tout d'abord un texte pittoresque : la narration de l'affaire par Léon Degrelle en anglais sur un site américain ! C'est la version "manip SS, Staline dupe" dans toute sa splendeur, sans rien d'original à première vue.
http://www.thesouthernpartisan.com/wp-c ... ky-22p.pdfA présent j'ai lu Taylor (qui passe très vite sur l'éventuel rôle de la direction nazie) et surtout relu Lukes, qui étudie en détail les transmissions Berlin-Moscou via Prague.
Un mérite de Lukes, qui en fait au moins un borgne au pays des aveugles, est de faire figurer dans son récit le nom d'un agent nazi de première importance mais souvent non repéré comme tel car demi-juif et futur résistant exécuté (à rapprocher, sous cet angle, de Saint Canaris vierge et martyr
http://www.amazon.fr/review/RXGPDA2AFQE ... hisHelpful ), et apparemment absent de toutes les autres études sur l'affaire Toukhatchevsky, Albrecht Haushofer.
C'est lui que Hitler charge en priorité d'intoxiquer Benes, en 1936. Il y a de bonnes pages là-dessus dans le livre du fils Hamilton sur Hess
Motive For A Mission - The Story Behind Rudolf Hesss Flight To Britain (1971). La partie allemande fait croire qu'elle recherche un accord de non-agression pour dix ans avec la Tchéco, analogue à celui qu'elle a signé avec la Pologne début 34.
Or brutalement, en janvier 1937, on annonce à Benes que les pourparlers sont suspendus par Hitler car il aurait une autre solution pour régler son problème avec l'URSS : une entente avec l'Armée rouge, laquelle serait sur le point de renverser Staline !
Je manque de temps pour reprendre toute la démonstration de Lukes et saute à la conclusion : Benes a bel et bien été intoxiqué en janvier 37, soit par Thyssen, soit par le diplomate allemand von Trautsmanndorf (qui semble avoir le profil d'un membre ou d'un agent très proche du SD, et agit en coordination étroite avec Haushofer), soit par les deux. Mais il n'a pas réagi comme il le dira lui-même à partir de 1944 (et d'abord à Churchill, qui le relate dans ses mémoires en trouvant qu'il a très bien fait), en caftant auprès de Staline. Au contraire, il a fait comme si la manoeuvre allait réussir, sinon à renverser les Soviets, du moins à infléchir la politique russe dans un sens pro-allemand, et il n'a eu de cesse d'avertir la diplomatie soviétique que, quoi qu'il advienne, la Tchécoslovaquie resterait amie de Moscou.
Je ne suis pas entièrement convaincu : Lukes s'appuie sur la documentation venue au jour (en bonne part grâce à lui) sans s'aviser qu'on ait pu cacher des choses, à Prague comme à Moscou, avant comme après la chute du rideau de fer.
Cependant il permet d'établir avec un infime reliquat d'incertitude que le SD et son maître Hitler, au plus tard à la fin de 1936, ont ourdi une intox sur des relations de connivence entre la Wehrmacht et de l'Armée rouge.
L'idée que, si tôt, Staline ait pu lui-même ourdir un piège en se servant de Heydrich me semblerait, pour le coup, hautement fantaisiste.