1924 : L'affaire Matteotti

[alfa1965]

Bonsoir
Cette affaire aurait pu faire capoter le régime, le duce était au creux de la vague, certains fascistes se sont détournés, jetant aux clous leur "cimice" punaise, nom donné au petit faisceau accroché sur le revers de la veste. D'autres , les faucons, ont poussé Mussolini à se revêtir de la toge de dictateur comme Farinacci, le plus intransigeant et extrémiste des fascistes ou Curzio Malaparte. Cette histoire a un contexte que je vais développer (ou du moins essayer) -sa mort intervient quelques temps après son fameux discours au Parlement du 30 mai 1924, dénonçant les irrégularités des élections législatives. Or, même avec toutes les pressions, l'opposition aurait perdu ses élections. Ce discours n'est pas la cause de son assassinat. Matteotti était au courant de pots-de-vins de la société pétrolière Sinclair concernant des hautes personnalités du fascisme, voire jusqu'à la Couronne.

Pour que ce dossier soit plus aisé, je le partitionne.
1) les élections législatives de 1924
2)la disparition de Matteotti
3)la crise du régime
4)la dictature

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1 - Les élections de 1924.
Mussolini est à la tête d'un gouvernement depuis la marche sur Rome, le 22octobre 1922 où les fascistes sont minoritaires, bien qu'il possède plusieurs portefeuilles ministériels. Au Parlement, au Palais Montecitorio, le PNF est aussi minoritaire. Les fascsites doivent composer avec l'aile droite du PPI , Parti Populaire Italien de don Sturzo, qui est hostile à tout rapprochement.
Pour s'assurer de la majorité, il faut réformer le scrutin, d'un scrutin proportionnel on passe au scrutin majoritaire. C'est Giacomo Acerbo qui va s'en charger. Pour avoir les 2/3 des sièges, le parti qui arrive en tête avec au moins 25% des voix obtient la majorité au Parlement.
Les députés vont voter la loi "Acerbo", loi qui va provoquer ainsi leur "mort" politique.
Mussolini va proposer une liste, appelée "listone" regroupant non seulement les fascistes mais d'autres hommes politiques sans étiquette, comme Salandra ou Orlando.
La campagne débute en janvier 1924, date à laquelle la Chambre est dissoute. Elle va se dérouler dans un climat de violences, meetings sabotés,destructions de sièges de journaux... Le jour des élections, 63% dse Italiens vont voter, ce qui est compte tenu de l'atmosphère un bon résultat.
Sans surprise, le listone arrive en tête :
-la Lista Nazionale (Listone) remporte 60% des votes et obtient 355 sièges sur 535;
-la Lista Nazionale bis: 4,85% et 19 sièges ;
-le PPI: 9% et 39 sièges;
-le PS Unitaire: 6% et 24 sièges;
-le PS Italiano: 5% et 22 sièges;
-le PCI: 3,7% et 19 sièges;
-autres petits partis: 57 sièges.

à suivre

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2- La disparition de Matteotti.
Le 30 mai 1924, Giacomo Matteotti demande la parole au Président de la Chambre, Alfredo Rocco. Il est interrompu à plusieurs reprises : son discours dure 2 heures, il devait en durer que 30 minutes. Il conteste le scrutin et demande la dissolution de la nouvelle Chambre. Ayant terminé, il dit à ses collègues cette phrase prémonitoire :
«j'ai fait mon discours, à vous maintenant de préparer mon oraison funèbre».
L'après-midi du samedi 10 juin, vers 16h15, Matteotti sort de chez lui pour se rendre au palais Montecitorio. Il ne fait pas attention à une Lancia Lambda immatriculée 55-12169, garée depuis un bon moment. Le gardien de l'immeuble lui l'a remarquée et noté la plaque. Il y a à l'intérieur cinq hommes : Amerigo Dumini, Albino Volpi, Giuseppe Viola, Amleto Poveromo et Augusto Malacria. C'est la Ceka fasciste. Quand le député arrive à leur hauteur, les hommes de mains l'agrippent et le jettent à l'intérieur de la voiture qui démarre en trombe. Matteotti se débat, il réussit à jeter par la vitre sa carte de député. Un des agresseurs donne un coup de couteau à la carotide de Matteotti.
Dumini qui est volant, se dirige dans le bois de Quartarella à une vingtaine de kilomètres de Rome. Ils n'ont qu'un cric pour creuser et ensevelir le cadavre dont ils coupent la tête. Ils retournent ensuite rendre le véhicule à Filippo Filipelli, directeur du Corriere Italiano, qui l'avait louée au garage Trévi.
La femme de Matteotti donne l'alerte le soir même. Le gardien ayant donné le numéro de la plaque d'immatriculation, la police arrive remonte facilement à Filipelli et à Dumini, arrêtés le 12 juin.
Le 13 juin, Mussolini doit parler à la Chambre , il déclare:
«S'il y a quelqu'un dans cette salle qui a le droit d'être plus que tous ému et j'ajouterai indigné, c’est moi. Seul un ennemi qui depuis de longues nuits aurait préparé un plan diabolique, pouvait commettre ce crime qui nous frappe d'horreur et nous arrache des cris d'indignation».
Matteotti mort est plus dangereux que vivant.
Pour calmer l'opinion, Mussolini obtient la démission de Cesare Rossi, chef du service presse, fait arrêter Filipelli, puis c'est au tour d'Aldo Finzi, sous-secrétaire d'état à l'Intérieur. Cesare Rossi, refusant de jouer le rôle de bouc émissaire, rédige, comme Finzi, un mémoire qu'il remet à Giovanni Amendola qui le publiera dans son quotidien Il Mondo.

