JARDIN DAVID a écrit:
Sans remettre en cause les déductions échafaudées par François, je m'interroge sur l'omniscience du caporal Adolf. Plus exactement, je partage l'analyse de François concernant sa très grande habileté (historiquement non démasquée) dans la prise du pouvoir, la crise des Sudètes etc.
Mais j'aimerais tout de même, de façon générale, connaître l'avis de notre décapant spécialiste concernant la question suivantes : "En définitive, quelles erreurs avérées furent commises par AH ?"
Bien entendu cette question est HS ici et nécessiterait l'ouverture d'un fil spécifique. Mais FD est-il "partant" pour en débattre ?
Je partirai de l'idée, exprimée nettement pour la première fois à ma connaissance par John Lukacs en 1990, que Hitler a failli, au moment de sa victoire contre la France, gagner la Seconde Guerre mondiale. En d'autres termes, si Churchill n'avait pas été premier ministre ou ne l'était pas resté, un régime totalitaire et raciste se serait installé très solidement en Europe occidentale tout en absorbant plus ou moins vite d'immenses territoires vers l'est.
Hitler commet donc une erreur et, d'une certaine façon, une seule : il avait compté sans l'arrivée au pouvoir du personnage. In extremis, il est vrai : Churchill devient premier ministre après le lancement de l'offensive du 10 mai 40, espérée rapidement décisive et pourvoyeuse de paix. De ce point de vue il serait bon d'achever de balayer tout ce qui traîne encore çà et là d'affirmations suivant lesquelles Chamberlain, Halifax, ou les deux, se seraient noblement effacés en reconnaissant que Churchill était plus apte qu'eux à diriger le pays dans cette nouvelle phase. Car c'est là le type même de l'affirmation idéologique et absolument pas documentée.
Pour la suite de la guerre, on peut raconter tout ce qu'on veut sur ses bourdes stratégiques, mais ce n'est pas là que les choses se jouent, c'est bien encore et toujours dans le maintien ou non de Churchill au pouvoir, et ce jusqu'au 30 avril 1945 inclus. Il y a donc erreur dans la mesure où il n'arrive par à s'en débarrasser, comme le capitaine Haddock d'un sparadrap, mais il resterait à savoir si c'était possible et comment.
Mais on peut prendre la question par un autre bout : l'erreur de base, c'est l'antisémitisme ! Et celui de Hitler est très spécial, ce qui m'amène à parler de folie. Les antisémites précédents sont morts en général dans leur lit, sans avoir joué leur vie dans une lutte à mort contre la "Juiverie". Hitler seul se met à fantasmer une urgence absolue et un "ce sera eux ou moi". Lui seul mélange intimement la défaite allemande de 1918 et le rôle des Juifs, censés avoir gagné l'avant-dernière manche et être sur le point d'installer une domination mondiale qui, puisqu'ils sont des parasites en même temps que des bacilles, tuerait l'humanité ! Il faut donc tout mettre en oeuvre pour engager une dernière manche, et la gagner.
Et on peut boucler la boucle, en remarquant que cette erreur de base conduit tout droit à Churchill ! Elle dessine en creux l'antidote : un type solide qui, tout en ayant compris que se déroule en Allemagne un processus extrêmement dangereux, non seulement pour l'Angleterre mais pour l'humanité, ne s'en laisse pas conter par les boniments de Hitler sur ses bonnes intentions (anglophiles et antisoviétiques notamment) et exige des actes (bornant vraiment l'Allemagne dans des limites, respectueuses des droits des autres pays).
Au fond, la solution est chez Andersen : il suffisait d'un enfant pour dire que le roi était nu. Mais sans lui, la supercherie pouvait durer longtemps et, s'agissant d'une dictature sanguinaire à l'échelle planétaire, causer force irréparables dégâts.