Post Numéro: 32 de carnoy456 22 Nov 2011, 17:09
Bonjour,
En tant qu'initiateur de ce fil, je me félicite (!) de pouvoir lire toutes les contributions le plus souvent très intéressantes. Parmi les plus récentes, certaines sont un peu "turbulentes", et j'ose espérer que mon présent message sera perçu comme serein, et dénué de toute attaque contre quiconque.
Si je reviens à la question que je posais au début (quelles auraient été les conséquences d'une déclaration solennelle de Pie XII à l'encontre du régime nazi ?), j'observe que dans la très grande majorité de ces contributions, la réponse semble être: les conséquences auraient été négatives. Je note deux arguments essentiels:
1. Il y aurait eu des représailles
2. Le pape n'avait pas le moyen de faire grand chose.
Personnellement, au bout du compte, je pense le contraire, et, au bilan final, selon moi, les conséquences auraient été positives. Examinons donc ces deux arguments. Je reprendrai des extraits (citations en italiques) d'un vieux livre (1965) que j'ai lu lors de sa publication, et que je consulte de temps en temps: "L'église catholique et l'Allemagne nazie" de Guenter Lewy (Editions Stock)
1. Il y aurait eu des représailles
Prenons acte du fait que les nazis ont eu à leur "actif" des millions de morts dans les camps (juifs et non-juifs, dont un nombre TRES élevé de catholiques et de chrétiens en général). Quelles auraient donc été ces représailles ?
Pour les juifs, on est arrivé à 6 millions (sur un total de 11 millions recensés par Eichmann; même si ce dernier a regretté de ne pas être arrivé "au bout", je trouve le résultat final assez gigantesque !) Peut-on penser qu'il y aurait eu davantage de juifs exterminés si le pape s'était vigoureusement élevé contre l'antisémitisme nazi ? La machinerie d'extermination nazie tournait à plein régime, je ne crois pas qu'elle ait pu passer réellement en sur-régime (en avait-elle d'ailleurs les moyens ?) simplement à cause d'une déclaration du pape.
Par ailleurs, s'il est vrai que Pie XII a contribué à sauver beaucoup de juifs (le nombre de 800000 lu dans un post précédent me parait personnellement démesuré !), inscrivons sa démarche dans la tradition:
Lewy p263: (...) on incline à conclure que le pape et ses conseillers -influencés par la longue tradition d'antisémitisme modéré si généralement accepté dans la Curie- ne virent pas tout ce qu'avait de tragique et de moralement indigne la situation des juifs européens
Pour les catholiques, comment ne pas prendre en compte le sort épouvantable qui leur fut réservé (je pense aux polonais en particulier) ?
De quelles représailles "supplémentaires" parle t-on ? Contre les fidèles ? Probablement pas (comment aurait-on fait ?) Contre les membres de la hiérarchie de l'Eglise ?. Peut-être ! Avec prudence, je m'engage sur ce terrain: dans la foi catholique (je connais bien le sujet !) on met abondamment en avant le sens du sacrifice ... Voyez-vous ce que je veux dire ? J'éspère, sans offusquer personne, qu'on m'aura compris à demi-mot
Dès leur prise de pouvoir, les nazis ont fait le maximum pour combattre les églises chrétiennes. Il fallait que le pape condamne de tels agissements ... Et il ne l'a fait que de façon "modérée"
Lewy p266: Du début à la fin du régime hitlérien, les évêques ne se lassèrent jamais de répéter aux fidèles que le gouvernement du Fûhrer était l'autorité légitime à qui chacun devait obéissance
Lewy p 267: Après l'échec de l'attentat dirigé contre Hitler, à Munich, le 8 novembre 1939, le Cardinal X, au nom de l'épiscopat allemand, et le Cardinal Y, au nom des évêques bavarois, envoyèrent des télégrammes de félicitations à Hitler
Lewy p218: (...) en conformité avec sa politique de stricte neutralité, il (le pape) ne désigna jamais le coupable; il exprima constamment sa sympathie pour les victimes mais il ne condamna jamais ceux qui portaient la responsabilité des atrocités commises
2. Le pape n'avait pas le moyen de faire grand chose.
Commençons par une expérience personnelle: enfant, puis adolescent, j'ai baigné dans ma famille dans une pratique catholique très active. J'ai le souvenir que les messages du pape étaient SACRES ( le pape n'étant rien moins que le "représentant du Christ" sur terre !) et avaient un impact considérable sur la hiérarchie de l'Eglise et ses fidèles. La diffusion en chaire de ces messages, dans les cathédrales, les églises (grandes et petites) auraient permis aux consciences de se réveiller et d'abandonner nombre de chimères.
En condamnant le nazisme, Pie XII aurait fait en sorte que, en France par exemple, le cardinal Baudrillart, farouche pronazi, ne fasse pas d'émules; en revanche, des comportements tels que celui du cardinal Tisserant, farouche antinazi, auraient été majoritaires au sein de la hiérarchie catholique !,
Oui, le pape avait des moyens. Mais il se voulait "neutre" dans le conflit mondial et il eut fallu qu'il abandonne cette neutralité , d'abord en faisant taire son antibolchevisme, puis en prenant conscience qu'il y avait simplement d'un côté le "bien" et de l'autre "le mal", ce qui, au demeurant, était assez aisé !
En conclusion, après plus de quarante ans d'analyse personnelle sur le sujet, et après avoir analysé les arguments des uns et des autres, ma conviction est claire. Pie XII aurait dû condamner avec vigueur le nazisme. Ainsi:
- L'Eglise catholique serait sortie grandie, au plan moral, de cet effroyable événement historique, alors que, à l'inverse, quoiqu'il arrive, le comportement de sa hiérarchie restera à jamais suspect
- Des régimes de collaboration en Europe, tels que celui de Vichy, fortement ancré, quoiqu'on en dise, dans la foi catholique, auraient été considérablement affaiblis
- Cette condamnation aurait permis à nombre de catholiques de s'engager plus rapidement dans les mouvements de résistance
Voilà ce que je voulais dire. Pardon d'avance à ceux qui désapprouvent vigoureusement mon propos
Cordialement à tous