemagne avant la fin de la guerre et que l’assassin, Charles Develle, jugé seul en 1953, n’a pas révélé un motif extra-milicien qu’il ignorait peut-être, qu’on ne lui a guère demandé et qui aurait aggravé son cas.
___________________________________
1. Il faut en effet inscrire dans cette série, qui commence avec Dormoy et s’achève avec
Mandel, l’assassinat de Victor Basch et de son épouse Hélène, tous deux octogénaires, le
10 janvier 1944. Ce grand germaniste d’origine juive avait longtemps présidé la Ligue des
droits de l’homme et lui avait imprimé une orientation résolument antinazie. On avait
abandonné les cadavres au bord d’une route avec une inscription attribuant leur sort à une
vengeance de la Milice pour les morts que la Résistance faisait dans ses rangs. Mais les récits
insistent sur les acteurs miliciens, comme Lécussan et Touvier, plus que sur la présence
parfaitement attestée, lors de l’arrestation du couple, de l’Obersturmbannführer SS August
Moritz. Cf. François Delpla, Qui a tué Georges Mandel ?, op. cit., p. 309-313."
Lui :
Vous aimez sodomiser les diptères, vous. Donc Zay, assassiné par des miliciens, n'aurait pas été assassiné par la Milice... (début de mal de crâne) en gros parce que vous n'avez pas trouvé d'ordre écrit, et que cela "manque singulièrement de logique et de possibles motivations"... (migraine intense) Cela serait plus logique, plus motivé qu'un officier nazi décide de faire assassiner un ancien ministre du Front populaire ? Pourquoi en juin 44 ? Pourquoi des miliciens ; la Gestapo était occupée ailleurs ? Et il n'y avait plus de place en camp de concentration ? Votre thèse d'une intervention allemande soulève plus de questions qu'elle n'y répond. Et encore une fois, elle n'est pas documentée. Si je veux me lancer dans des conjectures sans preuve, en voici une : Darnand (ou un de ses sous-fifres) aurait voulu se venger d'un quelconque outrage infligé par Zay lors de leur vie politique d'avant-guerre, et il n'était pas assez idiot pour laisser des traces écrites d'une telle besogne, qu'auraient pu lui reprocher même les gens de son camp. Je n'y crois pas plus que cela, mais une telle vengeance in extremis (juste avant la Libération) tient bien mieux qu'une mystérieuse intervention allemande. Bon, maintenant je vais soigner mon mal de tête.
Moi :
Je reconnais avoir un tic : quand il se passe quelque chose de saillant dans un territoire dominé par Hitler, j'essaye systématiquement de savoir s'il y est pour quelque chose. La question a été trop rarement posée et il y a là un des principaux gisements d'avancées historiques possibles. Vous voyez que je laisse aux diptères une paix royale !
On peut prendre l'exemple du premier statut des Juifs (18 octobre 1940), trop longtemps présenté comme une oeuvre de Vichy (alors qu'il résulte d'un certain nombre d'échanges franco-allemands). Je fais en cette rentrée un tir groupé avec Laurent Joly contre ce préjugé colporté, notamment, par Robert Paxton.
D'une façon générale, le pilotage d'une France occupée pendant quatre ans, suivi de son évacuation ordonnée, dans une situation militaire de plus en plus dégradée, est une besogne des plus délicates, qui requiert le doigté d'un chef.... notamment pour cornaquer l'autre chef, prénommé Philippe. Et très logiquement Hitler paye de sa personne : il rencontre Pétain, Darlan et Laval bien plus fréquemment que n'importe quel autre dirigeant de pays occupé. Dans l'intervalle, il écrit quelques lettres importantes et utilise force intermédiaires, avec lesquels il est en relations personnelles. J'en révèle certains pour la première fois.
Les assassinats de personnalités françaises, que le maréchal se fait fort de protéger, sont un élément important de sa panoplie.
Comme l'a résumé un grand historien à la lecture de mon manuscrit : "Hitler garde Pétain sur le feu sans le carboniser".
(...)
"Darnand (ou un de ses sous-fifres) aurait voulu se venger d'un quelconque outrage infligé par Zay lors de leur vie politique d'avant-guerre, et il n'était pas assez idiot pour laisser des traces écrites d'une telle besogne"
Vous me donnez effectivement une superbe leçon de démonstration par l'absence de traces ! Et plus généralement de construction spéculative à plusieurs étages sans aucun étai, plus dangereuse qu'un HLM marseillais ! Mais vous vous situez bien dans la tradition qui fait qu'on n'a jamais cherché d'influence allemande : il y avait effectivement un contentieux entre Zay et l'extrême droite (la fameuse histoire du "torchecul" en particulier) et puisqu'il meurt de la main d'un extrémiste peu à gauche, pourquoi chercher plus loin?
C'est là le mécanisme même des erreurs, qu'elles soient judiciaires ou historiques.
Lui :
Mais votre mauvaise foi n'a aucune limite ! Je vous fais une construction sans preuve, comme la vôtre, afin de vous montrer qu'il y a d'autres explications possibles que celle que vous proposez. Je dis explicitement que c'est de la pure spéculation. Et vous m'accusez, maintenant de défendre cette construction, et de faire je ne sais quel procès à je ne sais qui ? J'arrête là cette discussion : il est inutile de parler avec quelqu'un d'aussi intellectuellement malhonnête.
Moi :
pas de panique !
vous ne la défendez pas, bravo. Presque tout le monde le fait, implicitement ou explicitement, en trouvant logique que "la Milice" ait pris une telle initiative et en ne creusant pas plus loin.