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Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 07 Déc 2012, 15:51
de alfa1965
Pour le fascisme et la prise du pouvoir par Mussolini, la crise est plus profonde, alors que les partis traditionnels reposent sur une clientèle, le fascisme prend en compte les masses pour les encadrer et les diriger vers un programme national-révolutionnaire. La crise sociale est profonde en Italie, remonte au Risorgimento, les différents hommes politiques dont Giolitti, n'ont pas compris que la Révolution Industrielle, tardive en Italie a créé un prolétariat qui n'a pas de conscience politique. Deux phénomènes vont venir bouleverser la donne politique : la révolution bolchévique et la création des fasci di combattimento, en mars 1919 par Mussolini. Il savait que les masses pouvaient être manipulées (il avait lu Le Bon) et que la meilleure arme était la violence (Sorel), véhiculée par des vétérans de la Guerre, frustrés de ne pas avoir la reconnaissance des hommes politiques.

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 07 Déc 2012, 16:39
de François Delpla
fbonnus a écrit: déflorons


tu l'auras voulu !

voici en avant-première un fragment du dossier que j'envoie de ce pas au rédac-chef Vincent :

L’un des préjugés les mieux enracinés veut que Hitler n’ait dû son accession au pouvoir qu’à la crise dite de 1929. Pour le remettre en cause, il suffit de remarquer que cette crise ne produit en Allemagne des effets dévastateurs qu’à partir de 1931, et que le premier succès électoral des nazis, qui oblige à compter avec eux, date du 14 septembre 1930, lorsqu’ils passent brusquement de 2 à 18% des voix et de 12 députés à 107. En fait, le parti nazi avait commencé à remonter la pente, après son résultat désastreux des législatives de 1928, à la faveur de l’adoption du plan Young sur les réparations, définitivement adopté le 7 juin 1929. Avant toute crise, donc, le départ spectaculaire de celle-ci se produisant avec le « jeudi noir » du 24 octobre suivant. L’ascension nazie commence aussi avant la mort du ministre Stresemann, symbolisant une Allemagne réaliste et résignée à exécuter le traité de Versailles, le 3 octobre de cette même année 1929. Il y avait donc bien, en Allemagne même et indépendamment de la conjoncture économique, une époque qui s’achevait. Une situation mûrissait, qui allait redonner leur chance aux forces nationalistes. Beaucoup de choses dépendraient de l’habileté de leurs dirigeants.

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 07 Déc 2012, 17:07
de alfa1965
A mon avis, pour le nazisme, il vient combler un vide que les vieux partis politiques ont laissé à Hitler, la place de la classe moyenne, conservatrice, obsédée par la révolution spartakiste et abandonnée par la social-démocratie et les partis de la doite classique. Ils ont fait les frais de la guerre et n´a pas sa place dans la nouvelle Allemagne, parce que la guerre a transformé radicalement les combattants, la violence a été banalisée et la vie politique doit tenir compte d´un nouveau phénomène : l´affrontement direct entre communistes et nazis, héritage de la guerre;

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 08 Déc 2012, 18:07
de François Delpla
Voici comment Martin Broszat présente la question, dans les premières pages de L'Etat hitlérien (1989, tr. fr. 1984) :
Le troisième acte, crucial, ne commença qu'avec la crise combinée de l'économie et de l'Etat, à partir de 1929-1930.
Ce fut la protection des nazis par les forces antirépublicaines du camp national-conservateur, similaire à celle qui avait existé en Bavière avant 1923, qui permit au NSDAP d'échapper, à partir de 1929-30, au plan national, à son bannissement dans le désert politique du sectarisme radical pour devenir le point de focalisation des mécontents, dont le nombre s'accrut rapidement avec la crise économique. La fondation, à l'été 1929 -avant même le début effectif de la dépression- par Alfred Hugenberg, le nouveau président du DNVP (le parti national-populaire allemand) du Cartel de l'opposition nationale pour la tenue d'un référendum contre le plan Young allait avoir une importance particulière. (...) La campagne (...) rendit le mouvement hitlérien -qui après 1925 avait traîné comme un boulet la triste réputation d'un parti à moitié illégal de putschistes vaincus- progressivement fréquentable et à nouveau digne de crédit. Elle lui procura aussi de nouveaux et puissants protecteurs, parmi lesquels le président de la Reichsbank, Schacht, démissionnaire de son poste à la suite des négociations sur le plan Young (...).
Ce prélude politique à la crise économique (une forte poussée du chômage, l'hiver 1929-1930) permit d'une part au NSDAP de se présenter comme la nouvelle force active de l'opposition; d'autre part, il lui donna surtout le prestige et la force d'attraction dont il sut tirer profit par la suite pendant la crise et qui continuèrent d'agir presque automatiquement, après de plus amples succès, aussi longtemps que la crise ne fut pas résorbée.