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3- le régime en crise.
Certains proches de Mussolini l'ont vu se taper la tête contre les murs. Il dit à Leandro Arpinati, le ras de Bologne : "ma position est intenable, on ne peut rester au gouvernement avec un cadavre entre les pieds". Il a des compte à donner comme chef du gouvernement, alors à Montecitorio, le 30 juin il déclare : "S'il y a quelqu'un dans cette salle qui a le droit d'être plus que tous ému et j'ajouterai indigné, c’est moi. Seul un ennemi qui depuis de longues nuits aurait préparé un plan diabolique, pouvait commettre ce crime qui nous frappe d'horreur et nous arrache des cris d'indignation
Savait-il ? Oui, il était déjà au courant du meurtre.
L'a-t'il commandité ? Probablement non. Mussolini est un politique, certes dénué de scrupules, mais il connait bien "la musique". Un cadavre comme celui de Matteotti, le "social-milliardaire" est trop encombrant.
La Ceka a-telle voulu assassiner le député ? Vraisemblablement lui faire un petite leçon façon terreur squadrista, comme au temps du maganello (gourdin) et de l'huile de ricin. La précipitation pour se débarrasser du corps, rien avait été prévu, enseveli sous peu de terre ce qui permit à un chien de le trouver, montrer que ce n'est pas prémédité.
Afin d'éviter un débat au parlement, le président de la Chambre Alfredo Rocco ajourne sine die les ordres du jours, empêchant ainsi l'opposition de s'exprimer. Elle décide alors de faire sécession et de se réunir dans une salle du parlement pour y mener les travaux parlementaires, appelée salle de l'Aventin, en référence à la Secessio Plebis, lorsque la plèbe romaine se retira sur la colline de l'Aventin en -496 pour faire valoir ses droits aux patriciens.
Les députés socialistes se rendent chez le roi Victor Emmanuel III, avec les mémoires de Finzi et de Rossi. Il écoute et ne fait rien. Devant l'ampleur du scandale qui pourrait éclabousser la classe politique, la peur de nouveaux désordres, il apporte son soutien à Mussolini. L'opposition divisée, absente des débats, a perdu la partie.

[alfa1965]

Avant d'en arriver aux lois dites fascistissimes, il s'avère donc que Matteotti aurait découvert les preuves de marchés truqués et de pots-de-vins de la société pétrolière Sinclair Company. A cette époque, c'est la Standard Oil qui a le monopole en Italie et la Sinclair surgit et remporte le marché. Matteotti, menant l'enquête s'était rendu clandestinement à Londres, on lui avait retiré son passeport pour activité "antifascistes". Il aurait été en possession de documents remis par le Labour Party, prouvant que la Sinclair n'était qu'une façade de la Standar Oil pour s’approprier la part léonine du marché pétrolier italien aux dépens de l'Anglo-Persian.
L'Histoire a retenu que la mort de Matteotti est en rapport avec son discours à Montecitorio dénonçant les irrégularités du scrutin alors que de fortes présomptions portent sur la découverte de pots-de-vins de la Sinclair Co.

[fbonnus]

Grand merci cher Alex de cet exposé touffu, qui, j'en suis certain va appeler de nombreux commentaires de nos membres.
A vous lire
Amicalement

[alfa1965]

Merci Fred
Le pédigré du chef des sicaires Dumini est impressionnant, 17 balles dans la peau ! Finir électrocuté, étrange. Le fils de Matteotti, arr^eté en 1944 fut libéré sur intervention personnelle de Mussolini.