Ce texte est en partie erroné (Schacht, négociateur en chef du plan Young, le signe, et ne démissionne de la présidence de la banque nationale qu'un an plus tard, en raison précisément de la crise et des mesures du gouvernement pour y faire face, qu'il désapprouve) et en partie confus : l'auteur, tout acquis à l'idée que les nazis n'ont dû leur ascension qu'à la crise économique, admet toutefois qu'elle a eu une préface politique, la lutte contre le plan Young, qui a mis les nazis sur orbite.

Mais le plus frappant est son insistance sur les soutiens bourgeois sans lesquels la fusée n'aurait pas pu décoller ni arriver à bon port. C'est le coeur de la pensée fonctionnaliste, selon laquelle Hitler répond à des besoins de la société allemande, et n'est rien en lui-même. Comme s'il ne mouillait pas la chemise (et ne mettait pas de l'eau dans son vin) pour les obtenir, ces soutiens, les garder, les fédérer...

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 00:12
de fbonnus
Votre dernière phrase, cher François, me parait de première importance, effectivement, Hitler, habile manipulateur politique, répond à sa façon à la crise économique qui frappe l'Allemagne et particulièrement ce que l'on appelle aujourd'hui "La Classe Moyenne" et que jadis on appelait "les Bourgeois".
Nous avançons, nous avançons, mais quel était donc le "plan économique" d'Hitler, qui a su "séduire" les "classes moyennes" ? Comment a t-il rebondi sur les effets dévastateurs de la Crise initiée en 1929 ?

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 00:50
de alfa1965
J'aimerais rajouter que sans la Révolution d'octobre, pas de bolchévisme et pas de révolution fasciste antibolchévique, et pas de nazisme. Début 1919, la situation était explosive en Italie et en Allemagne : crisé économique (le Reich vivait encore sous l'embargo allié), occupation d'usines en Italie, grèves, gouvernements instables et faibles...

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 18:33
de fbonnus
Ce sont des origines éminemment imbriquées et effectivement, crise il y avait déjà, et la crise de 1929 n'a rien arrangé ... d'une situation déjà critique on est passée, je crois à une situation explosive à partir du début des années 1930 ...

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 19:17
de ulysse57
Pour abonder dans le sens de François Delpla , la crise de 1929 n'est pas le fond de commerce du nazisme.

Dans Mein Kampf c'est plus l'extension de la race des seigneurs (ou saigneurs , cela dépends ..) aux dépends de races inférieures, voire nuisibles.
Il faut aussi rendre à Hitler le charisme qu'il rayonnait. Ainsi chaque individu se retrouvait attiré par la force de gravité qu'il dégageait, comme un corps céleste attire la matière qui l'entoure. Et cette matière est nombreuse entre les déçus du spartakisme ou de Weimar, les militaires bafoués revanchards ... La base était déjà là, bien forte et bien ancrée.

La crise de 1929 c'est cherry on the cake.


Mais bon on parle de Hitler et Mussolini, mais regardons plus large. En ces années noires, il y a quand même un paquet de dictature en Europe et dans ses pays importants : Allemagne, Italie, Espagne, Portugal ... Et en plus large : l'URSS, le Japon, la Chine (pour celle ci c'est peut être un peu fort ...)
A croire qu'il s'en faut de peu pour basculer de la démocratie à la dictature.

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 20:40
de fbonnus
Justement cher Ulysse, ne pensez-vous pas que les effets dévastateurs de la crise de 1929 sur le "porte monnaie" des Allemands n'a pas été une formidable opportunité qu'Hitler s'est empressé de saisir, pour stigmatiser les Juifs, représentés comme des Ogres pleins d'argent qui ne le partagent pas, et ainsi alimenter voir même justifier les "balbutiements" de son antisémitisme décrit dans Mein Kampf ? Cela revient au post d'introduction de ce fil où, dans une crise, on cherche un coupable, on stigmatise ...

Re: Pas de crise, pas de Nazisme et pas de Fascisme ?

Nouveau messagePosté: 10 Déc 2012, 23:13
de ulysse57
vous avez tout à fait raison sur la forme.

Mais le fond est plus redoutable encore.
Pour Hitler le Juif ne détient pas que l'argent : il détient tout. Plus que l'argent en soi , c'est tout les moyens d'en posséder ou d'en gagner en masses. La dénonciation d'un complot juif contre le monde pour le contrôler.
La crise est une mise en évidence de sa religion , presque une révélation . Pour que ses disciple suivent leur prophète .

La crise a catalysé une réaction qui était déjà en cours.